Olivier Le Bras, ancien délégué central FO chez Gad : « La guerre économique tue aussi »

Récit par Clarisse Josselin

Le récit d’Olivier Le Bras est paru chez Locus Solus (189 pages, 18 euros). © DR

Dans son livre Le visage des Gad – le combat du « métis breton », paru en janvier dernier, Olivier Le Bras retrace la lutte des 1 200 salariés pour sauver l’abattoir de porcs de Lampaul-Guimiliau, fermé en octobre 2013. Le délégué est ressorti métamorphosé de ce combat collectif.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Olivier Le Bras : Le conflit a été très médiatisé, mais j’ai voulu raconter l’histoire vécue de l’intérieur par les salariés et les délégués syndicaux et ce qui s’est passé après la fermeture. Ce livre permet aussi de laisser une trace pour nos enfants, notre famille.

Quelques dates clés

1956  Création de l’entreprise familiale Gad.
2001 Le groupement de producteurs Prestor prend 33 % des parts de l’entreprise.
2008  La coopérative Cecab acquiert 33 % des parts.
2010 L’entreprise enregistre 9 millions d’euros de bénéfices.
2011 La Cecab est majoritaire avec 66 % des parts.
21 février 2013 Mise en redressement judiciaire.
11 octobre 2013 Validation du plan de continuation, l’abattoir de Lampaul ferme, 889 postes sont supprimés.
27 novembre 2014 Fin des contrats de sécurisation de l’emploi.

Tu retraces le conflit collectif mais aussi ton parcours personnel, pourquoi avoir mêlé les deux ?
O. LB. : Pour faire passer un message aux nouvelles générations. Râler c’est bien, mais il faut s’engager, aller chercher au fond de soi, même si ça peut faire peur. Je suis devenu délégué chez Gad en 1997 pour éviter la disparition de FO, il n’y avait pas d’autre candidat. Je me suis ensuite retrouvé délégué central pour toute la durée de la procédure. Quand il y a un gros plan social, un seul visage syndical émerge. J’ai accepté car j’étais le seul délégué FO avec une petite expérience, j’ai voulu protéger les autres. Si on m’avait dit deux ans avant que je parlerais devant 40 000 personnes, je ne l’aurais pas cru.

Tu as toujours considéré la fermeture de l’abattoir de Lampaul comme un immense gâchis. Avoir écrit ce livre t’a-t-il apaisé ?
O. LB. : Cela m’a permis de digérer un peu, de comprendre. Gad est une entreprise parmi tant d’autres qui ferment des unités. L’abattoir n’était pas de trop, c’est la logique du système financier. Le site était présenté comme vétuste par rapport à celui de Josselin, mais ce choix ne se justifiait pas. La preuve, en vendant le matériel aux enchères Gad a gagné des millions d’euros.

Que sont devenus les Gad aujourd’hui ?
O. LB. : Seuls 130 ont retrouvé un CDI et 82 un contrat de plus de six mois, malgré les différentes mesures du gouvernement. On était entre 200 et 300 à se voir tous les mardis jusqu’en septembre dernier, avec l’association Sauvons Lampaul. C’était primordial de se retrouver. Après la fermeture, même si les facteurs sont souvent multiples, il y a eu cinq suicides, des hospitalisations en psychiatrie, des divorces. Quand Martin Schulz, le président du Parlement européen, est venu nous voir, je lui ai dit que l’Europe avait été créée contre la guerre. Mais elle déclenche ou accélère une guerre économique qui tue aussi.

Et où en es-tu maintenant ?
O. LB. : Je réfléchis. Je voudrais rester dans le Finistère. Mais localement je peux faire peur aux employeurs, j’ai été trop médiatisé, j’en avais conscience en m’engageant. J’aurais aussi envie de faire de la politique, agir pour changer le quotidien de ceux qui souffrent, même si je ne trouve pas de parti qui me corresponde totalement. 

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante