2023 sera difficile. En un an, il faudra renégocier tous les accords. Tous !
Élu fin novembre délégué syndical FO chez Keolis Val d’Yerres Val de Seine (Essonne), Mohammed Menad, 54 ans, mesure la difficulté de la tâche qui est la sienne, à son niveau, face à la mise en concurrence des bus de la Grande couronne parisienne. Un séisme social annoncé : comme toute société remportant un appel d’offres d’Île-de-France Mobilités (autorité organisatrice des transports dans la Région), Keolis a créé une société juridique dédiée, où ont été transférés les salariés des transporteurs privés sortants. Parmi les 342 salariés, 60 % ont changé d’employeur et 40 % de société d’appartenance. Ces transferts impliquent la renégociation – dans les quinze mois – des dispositions issues des accords collectifs dont ils bénéficiaient dans leur entreprise précédente. Il ne faut pas se voiler la face. Les transporteurs qui remportent les marchés sont là pour se faire de l’argent. Les acquis sociaux, patiemment construits, risquent d’être balayés
, prévient le militant, qui a un cahier revendicatif précis : harmoniser par le haut
.
Depuis douze ans, son mandat de DS est remis au vote chaque année
Après douze ans comme DS FO, Mohamed Menad est un militant aguerri et un négociateur éprouvé, qui ne jure que par le travail en collectif. Devenu conducteur de bus en 2007, à l’issue d’un licenciement et d’une formation Pôle emploi, il découvre le syndicalisme en intégrant le transporteur Garrel et Navarre à Draveil (Essonne). Il adhère alors au seul syndicat présent dans l’entreprise. Mais quand le montant de la participation est divisé par dix en 2000, jugeant cette organisation pas assez combative
, il cherche une alternative avec quatre camarades. L’écoute de l’UD FO de l’Essonne sera décisive : ils créent une section FO. Laquelle engage le rapport de force, obtient un complément significatif de participation après une semaine de grève, puis devient majoritaire.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : on est pour le dialogue et la négociation avant tout. C’est notre seule grève
, précise le DS qui, chaque année, remet son mandat au vote des adhérents. Ce n’est pas un trône. L’important, c’est le collectif
, dit le militant, également conseiller du salarié depuis neuf ans. En douze ans, il a été reconduit douze fois comme DS ! Il faut dire qu’il compte d’autres succès chez Keolis Seine-Sénart (qui a racheté en 2000 Garrel et Navarre), notamment d’avoir fait restaurer, par voie de justice, les chèques-cadeaux que la direction avait supprimés, après les avoir financés pendant trois ans. L’entreprise a dû rembourser 17 000 euros. On a aussi beaucoup bataillé pour l’intégration des primes dans le salaire de base. On s’en félicite aujourd’hui qu’on a changé de société d’appartenance
, précise Mohamed Menad. Il sait l’importance du salaire, lui qui a fini par abandonner ses études d’informatique industrielle pour subvenir à ses besoins, après avoir étudié et travaillé de front.
Ces faits d’armes ont compté dans le succès de la campagne FO chez Keolis Val d’Yerres Val de Seine. Le syndicat a gagné trente adhérents, étoffant ses troupes de moitié. Mais les résultats des élections (24,64 %) ont été en demi-teinte. FO est toujours là ! On a quatre ans pour préparer les prochaines élections
, tempère le militant, résolument tourné vers l’avenir.