OIT : Pascal Pavageau dénonce les attaques contre les droits collectifs

International par Pascal Pavageau

La Conférence internationale du Travail réunit les délégations des travailleurs, des employeurs et des gouvernements. © JP-POUTEAU / OIT

Pour la 107e session de la Conférence internationale du Travail de l’Organisation internationale du travail, qui se tient du 28 mai au 8 juin 2018, Force Ouvrière a l’honneur de mener la délégation des travailleurs français.
À ce titre, Pascal Pavageau s’est exprimé en plénière des assemblées, au Palais des Nations unies à Genève, le mardi 5 juin, devant les délégations travailleurs, employeurs et gouvernementales, en réponse au rapport du directeur général de l’OIT, Guy Rider. Le secrétaire général de FO a dénoncé, solidairement aux travailleurs du monde entier, les violentes attaques menées contre les droits collectifs dans toutes les régions du monde.

Genève, le 5 juin 2018
Monsieur le Président de la Conférence,
Mesdames et Messieurs les vice-présidents,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs,

Au nom des travailleurs français, issus de vieux syndicats d’un vieux pays dans un vieux continent et que certains voudraient qualifier de représentants d’un vieux monde, je voudrais réaffirmer en ce lieu aux symboles et valeurs si essentiels, l’importance du mandat de justice sociale et de défense des droits de l’Homme de l’Organisation internationale du travail.

Il paraîtrait que, selon certains, notre monde, nos modèles et nos conquêtes sociales au bénéfice des travailleurs du monde entier seraient révolus, et que nous, les syndicats, serions tous des dinosaures en voie d’extinction car n’ayant pas compris les changements qui traversent nos sociétés.

Dans ce monde globalisé, la modernité serait désormais le règne du tout-marché, imposant un système où ni le social ni l’environnemental n’auraient leur place. Un monde avec une vision unique : le chacun pour soi dans une jungle de compétitivité. Un monde sans valeurs.

Mais depuis des siècles les valeurs structurent un pays, structurent une nation, permettent à une population de se retrouver et de vivre ensemble. Et encore plus dans le pays des droits de l’Homme. Liberté. Égalité. Fraternité. Solidarité. Là est la modernité.

Non, la modernité n’est pas au rendez-vous lorsque les atteintes aux libertés syndicales se multiplient ; car sans organisations de travailleurs et d’employeurs indépendantes, jouissant des garanties nécessaires pour promouvoir les droits de leurs adhérents et le progrès social pour tous, le principe même du tripartisme est vidé de sa substance. Nous devons continuer à contribuer activement au développement du syndicalisme libre et indépendant dans le monde et en combattant sans relâche toutes les formes de dictature.

Non, la modernité n’est pas au rendez-vous lorsqu’on constate qu’au 21e siècle, le monde du travail, façonné pour et par les hommes, ne laisse toujours pas plus de place aux femmes, régulièrement victimes de sous-rémunération mais également de harcèlement moral ou sexuel. Les travailleurs français soutiennent le principe de « tolérance zéro » aux côtés du directeur général de l’OIT et nous vous appelons solennellement à adopter une convention, assortie d’une recommandation, sur l’égalité et les violences sexistes au travail.

Non, la modernité n’est pas au rendez-vous lorsque, au prétexte d’une flexibilité et d’une précarisation au nom de l’adaptation à un monde digital, est remise en cause la première convention de l’OIT sur la durée du travail. Cette convention qui a, comme l’OIT, presque un siècle, concrétisait déjà à l’époque une revendication internationale des travailleurs pour la journée de 8 heures, de façon à permettre la conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle.

Non, la modernité n’est pas au rendez-vous lorsque 1 % de la population mondiale concentre 82 % de la richesse produite. Une juste répartition des richesses doit voir le jour, en particulier pour rétribuer les travailleurs, et la solidarité internationale doit se développer car elle est seule à même d’éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde.

Donc, s’il est désormais has been d’avoir des valeurs mais également de défendre, de protéger, de revendiquer du progrès social, de lutter contre les inégalités, alors nous sommes fiers d’être de l’Ancien Monde.

Dans un monde qui se fissure et où la tentation est grande de s’opposer les uns aux autres, plus que jamais la modernité demeure tant l’idéal de paix que la défense de la justice sociale et des droits de l’Homme.

Plus que jamais, le besoin d’une régulation sociale mondiale se fait sentir alors que tous les travailleurs de la planète sont mis en concurrence et les normes sociales de plus en plus tirées vers le bas. Il est grand temps que l’OIT, la conscience sociale de l’humanité, soit reconnue et considérée comme l’organe prépondérant garant des droits des travailleurs.

Plus que jamais, les travailleurs français réaffirment leur ferme volonté d’obtenir un progrès social réel, assurant aux travailleurs l’amélioration de leurs conditions de vie et d’existence.

Plus que jamais, les normes énoncées par l’OIT, fruit des luttes pour une société plus juste, sont d’actualité, notamment celle selon laquelle le travail n’est pas une marchandise. Elles doivent être considérées comme un bien public mondial à promouvoir.

Plus que jamais, dans ce lieu des Nations unies, nous sommes les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens d’une conscience. La lourde responsabilité et l’immense honneur qui sont les nôtres nous conduisent à tout faire pour que les droits, y compris les plus fondamentaux, soient respectés au profit de toutes et tous.

Je vous remercie. 

 

 

Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

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