Mecachrome : après l’accord APLD l’avenir reste incertain

InFO militante par Evelyne Salamero, L’inFO militante

© Pierre GLEIZES/REA

L’arrêt brutal du trafic aérien et le ralentissement de l’industrie automobile découlant de la crise sanitaire mettent en péril les entreprises sous-traitantes de ces secteurs, spécialisées dans la maintenance et la fabrication des moteurs et des pièces de rechange. Mais chez Mecachrome, la crise sanitaire n’explique pas tout, rappellent les responsables FO, révoltés par l’absence d’engagement de la direction à maintenir les emplois en échange des aides publiques. Signataire d’un accord APLD qui préserve pendant deux ans la moitié des emplois menacés, le syndicat FO entend maintenant tout mettre en œuvre pour éviter les licenciements contraints, dans le cadre d’un plan de départs volontaires en cours de négociation. Il a déposé un préavis de grève pour ce 18 décembre sur le site de Vibraye (Sarthe) menacé de fermeture.

L’accord sur l’activité partielle de longue durée (APLD) signé fin novembre chez Mecachrome France, notamment par le syndicat FO (majoritaire), permet de sauver 194 des 398 emplois menacés (sur un effectif total de 971 salariés), et ce pendant 24 mois. La négociation a également permis d’obtenir un taux d’indemnisation plus favorable que celui appliqué dans le cadre du dispositif de chômage partiel de droit commun. Les pertes de salaires seront ainsi limitées à 8% au maximum. Enfin, les changements de planning ne pourront pas être imposés aux salariés sans les avoir prévenus au moins huit jours à l’avance.

Cet accord ne règle pas tout, soulignent les responsables FO, qui entendent maintenant tout mettre en œuvre pour éviter les licenciements secs dans le cadre du Plan de départs volontaires en cours de négociation. Le syndicat a ainsi déposé un préavis de grève sur le site de Vibraye, dans la Sarthe, pour s’opposer à sa fermeture annoncée fin septembre. Il s’appuie sur l’expertise du cabinet Secafi, missionné par le CSE central, qui vient de conclure à la viabilité du site.

Nous étions malades avant la Covid

Le mécontentement est d’autant plus fort que la crise sanitaire n’explique pas toutes les difficultés, les problèmes s’accumulant depuis déjà plusieurs années. Le groupe, spécialisé dans la mécanique de haute précision pour l’aéronautique, l’aérospatiale, la défense et le sport automobile, est endetté depuis 2009. La première délocalisation (vers Tanger, au Maroc) remonte à 2008. La deuxième, vers le Portugal, a eu lieu en 2014 et la troisième, vers le Maroc de nouveau, a été décidée début 2020.

Déménager les machines coûte très cher. Nous étions malades avant la Covid. Il fallait déjà trouver 50 millions. Il a fallu rajouter de quoi financer l’APLD et le déplacement de plus de machines encore puisque les délocalisations continuent, explique Séphane Carré, coordinateur des syndicats FO métaux de l’ensemble du groupe.

L’entreprise a obtenu un prêt garanti de l’État (PGE) de 60 millions d’euros en mai, puis 2,47 millions de subventions en juin pour appuyer la modernisation de l’outil de production dans le cadre du plan de relance de la filière aéronautique. De leur côté, les actionnaires ont avancé 50 millions d’euros.

La logique reste la même, une logique financière

Simultanément, de nouvelles délocalisations ont été décidées en juillet dernier, d’Aubigny (Vendée) à Evora, au Portugal, et d’autres sont programmées jusqu’à fin 2022. Avant ou après Covid, la logique reste la même, c’est une logique financière, la crise sanitaire a juste accéléré les choses s’indigne Jacky Chauvière, délégué syndical central FO. Stéphane Carré renchérit : la crise sanitaire a juste permis que l’État donne plus d’argent, sans aucun engagement de l’entreprise à maintenir les emplois.

De plus, la stratégie de Mecachrome reposant sur la spécialisation de chacune de ses usines en France et ailleurs, le groupe réorganise aussi la répartition de son activité entre ses différents sites sur le territoire national, d’où sa volonté de fermer l’usine de Vibraye, dont la majorité de sa production partirait à Sablé-sur-Sarthe, une autre partie à Aubigny et encore une autre à Evora au Portugal.

Absence de conditionnalité aux aides publiques : un problème de volonté politique

L’absence de conditionnalité aux aides publiques en termes de maintien de l’emploi est un problème de volonté politique, dénoncent les responsables FO. Quand, en 2015, l’État portugais a consenti 40 millions de prêts pour soutenir l’ouverture du site d’Evora, il a conditionné cette aide au maintien des emplois sous peine pour l’entreprise de devoir les rembourser. C’est cela qui nous révolte : des pays plus petits que la France, avec moins de moyens financiers, arrivent à faire ce que nous on ne fait pas ! s’insurge Jacky Chauvière.

Enfin, autre sujet d’inquiétude : quel sera le sort réservé aux quatre filiales de Mecachrome France qui emploient actuellement environ 500 salariés ? Pour l’instant épargnées, les responsables FO craignent qu’elles ne soient à leur tour fortement impactées dès le début 2021. Si Airbus décidait de réinternaliser son activité, la filiale de Nantes serait particulièrement menacée. Aujourd’hui 80 des 160 salariés qu’elle emploie travaillent pour Airbus. Or cette usine est à peine à l’équilibre car tous ses bâtiments sont en location, ce qui lui coûte très cher., alerte Stéphane Carré.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération