Négociation sur le télétravail en plein confinement

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

La négociation interprofessionnelle sur le télétravail a démarré le 3 novembre. Alors que le travail à domicile est redevenu la règle depuis le 30 octobre pour freiner l’épidémie de Covid-19, les organisations syndicales et patronales ont établi un calendrier de réunions très resserré jusqu’au 23 novembre. Pour FO, pas question pour autant de bâcler les discussions dont l’objectif est d’assurer une meilleure protection des salariés.

Après avoir traîné des pieds durant des années pour ouvrir une négociation interprofessionnelle sur le télétravail comme le revendiquait FO, le patronat appuie sur l’accélérateur et souhaite désormais faire aboutir les discussions en trois semaines. En effet, compte tenu du contexte sanitaire, un calendrier très resserré a été mis en place par les organisations syndicales et patronales lors de la première réunion qui s’est tenue le 3 novembre en visioconférence. Trois nouvelles dates sont programmées les 10, 13 et 17 novembre, avant une dernière séance conclusive le 23 novembre.

Pour FO, s’il s’agit de négocier vite, hors de question de bâcler le contenu. L’ouverture de la négociation d’un accord national interprofessionnel (ANI) avait été obtenue par les organisations syndicales le 22 septembre, à l’issue d’un diagnostic partagé sur le télétravail. Et malgré le contexte du reconfinement, les organisations patronales ont accepté d’aborder le télétravail dans sa globalité, et pas uniquement en situation de crise, se félicite Béatrice Clicq, secrétaire confédérale chargée du numérique et négociatrice FO.

Un plan d’accord sera présenté en fin de semaine

Lors de cette première séance, les organisations syndicales et patronales ont échangé sur l’architecture de l’accord. Elles ont notamment abordé les conditions de mise en place du télétravail et l’organisation du travail, y compris dans le cadre du télétravail exceptionnel.

Le Medef doit remettre un plan d’accord aux négociateurs en fin de semaine. Il contiendra sept chapitres et les différents points à négocier. Au menu des discussions notamment, le volontariat du salarié et la réversibilité, l’éligibilité d’un poste au télétravail, la charge de travail, les frais professionnels, la formation des managers, l’isolement des salariés, le droit à la déconnexion, la fréquence du télétravail… Un chapitre sera également consacré au télétravail exceptionnel en temps de crise.

Pour FO, l’objectif de la négociation est de mieux encadrer le télétravail afin de moderniser l’ANI 2005. Selon la législation actuelle, le télétravail peut être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou à défaut d’une charte élaborée par l’employeur. Mais il peut aussi faire l’objet d’un simple accord individuel entre l’employeur et le salarié, où ce dernier n’est pas en position de force.

Le nouvel ANI doit ainsi clarifier le cadre juridique et s’inscrire dans la continuité de celui de 2005 et dans le respect des dispositions du code du travail (temps de travail, temps de repos…). Il doit couvrir tous les travailleurs dans toutes les situations de travail, précise FO dans un communiqué.

Nous avons beaucoup insisté sur la possibilité de réversibilité, qui doit pouvoir se faire sur le même poste, poursuit Béatrice Clicq. Cela nécessite une formalisation systématique par écrit. FO attend également que la négociation porte sur les conditions de travail en situation de télétravail, intégrant les questions de santé et de sécurité, et qu’elle clarifie le droit à la déconnexion et à une séparation claire entre vie privée et vie professionnelle.

La nature juridique de l’accord, le vrai enjeu

Reste encore à voir quelle sera la nature du document qui sera issu des discussions. Boucler cette négociation en trois semaines, c’est un challenge, reconnaît Béatrice Clicq. Ensuite, tout l’enjeu sera de voir si cet accord est normatif. Jusqu’à présent, le patronat refuse tout accord qui serait contraignant. A l’issue de cette première réunion, selon l’AFP, le négociateur du Medef a estimé qu’il sera temps de regarder quelle sera la nature juridique de ce texte une fois le document écrit.

D’ailleurs depuis le 30 octobre, date du reconfinement pour freiner l’épidémie de Covid-19, le recours au télétravail est moins massif qu’au printemps dernier. Le protocole sanitaire mis en place par le ministère du Travail précise pourtant que le télétravail doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Ce texte stipule que le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance. Pour les tâches qui doivent être effectuées en présentiel, l’organisation du travail doit permettre de les regrouper sur certains jours de présence en entreprise. Et lorsque le télétravail est impossible, les horaires de départ et d’arrivée des salariés doivent être lissés pour limiter l’affluence aux heures de pointe.

Mais c’est aux employeurs de déterminer quelles tâches sont « télétravaillables » ou pas. Et ils semblent particulièrement réticents à voir les salariés travailler de chez eux dans le secteur bancaire, où la majorité des entreprises n’ont toujours pas d’accord sur le télétravail. Malgré les injonctions du gouvernement (…) la profession, à de rares exceptions, exclut toujours d’y recourir massivement en particulier pour les salariés des réseaux et en contact direct du public, dénonce FO Banques dans un communiqué.

Prévenir les risques liés à l’isolement

Le protocole mis en place par le ministère du Travail pour ce reconfinement précise que les employeurs fixent les règles applicables dans le cadre du dialogue social de proximité en veillant au maintien du lien au sein du collectif et à la prévention des risques liées à l’isolement. FO rappelle que « dialogue social » ne signifie pas négociation et accord, notamment dans les plus petites entreprises dépourvues de présence syndicale. C’est pourquoi FO considère indispensable de négocier un ANI qui couvre tous les travailleurs dans toutes les situations de télétravail.

La confédération estime que la situation actuelle de travail à domicile cinq jours sur cinq, dans le cadre de contraintes sanitaires, ne peut être assimilée à un télétravail organisé de façon protectrice des droits des salariés. Et face au risque de reconfinements récurrents, il est également essentiel de cadrer sa mise en œuvre en situation exceptionnelle décidée par les pouvoirs publics.

La ministre du Travail Elisabeth Borne elle-même, qui rappelle que le télétravail n’est pas une option, a appelé les interlocuteurs sociaux à avancer rapidement sur cet accord qui pourra donner des repères à toutes les entreprises.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération