Négociation du Brexit : ce n’est qu’un début

Europe par Evelyne Salamero

Le Brexit sera le seul point à l’ordre du jour du sommet européen de ce samedi 29 avril, à Bruxelles. Les dirigeants des désormais 27 États membres de l’Union européenne devraient amender et approuver les « orientations » qui guideront les négociations de leur divorce avec l’ex 28e, le Royaume-Uni. Pour la confédération syndicale britannique TUC, il faut, plus que jamais, mener campagne et ne surtout pas relâcher la pression pour que les droits des travailleurs ne soient pas sacrifiés dans le cadre de ce processus. Un processus qui ne fait que commencer…

Après les « orientations » normalement adoptées par les 27 dans les prochaines 24 heures, viendront leurs « directives », plus détaillées, qu’ils adopteront le 22 mai, puis le projet de recommandation de la Commission européenne sur le mandat des négociateurs qui devrait être présenté début mai, pour adoption, aussi, le 22 mai… La machine des institutions européennes se met donc en marche, ce qui n’est jamais simple.

Autant dire que les négociations du Brexit sont bien loin d’être terminées.

En vertu de l’article 50 du traité de Lisbonne, les deux parties ont deux ans pour parvenir à un arrangement. Après ce délai, faute d’accord, le Royaume-Uni quitterait automatiquement l’UE. L’accord de divorce est donc censé être bouclé avant les élections européennes prévues en juin 2019. Si d’aventure il se révélait nécessaire de rallonger le délai de deux ans, cela exigerait un accord unanime des 27.

L’accord de divorce ne règlera pas tout, quid des « relations futures » ?

Mais l’accord de divorce ne règlera pas tout. Les relations futures entre l’Union Européenne et son ex-membre vont également être négociées. Et ces discussions-là pourraient durer de sept à dix ans, ont respectivement estimé le président du Conseil européen Donald Tusk et l’ancien ambassadeur britannique auprès de l’Union européenne, Ivan Rogers.

Si, de son côté, le Royaume-Uni voudrait bien commencer à en discuter dès aujourd’hui, en parallèle à la négociation du divorce, l’UE s’y refuse, préférant faire les choses en deux fois.

Elle pourrait consentir à négocier des « dispositions transitoires » pour la période suivant immédiatement le retrait du Royaume-Uni, notamment en matière commerciale et de sécurité, mais seulement —après— que des « progrès suffisants » aient été faits sur les conditions de départ du Royaume-Uni.

Les 27 exigent notamment que les comptes soient soldés, c’est-à-dire que le Royaume Uni s’acquitte de tous les engagements de contribution au budget européen qu’il a pris avant le référendum qui a débouché sur le Brexit. Ils entendent aussi clarifier le sort des plus de 3 millions de ressortissants européennes au Royaume-Uni, du plus d’un million de Britanniques résidant dans un autre État membre, et empêcher un retour à des contrôles douaniers avec l’Irlande du Sud.

Le TUC alerte sur le risque de transformer le pays en terre de dumping social

Si les commentaires vont bon train sur les éventuelles conséquences du Brexit sur la finance, la sécurité, le commerce, la compétitivité, ils se font beaucoup plus rares quand il s’agit d’évoquer ses effets sur la situation des travailleurs au Royaume-Uni, mais aussi dans les autres États membres.

La confédération syndicale britannique TUC, qui avait appelé à voter contre le Brexit, entend aujourd’hui tout mettre en œuvre pour que la sortie du Royaume Uni de l’UE ne se traduise pas par une perte des droits du travail dérivés du droit européen (les quatre semaines de congés payés, la protection des intérimaires, la réglementation sur le licenciement collectif), et ne transforme pas le pays en une terre de dumping social.

Une référence à la nécessité d’œuvrer contre le dumping social a bien été ajoutée dans les « orientations » à l’ordre du jour ce 29 avril, du fait de notre mobilisation, a indiqué Elena Crasta, du TUC, lors d’une réunion avec les fédérations FO le 5 avril dernier.

Mais maintenant, a-t-elle souligné, la question immédiate à la veille de ce sommet, est de savoir si elle va y rester…

A terme, a ajouté la syndicaliste britannique, l’enjeu pour son organisation est que les négociations débouchent sur une clause stipulant que le Royaume-Uni ne devra pas s’éloigner du droit européen.

Un danger immédiat : l’aggravation de l’austérité budgétaire

Autre danger, plus immédiat : les conséquences du Brexit sur la politique budgétaire britannique. Le TUC dénonce la poursuite de l’austérité alors que, explique-t-il, les négociations sur le Brexit auraient exigé plus que jamais de relâcher l’étreinte pour ne pas faire peser sur les salariés et la population la plus vulnérable le remboursement de ce que le Royaume Uni doit à l’Union Européenne dans le cadre de la procédure de divorce.

L’enjeu est d’autant plus crucial dans un contexte déjà marqué ces dernières années par des coupes drastiques dans les services publics, en particulier l’enseignement et la santé, ou dans les aides sociales. De ce point de vue, le Royaume-Uni a en effet largement joué le jeu de l’Union européenne.

Au lendemain du référendum, le 27 juin 2016, Dave Prentis, secrétaire général du syndicat Unison, l’un des principaux syndicats du TUC et l’un de ceux à avoir fait le plus campagne pour le Remain , déclarait : au cours des prochaines semaines et des prochains mois, nous veillerons à ce que les partisans du Brexit respectent leurs promesses, à savoir accroître le financement de la NHS (système de santé publique du Royaume-Uni) et préserver nos acquis.

Mais le budget 2018 adopté en mars ayant au contraire aggravé les choses, cette question reste l’une des préoccupations majeures de l’organisation syndicale à la veille du lancement des négociations sur le Brexit, dans lesquelles l’argent occupera une place importante, comme le plus souvent dans un divorce.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante