Ordonnances Macron, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas

Code du travail par Nadia Djabali

Signature des ordonnances de la Loi Travail par le président de la République le 22 septembre 2017. © Christian liewig/pool/REA.

CSE, rupture conventionnelle collective, referendum d’entreprise, accord de performance collective, l’heure est l’évaluation des ordonnances pour France Stratégie. L’organisme a beau y chercher des points positifs, il n’en trouve pas. Il confirme que la plupart des employeurs considèrent les ordonnances comme une possibilité de simplifier les licenciements tout en diminuant le nombre de représentants des salariés. Quant aux CSE, leur installation traine en longueur. La plupart seront mis en place en 2019 et à minima.

La mise en place des CSE a été modeste en 2018 et soulève de nombreuses interrogations, Côté employeurs, le nouveau cadre proposé a été […] vu avant tout comme la possibilité de simplifier et diminuer des coûts. Ces phrases on peut les lire dans le second rapport d’étape rédigé par France Stratégie sur l’évaluation des ordonnances réformant le Code du travail.

Aujourd’hui, sur les 50 000 à 60 000 prévus, seulement 10 500 établissements ont installé leur CSE, ce qui veut dire que la plupart de ces instances seront élues au cours de l’année 2019. Et les entreprises qui ont déjà un CSE l’ont installé a minima, ce qui a pour conséquence une diminution des élus et des heures de délégation. Déjà en septembre 2018, le ministère du Travail avait évalué la diminution du nombre d’élus à 33 %.

Une négociation très déséquilibrée

Du coup, la baisse importante des moyens, la réduction du nombre d’élus et les incertitudes sur l’avenir professionnel de ceux qui n’auront plus de mandats après la fusion des DP, CE et CHSCT sont au centre des préoccupations des représentants des salariés. Nombre d’élus, maintien des anciens périmètres, participation des suppléants aux réunions sont en tête des priorités avancées par les représentants des salariés abordant la négociation de mise en place des CSE, précise France Stratégie.

S’agissant de la négociation de mise en place du CSE, les représentants des salariés la jugent très déséquilibrée compte tenu de la possibilité de l’employeur d’appliquer le minimum légal en cas d’absence d’accord. Ils soulignent enfin que ces contraintes fortes imposées aux élus ne sont contrebalancées par aucune nouvelle prérogative qui aurait pu leur être attribuée. Certains craignent que finalement la négociation collective en sorte affaiblie, contrairement à l’objectif affiché.

L’enjeu primordial des représentants locaux

Autre point de tension : le choix du périmètre des CSE notamment dans les entreprises qui possèdent plusieurs établissements. L’enjeu de la désignation de représentants locaux devient primordial. Dans le contexte de la disparition du CHSCT, Le risque de centralisation induit par les CSE pourrait conduire à un plus grand formalisme du dialogue social, prévient France Stratégie. Notamment sur les questions de santé et vie au travail, et à un espacement dans le temps des discussions (notamment sur la stratégie), contradictoire avec le fait que les mutations des entreprises s’accélèrent.

Observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social.

Au niveau départemental, les ordonnances prévoient la création d’observatoires d’analyse et d’appui au dialogue social. Une instance destinée à faciliter le dialogue social dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Fin septembre 2018, 96 observatoires d’analyse et d’appui au dialogue social étaient installés dont 94 en métropole et deux en outre-mer. 85 délégués FO ont été élus dans ces observatoires. Parmi les questions qui émergent : celle de l’articulation de cette nouvelle instance avec les autres instances de dialogue social telles que les CPRI.

Référendums et accords de performance collective

Entre le 23 septembre 2017 et le 8 octobre 2018, 525 accords ont été ratifiés par référendum au sein d’entreprises de 1 à 20 salariés. Ils sont à plus de 80% dédiés au temps de travail. Le secteur le plus friand de ce mode de validation étant le commerce.

France Stratégie a par ailleurs dénombré quarante-sept accords de performance collective qui portent sur la mobilité interne, le temps de travail et/ou la rémunération.

Ce nouveau type d’accord collectif remplace les accords de maintien de l’emploi (AME), de préservation ou de développement de l’emploi (APDE) et de mobilité interne (AMI). L’entreprise n’est pas obligée de prouver qu’elle est confrontée à des difficultés économiques conjoncturelles pour négocier un tel accord, ou l’accord peut prévoir des dispositions contraires aux clauses du contrat de travail qui s’imposent au salarié.

Ces quarante-sept accords ont été signés dans des secteurs très variés tels que : l’industrie alimentaire, automobile, chimique, la distribution (commerce de gros ou de détail), l’ingénierie, les transports, les services (expertise comptable, bureaux d’études, petite enfance, environnement, télésurveillance, mutuelle, hôtellerie).

Ruptures conventionnelles collectives

Au 1er septembre 2018, soixante-neuf procédures de ruptures conventionnelles collectives avaient été initiées, à 80 % dans des établissements de plus de 250 salariés. 43 procédures sont d’ores et déjà validées. Les établissements concernés se concentrent dans les régions les plus souvent confrontées aux licenciements économiques et aux plans de sauvegarde de l’emploi : Île de-France, Hauts-de-France, Occitanie, Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes. Ces régions représentent au total 77 % des RCC validées.

Barème prud’homal

Quant à la mise en place du barème prud’homal, France Stratégie indique qu’il est encore trop tôt pour en faire une évaluation. Elle estime que le nombre de demandes déposées auprès des conseils de prud’hommes a été divisé par deux en vingt ans (120 000 en 2017 contre 240 000 en 1998). Cette baisse s’explique principalement par la mise en place de la rupture conventionnelle individuelle en 2008 et par la loi Macron de 2015. Le rapport indique tout de même que depuis 2017, on ne constate pas de baisse significative du nombre d’affaires. Cette baisse étant un des objectifs affichés par le gouvernement pour désengorger les tribunaux

La position de FO sur les ordonnances

Résolution sociale votée au Congrès d’avril 2018

Le Congrès dénonce et combat les reculs sans précédent sur les droits des salariés sous l’effet de lois successives, qu’il s’agisse de la loi Macron du 6 août 2015, de la loi Rebsamen du 17 août 2015, de la loi El Khomri, dite loi Travail du 8 août 2016 et enfin, récemment, des ordonnances Macron 2017.

Le Congrès revendique un rétablissement intégral de la hiérarchie des normes ce qui aura nécessairement pour conséquence la suppression de la nouvelle architecture du Code du travail et donc l’abrogation de la loi Travail et des ordonnances Macron.

La loi « Macron » du 6 août 2015, la loi « Travail » du 8 août 2016, les ordonnances de septembre 2017 ont gravement porté atteinte à la justice prud’homale. Le Congrès dénonce toutes ces réformes visant à décourager les salariés d’agir en justice pour faire respecter leurs droits.

Le Congrès condamne par ailleurs les ordonnances réformant le code du travail, qui permettent aux accords d’entreprise de déroger aux accords de branche en matière de salaires et rémunérations, et invite ses syndicats à ne pas signer d’accords d’entreprises dérogatoires aux accords de branches et au code du travail défavorables aux salariés.

Le Congrès réclame l’abrogation des lois Rebsamen du 17 août 2015 et Travail du 8 août 2016 ainsi que les ordonnances du 22 septembre 2017, en ce qu’elles ont démantelé les institutions représentatives du personnel et les principes gouvernant la négociation collective.

Le Congrès condamne les atteintes portées par les lois récentes successives (loi du 20 août 2008, loi du 17 août 2015, loi du 8 août 2016 et ordonnances réformant le code du travail du 22 septembre 2017), au monopole syndical dans la négociation collective par la faculté donnée aux élus non syndiqués et aux salariés mandatés de signer des accords collectifs dans les entreprises de plus de 10 salariés dépourvues de délégué syndical.

Le Congrès condamne par ailleurs la création par les ordonnances de septembre 2017 du conseil d’entreprise qui permet par accord majoritaire, de donner à la représentation élue la capacité de négocier et signer des accords, mettant ainsi en cause le monopole de négociation des syndicats, l’avenir du délégué syndical et l’existence même du syndicat dans l’entreprise.

Concernant la protection des élus et des délégués syndicaux, le Congrès exige le retrait de la limitation du nombre de mandats successifs contenue dans les ordonnances du 22 septembre 2017.

Le Congrès dénonce la frénésie législative de ces dernières années ayant conduit à un bouleversement des règles en matière de dialogue social et notamment de négociation collective (Loi Rebsamen du 17 août 2015, Loi Travail du 8 août 2016, Ordonnances du 22 septembre 2017). Loin de simplifier le droit, l’enchainement de ces réformes crée une instabilité et une illisibilité du droit applicable.

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante

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