Malgré la crise sanitaire, le CAC 40 et le nombre de milliardaires français tutoient les sommets

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

Après avoir clôturé le premier semestre 2021 sur une envolée historique de 17%, inédite en vingt ans, l’indice boursier de Paris a continué à progresser et reste à portée de son record absolu de l’an 2000. Le nombre de milliardaires français, aussi, est à la hausse. Pour autant, la pandémie ne condamne pas certaines évolutions fiscales qui restent toutefois à préciser et à réellement mettre en œuvre.

C’est une hausse quasi-ininterrompue vers les sommets qui paraîtra à beaucoup insolente, alors que la pandémie a fait croître les inégalités sociales, basculer des centaines de milliers de Français dans la précarité ou à la lisière, émerger de nouveaux pauvres. En cette rentrée, où les travailleurs subissent les effets de la crise, en raison de l’augmentation des prix (gaz, électricité, alimentation, essence) sans que les salaires suivent, l’indice phare de la bourse de Paris, lui, continue son avancée vers son record historique. Une avancée aujourd’hui prudente, diraient les experts.

Peut-être. Mercredi 8 septembre, la Bourse de Paris a clôturé, en recul, à 6 668,89 points. Néanmoins, elle reste toujours à portée de ses records absolus de l’an 2000 (6 944 points atteints en séance le 4 septembre 2000) et s’en est même approchée, à moins une cinquantaine de points, le 13 août. Elle n’a pas longtemps connu la crise, après avoir vécu une chute vertigineuse au premier confinement en mars 2020. En treize mois, elle avait retrouvé son niveau d’avant la pandémie. Au premier semestre 2021, le CAC 40 (qui représente la valorisation des 40 plus importantes entreprises multinationales françaises) s’est même envolé de plus de 17%.

Cela a été la meilleure performance des places boursières mondiales et, pour le CAC 40, un moment historique. Il fallait remonter plus de vingt ans en arrière, au premier semestre 1998, pour trouver un début d’année plus flamboyant. Le rebond de ce premier trimestre 2021 a même atteint 73%, si l’on compare le niveau auquel était descendu l’indice boursier de Paris à l’arrivée de la pandémie en Europe (3 750 points) et celui auquel il a clôturé au 30 juin 2021 (6 507 points).

Explosion de records…

Ce rebond dans la crise s’explique par l’amélioration des conditions sanitaires et les politiques accommodantes, tant de la Banque centrale européenne (sa politique de rachats d’actifs permettant aux États d’emprunter à bas coût, NDLR) que de l’État français, qui ont porté les marchés financiers.

Le « quoi qu’il en coûte » a fourni aux entreprises des solutions d’économies sur les salaires (activité partielle) et des facilités de financement (le prêt garanti par l’État). Ce qui n’a pas empêché certains employeurs d’engager des restructurations massives, des plans sociaux, des plans d’économies drastiques que les salariés sont les premiers à subir au quotidien.

La reprise économique mondiale, suite entre autres aux levées de restrictions sanitaires, a joué aussi dans ce rebond. Et les projections se confirment. Mardi 7 septembre, l’Insee a encore relevé sa prévision de croissance de l’économie française à 6,23% pour 2021 (contre 6% précédemment), la reprise de l’activité s’étant nettement poursuivie malgré la quatrième vague épidémique cet été et l’instauration du pass sanitaire.

Pendant ce premier semestre 2021, historique pour la bourse de Paris, les entreprises du luxe ont explosé les records, au point que le secteur a pris beaucoup de poids au sein du CAC 40, jusqu’à représenter près d’un tiers de sa capitalisation. LVMH a progressé de 30%, Hermès de 40%. Le secteur bancaire a rebondi aussi, à l’image de la Société Générale (+47%). Saint-Gobain, plus grosse envolée (+48%), bénéficie de la reprise de la construction et de la rénovation de logements. ArcelorMittal (+37%) est porté par la hausse du cours des matières premières.

Hausse de 15% du nombre de milliardaires français

Malgré la crise sanitaire, le nombre de milliardaires français a également augmenté (14,7% de hausse en un an), a révélé le magazine Challenges début juillet dernier. Selon lui, la France comptait alors 109 milliardaires, contre 95 en juillet 2020. En une année, le patrimoine cumulé des 500 plus grandes fortunes de France aurait bondi de 30%.

Dans ce classement de l’été 2021, Bernard Arnault, patron du groupe LVMH, première capitalisation boursière d’Europe, faisait toujours la course en tête, avec une fortune estimée à plus de 157 milliards d’euros (+57% comparé à juin 2020) ! Suivaient la famille Hermès (81,5 milliards d’euros), celle des Bettencourt (71,4 milliards), d’Alain et Gérard Wertheimer, héritiers de Chanel et, en cinquième position, François Pinault, fondateur de Kering (Saint-Laurent…). A noter que le fondateur d’eBay Pierre Omidyar, en huitième position, aurait doublé sa fortune estimée. Avec les confinements, le commerce en ligne d’articles d’occasion ayant explosé.

Vers une réforme de la fiscalité mondiale

Si la pandémie a profité aux indices boursiers et aux milliardaires, d’abord en France, rappelons-nous qu’elle n’a pas condamné toute évolution fiscale. Cette deuxième année de crise restera celle où s’est concrétisé à l’OCDE le texte devant permettre une réforme de la fiscalité mondiale, pour mieux taxer les multinationales et les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Une première à ce niveau.

Signé le 1er juillet, l’accord global à 130 pays (dont la version définitive est attendue cet automne pour une mise en œuvre en 2023), repose sur deux paramètres. Le premier : une taxation, dans le pays de réalisation des profits, des multinationales faisant plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires (via une imposition de 20% des bénéfices dépassant une marge de 10%, selon une clé de répartition encore à négocier).

Le second et le plus important : un impôt minimum mondial d’au moins 15% pour les multinationales ayant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros, est censé enrayer la course au moins-disant fiscal et les stratégies d’optimisation dans les paradis fiscaux, cela se faisant au détriment des caisses des États.

Mais pour FO, ce taux mondial d’imposition à 15% reste insuffisant. D’autant qu’il repose sur une assiette incertaine et ne s’appliquerait qu’à une centaine de multinationales (moins de 10 en France). Les retombées pour la France seraient certes non négligeables, entre 4 et 6 milliards selon les estimations. Mais rappelons par ailleurs que la loi des finances 2018 a acté une réforme de l’impôt sur les sociétés (IS), se traduisant par une baisse du taux d’imposition, échelonnée sur trois exercices financiers, de 28% en 2020 à 25% en 2022. Rien qu’en 2020, le manque à gagner pour les finances publiques s’est élevé à 6,6 milliards d’euros.

En France, retour du débat public sur la taxation des plus riches

Dans la crise, la France a vu se renforcer le débat public, récurrent et légitime, autour de la taxation des plus riches. Pour qu’ils contribuent davantage au remboursement des dépenses publiques supplémentaires liées au covid et alors que la dette, se situe, de par la crise, à un niveau inédit depuis 1949.

L’exécutif qui exclut toute hausse d’impôts table, lui, sur la croissance, la maîtrise de la dépense publique et la poursuite des réformes « structurelles », dont celle de l’assurance-chômage qu’il s’entête à vouloir appliquer au 1er octobre, et celles des retraites, à construire lorsque la pandémie sera sous contrôle et lorsque la reprise économique sera suffisamment solide, a annoncé mercredi 8 septembre le Premier ministre.

Deux réformes auxquelles FO s’oppose avec détermination depuis le début, et plus encore aujourd’hui, alors que les travailleurs sont aux prises avec la crise. L’abandon de ces deux réformes sera, une nouvelle fois, en tête des revendications FO lors de la journée de mobilisation du 5 octobre, par la grève interprofessionnelle et les manifestations, qui porte également sur l’augmentation des salaires, l’arrêt de la précarisation de l’emploi, la fin de la fermeture de services publics, la conditionnalité des aides publiques selon des normes sociales et environnementales, ainsi que sur l’amélioration des conditions de travail et d’études.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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