On achève bien la médecine du travail

Revue de presse par Michel Pourcelot

Plusieurs mesures du récent rapport « Aptitude et médecine du travail », établi par le député Michel Issindou, ont été introduites dans le projet de loi sur le dialogue social et l’emploi. Adopté le 2 juin en première lecture à l’Assemblée nationale, ce dernier est désormais examiné par le Sénat. Fort du diagnostic sur la mauvaise santé de la médecine du travail, quelques médias se sont penchés sur les remèdes.

Capital
« On en parle peu, mais la médecine du travail va connaître une petite révolution. A commencer par la fin du contrôle d’aptitude systématique des salariés. Seuls ceux occupant des postes à risque comme les chauffeurs de bus ou les pilotes d’avion seront surveillés de près ». Et les autres de très loin. Bref, une « médecine du travail allégée ». Sans doute pour alléger la souffrance patronale. « Autre nouveauté : l’employeur "peut également rompre le contrat de travail si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé", précise le projet de loi ». Une fois le salarié bien usé d’avoir trop servi ?

Le Parisien
Car « l’enjeu est surtout l’avenir de la fiche d’aptitude "avec réserve", qui permet actuellement au médecin de proposer des transformations, voire un changement de poste, lorsque les salariés ne sont plus capables d’assumer leur fonction pour des raisons de santé ou d’usure. Si un salarié jugé inapte refusait une adaptation du poste de travail ou un reclassement préconisés par le médecin du travail et ne modifiant pas le contrat de travail, cela pourrait constituer une "cause réelle et sérieuse de licenciement", propose le rapport. L’invention du salarié Kleenex... Et cela « C’est un réel souci : "Du fait de l’intensification du travail, les licenciements pour inaptitude ont explosé", décrypte Jean Claude Delgenes, du cabinet Technologia. Il s’agit souvent d’ouvriers de plus de 50 ans qui, une fois licenciés, deviendront des chômeurs de longue durée. Beaucoup d’experts se tournent vers l’Europe du Nord, où une vraie gestion prévisionnelle des emplois permet de détecter les métiers à risque et d’anticiper, avant qu’il ne soit trop tard ».

Les Échos
Heureusement en France on a des idées et des chiffres miracle qui arrivent toujours à pic : « entre 2006 et 2030, les effectifs de la médecine du travail chuteront de 62%, passant de 6 139 médecins à 2 353, selon le ministère des Affaires sociales. Ils sont aujourd’hui un peu moins de 5 000 sur le terrain, et ils peinent déjà à accomplir les nombreuses tâches qui leur sont assignées ». Allégeons leurs souffrances à eux aussi. Car « les choses ne vont pas s’arranger, car les étudiants en médecine boudent la filière. Or 40 % des médecins du travail en exercice ont déjà plus de 60 ans...Avec un effectif de plus en plus réduit, comment feront-ils pour vérifier que les 17,1 millions de salariés du privé sont en bonne santé, et aptes à travailler ? » Pas assez de médecins, il faut donc moins de malades.

La Croix
Un des moyens pourrait être de « ne plus vérifier l’aptitude du salarié que tous les cinq ans, sauf pour les salariés qui occupent des postes à risques », comme le préconise le rapport Issindou. Bref, « la visite médicale obligatoire tous les deux ans, à l’issue de laquelle le salarié repartait avec sa "fiche d’aptitude", vit-elle ses derniers jours ? ». Ce qui pourrait bien être le cas d’une réelle médecine du travail.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante