Manque d’investissements, pénurie de personnels, urgences engorgées : de l’autre côté des Pyrénées, les Espagnols rencontrent des problèmes très similaires à ceux des Français vis-à-vis de leur système de santé public. Le 19 mai à Madrid, des dizaines de milliers de citoyens ont défilé à l’appel de collectifs pour la défense de celui-ci. Présence incongrue d’un point de vue français, la ministre de la Santé, Monica Garcia, elle-même ancienne médecin anesthésiste, s’est jointe au cortège.
En effet, l’Espagne est un pays quasi fédéral où les régions sont appelées « communautés autonomes » et où la majorité du budget de la santé est aux mains des gouvernements régionaux. Alors que Madrid est la zone la plus riche du pays, la communauté madrilène se classe avant-dernière en matière d’investissements dans la santé publique. Les manifestants accusent le gouvernement régional de favoriser les prestataires privés en démantelant à bas bruit le système public, considéré là-bas aussi comme un pilier de l’État social. Les Madrilènes avaient déjà manifesté trois fois contre cette dégradation entre novembre 2022 et février 2023.
Un outil de lutte contre les inégalités
En avril dernier, l’Union générale des travailleurs (UGT), l’un des principaux syndicats espagnols, demandait déjà l’instauration d’un « pacte d’État » pour « fournir des ressources matérielles et humaines suffisantes et efficaces au système national de santé », mis à mal ces dernières années. L’organisation souligne notamment que les soins de base sont « un instrument de redistribution sociale et de lutte contre les inégalités ».
Selon le Baromètre sur la santé publié établi par le gouvernement, la satisfaction des citoyens vis-à-vis du système de santé public est en baisse : seuls 57,5% des Espagnols en sont contents, et plus d’un citoyen sur deux a déjà dû attendre plus d’une semaine pour consulter son médecin de famille. Du fait de conditions de travail dégradées et de faibles revenus, beaucoup de médecins espagnols tout juste diplômés choisissent d’émigrer vers des pays leur promettant une meilleure situation.
En matière de santé, l’austérité peut coûter cher
En Espagne et ailleurs, le sous-investissement en matière de santé publique est en partie à imputer au retour de la rigueur budgétaire dans l’Union européenne, selon Branislav Rugani, secrétaire confédéral du secteur international chez FO. « De nombreuses mesures prises ces derniers mois découlent de la gouvernance économique de l’Union européenne, analyse-t-il. Les États ont anticipé le retour de l’austérité, qui a des incidences partout en Europe. »
Avec des conséquences particulièrement délétères sur la santé des plus précaires. « S’ils doivent choisir entre manger un morceau de viande et acheter une boîte de médicaments, ils vont moins se soigner, poursuit Branislav Rugani. L’Europe en verra l’impact dans vingt ou trente ans, quand ces jeunes devenus plus âgés vont dépérir et que tout cela va coûter beaucoup plus cher à la société. »