D es algorithmes pour mieux sélectionner les candidats à un poste de travail, des chatbots (logiciels robots capables de dialoguer en ligne avec un humain) pour les interroger et recueillir les données qui seront ensuite traitées par l’algorithme… Autant de nouveaux outils numériques que les entreprises utilisent de plus en plus souvent pour recruter. D’ailleurs, l’heure ne serait plus au recrutement mais au matching, du verbe anglais matcher, faire correspondre.
En réalité, les méthodes traditionnelles de recrutement prédominent encore puisque moins de la moitié des embauches se fait par Internet, selon une étude du ministère du Travail de 2018. Mais les nouveaux outils numériques deviennent de plus en plus invasifs et se nourrissent de plus en plus des données à caractère personnel
, a alerté Éric Peres, secrétaire général de FO-Cadres en ouvrant le colloque « Numérique et intelligence artificielle », le 26 octobre, au siège de la confédération. De plus, avec le télétravail, on voit de plus en plus d’entreprises chercher à se doter d’outils de surveillance et de contrôle
, a-t-il ajouté.
Doter les CSE de commissions d’experts
Pour autant, ont expliqué plusieurs des experts invités, les nouveaux outils numériques peuvent aussi être utilisés à bon escient par les directions des ressources humaines, y compris pour permettre aux salariés de mieux connaître les possibilités de formation ou de mobilité internes par exemple. Il n’en reste pas moins que pour FO, l’évolution numérique peut être quelque chose de formidable, à condition de mettre en place des garde-fous pour que cela ne devienne pas un outil liberticide, discriminatoire et contre-productif pour l’entreprise
, a expliqué Éric Peres.
La numérisation est incontournable, il faut donc l’encadrer
, a appuyé Béatrice Clicq, secrétaire confédérale chargée de l’égalité et du développement durable, indiquant que si quelques grandes entreprises ont déjà mis en place des comités de suivi de la digitalisation, il reste beaucoup de chemin à parcourir.
L’objectif de ce colloque était donc avant tout de montrer la détermination de FO à ne pas laisser la question lui échapper et à en faire un sujet majeur du dialogue social. Éric Peres a ainsi souligné la nécessité de doter les CSE de commissions d’experts de la transformation numérique et de négocier un accord-cadre national qui compléterait l’accord-cadre européen signé en juin dernier par la Confédération européenne des syndicats (CES).
Quel sera l’impact de la numérisation du travail sur l’emploi ? Selon l’OCDE (37 pays), 9 % en moyenne des emplois sont entièrement automatisables dans les vingt et un pays dont les données sont disponibles. Un chiffre nettement moins alarmant que celui donné en 2013 (47 % pour les seuls États-Unis) par deux universitaires d’Oxford dans une étude dont les résultats avaient fait le tour du monde à grand bruit. Mais 9 % cela représente toujours un grand nombre d’emplois menacés, a souligné Béatrice Clicq, appelant à
anticiper, notamment en matière de formation et de reconversion.
Les évolutions de l’emploi sont beaucoup plus le produit des politiques économiques et sociales, a souligné Yves Veyrier venu saluer les participants au colloque à la fin des travaux. Une façon de dire que la volonté humaine a toujours la main sur la machine.