Ils sont américains et salariés de la plus grande usine automobile Nissan sur le territoire des États-Unis, celle de Canton dans l’état du Mississippi qui emploie 5 000 salariés.
Depuis des années, ces salariés -80% afro-américains à la production- veulent créer un syndicat mais les pressions et intimidations diverses qu’ils subissent de la part de leur direction a entravé jusque-là l’exercice d’une quelconque liberté syndicale.
En effet, depuis la création du site Nissan de Canton en 2003, la direction fait en sorte de bloquer le processus nécessaire à la création d’un syndicat dans une entreprise aux États-Unis.
« Labor rights are civil rights »
Ce processus impose que 30% au moins des salariés d’un établissement approuvent (par la signature d’un document légal) la création d’une structure syndicale.
Pour être représentatif ensuite, le syndicat doit recueillir plus de 50% des suffrages. Cela implique que la liberté des votes soit garantie. Or, rien n’est moins sûr indiquent les ouvriers.
Le 28 juin quelques ouvriers de ce site ainsi que des représentants du syndicat américain United auto Workers (UAW) qui les soutient sont venus en France afin d’interpeller le patron de Renault-Nissan, le très médiatique Carlos Ghosn sur cet irrespect de la liberté syndicale.
Profitant d’un comité de groupe qui se tenait le 28 juin au siège de Renault à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), ces ouvriers se sont rassemblés devant les bâtiments soutenus dans leur action par des militants de quatre organisations syndicales françaises dont FO Métaux.
Ils arboraient tous des tee-shirts à l’effigie de Martin Luther King avec le slogan « labor rights are civil rights » (les droits du travail sont des droits civils), particulièrement utilisé dans les années soixante dans la lutte des afro-américains contre la discrimination de leurs droits de citoyens et de travailleurs.
Des intimidations en série
Fait du hasard ou volonté d’éviter une confrontation, « Carlos Ghosn intervenu la veille à ce comité n’est pas venu le 28 juin… Les salariés n’ont donc pas pu le rencontrer » regrette Laurent Smolnik, délégué syndical central chez Renault.
Contestées par les salariés de Canton mais aussi par 35 députés et eurodéputés français, lesquels ont écrit récemment à Carlos Ghosn pour lui demander de faire cesser ces pratiques antisyndicales, les méthodes de Nissan aux États-Unis font l’objet depuis des années de multiples demandes d’explications de la part des syndicats français.
En 2012, ils pressaient déjà Nissan de mettre un terme à ces pratiques.
Les syndicats évoquaient dans un courrier adressé à Carlos Ghosn les entretiens « contraints » des salariés de Nissan-Canton « en tête à tête avec leur manager », les menaces de « sérieuses conséquences » si le salariés se prononce juridiquement en faveur de la création d’un syndicat, les projections de vidéos « auxquelles les travailleurs ne peuvent échapper » et qui diffusent une propagande antisyndicale…
Pour tenter d’échapper à ce genre d’intimidations, certains ouvriers en viennent à porter des tee-shirts anti syndicaux où il est écrit « si vous voulez un syndicat, allez à Détroit », en référence à l’ancienne capitale de l’automobile, certes sinistrée mais pas en raison de l’action syndicale…
Cette demande d’intervention en faveur des ouvriers de Canton est restée lettre-morte auprès du P-DG de Nissan, Carlos Ghosn.
Les syndicats français demandent que cela cesse
La direction américaine de Nissan, elle, jure la main sur le cœur qu’elle respecte tout-à-fait la législation. « Nissan défend le droit de ses employés à décider d’être représentés par un syndicat » indiquait-elle ainsi en 2012.
Et la Direction d’évoquer « une communication ouverte et transparente, facteur de motivation et de compétitivité des salariés ».
Bref, tout va pour le répond la direction de Canton aux syndicats français : « Nissan continuera à se soumettre à la législation sociale américaine et à défendre le droit des salariés de Canton à décider d’être représentés ».
Fermez le ban ? Les syndicats de Renault ont au contraire réitéré leur demande d’action à la direction du groupe. Ils ont fait appel au comité de groupe de Renault et au comité restreint des travailleurs de Nissan et présenté des témoignages signés par des dizaines d’ouvriers qu’ils avaient rencontrés.
Le rappel des principes fixés par l’OIT
« Nous avons tous été humainement scandalisés par les témoignages des travailleurs de Canton. » indique ainsi le secrétaire du comité de groupe de Renault dans une lettre à la direction en janvier dernier.
« Certains travailleurs ont été avisés de ne pas distribuer des tracts pendant leur période de pause ainsi que de retirer des informations publiées sur leur page Facebook. Ces travailleurs témoignent des menaces répétées relatives à l’éventuelle perte de leur emploi et d’une possible fermeture de l’usine, s’ils choisissent d’être représentés par une organisation syndicale au sein de leur entreprise. Ces agissements sont inacceptables et nous ne pouvons que les condamner fermement. »
Le comité de groupe de Renault a rappelé une nouvelle fois quelques fondamentaux à la direction… « Ces agissement sont aussi contraires aux principes fixés par la Convention de l’Organisation Internationale du Travail n°87 de 1948, sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, les dispositions de la convention de l’OIT n°98 sur le droit d’organisation et de négociation collective, et les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales. Ces principes sont incarnés dans l’accord cadre mondial de responsabilité sociale, sociétale et environnementale que Renault a signé le 2 juillet 2013 avec le Comité de Groupe Renault. »
Reste à savoir désormais si ces rappels seront entendus Carlos Ghosn qui ces dernières semaines avait les honneurs de la presse par son salaire de 16.5 millions d’euros empoché en 2015 au titre de P-DG de Renault mais aussi de patron de Nissan, y compris donc à Canton.
Renault-Nissan : des ouvriers américains en France pour manifester