Magritte dévoilé ?

Exposition au Centre Pompidou par Michel Pourcelot

Au-delà du peintre apprécié par les éditeurs de posters, l’artiste belge a développé une approche de la peinture qui joue avec le visible. Et on peut le voir à l’œuvre au centre Georges-Pompidou, à Paris, dans le cadre de l’exposition « Magritte, la trahison des images », présentée jusqu’au 23 janvier 2017.

Ceci est une expo, mais Magritte n’est pas un artiste tout à fait comme les autres. Le Centre Pompidou entend proposer une approche à ce jour inédite de Magritte (1898-1967). Il a rassemblé ses œuvres emblématiques, mais aussi des moins connues pour une lecture renouvelée de l’une des figures magistrales de l’art moderne, soit surtout démontrer le fait que Magritte n’était pas vraiment un surréaliste. Il ne partageait ni le concept de l’écriture automatique, sa démarche étant effectivement inverse, ni la fascination pour l’inconscient freudien chers au mouvement. Ce qui n’est pas vraiment un scoop. Bien d’autres figures de la galaxie surréaliste n’y adhéraient pas. Tout en restant indépendant et franc-tireur, Magritte fut seulement un proche des surréalistes parisiens Venu à Paris, l’artiste belge en repartira rapidement, vite lassé des diktats d’André Breton. Il s’entendra beaucoup mieux avec les surréalistes belges. Ses affinités marxistes, dont il ne se départira pas, le conduiront à s’inscrire au Part communiste au sortir de la guerre : il s’en éloignera encore plus promptement, le conformisme était aussi patent dans ce milieu que dans les sphères les plus bornées de la bourgeoisie.

Explication de texte

Pour Magritte, les titres des tableaux ne sont pas des explications et les tableaux ne sont pas des illustrations des titres. Et d’ailleurs, il... explique ainsi son tableau peut-être le plus célèbre : La fameuse pipe, me l’a-t-on assez reprochée ! Et pourtant, pouvez-vous la bourrer ma pipe ? Non, n’est-ce pas, elle n’est qu’une représentation. Donc si j’avais écrit sous mon tableau ceci est une pipe, j’aurais menti !. Ce tableau, peint en 1929, est par ailleurs intitulé La trahison des images, et non pas « Ceci est une pipe ». Dans son explication de texte, Magritte fait allusion à peine voilée à Zeuxis, ce peintre de la Grèce antique dont le réalisme était tel que des oiseaux venait picorer ses raisins peints. A imitateur, imitateur et demi : lors d’une joute artistique, il dut s’avouer vaincu face à son rival Parrhasios, qui peignit des rideaux devant l’un de ses tableaux. Furieux, Zeuxis tenta de les enlever. On retrouve ces fameux rideaux dans nombre de tableaux de Magritte. Ce sont aussi, depuis des siècles, le symbole de la nature cachée du monde, les fameux voiles d’Isis. Magritte, dont l’œuvre se veut une ouverture vers le mystère, s’intéressa également au mythe de la caverne développé par Platon. Au fur et à mesure des années, ce peintre éclairé approfondira ses connaissances en la matière, et échangera avec des philosophes, comme Chaïm Perelman et Michel Foucault, dont il a lu Les mots et les choses en 1966. Ce dernier en sortira, en 1973, un ouvrage intitulé Ceci n’est pas une pipe.

Exposition « Magritte. La trahison des images »,
jusqu’au 23 janvier 2017, au Centre Pompidou, Place Beaubourg, 75004 Paris
Tarifs de 11 à 14 euros. Gratuit pour les moins de 18 ans.
Site web : http://www.centrepompidou.fr

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante