Ordre public social ou absolu, quelles différences ?

Juridique par Mathieu Lapprand

La remise du rapport de Jean-Denis Combrexelle au Premier ministre le 9 septembre dernier a remis dans la lumière les concepts juridiques d’ordre public absolu et d’ordre public social. Certaines lois relèvent en effet de l’ordre public absolu ; c’est le cas lorsque aucune convention ne peut y déroger, qu’elle soit plus ou moins favorable. En revanche, relèvent de l’ordre public social les éléments des lois et règlements en vigueur pour lesquels « la convention et l’accord collectif de travail peuvent comporter des dispositions plus favorables aux salariés » (cf. article L.2251-1 du Code du travail).

On ne peut déroger dans quelque sens que ce soit à l’ordre public absolu parce qu’il touche à l’intérêt général, aux droits fondamentaux de l’homme et à ses libertés individuelles et collectives. Par exemple, une convention collective ne peut pas comporter de clause réservant aux salariés adhérents d’un syndicat en particulier le bénéfice d’un avantage spécifique. Un tel dispositif serait en effet contraire à la Constitution. Le fait qu’une convention collective ne puisse réserver l’embauche en CDD à certaines catégories de salariés est une autre disposition d’ordre public absolu. Comme l’interdiction du travail de nuit ou du travail dominical en dehors des dérogations légales.

Le principe de faveur… et ses dérogations

L’ordre public social, également appelé ordre public relatif (en opposition à absolu), concerne les dispositions qui peuvent être améliorées. La durée de la période d’essai peut ainsi être négociée à la baisse dans le contrat de travail par rapport à la loi, mais jamais à la hausse.

Les indemnités légales de licenciement relèvent aussi de l’ordre public social dans la mesure où le montant fixé dans la loi est un minimum qui peut être augmenté, ou les conditions d’attribution de l’indemnité élargies.

Les lois du 4 mai 2004 et du 20 août 2008 permettent toutefois, dans certains cas, à un accord de rang inférieur de déroger in pejus (en pire) à un accord de rang supérieur. L’extension de ces dérogations sera au cœur des suites du rapport Combrexelle. 


Repères : La spécificité du droit du travail
Dans la relation entre un salarié et un employeur, le premier est, par construction, dans une situation de faiblesse vis-à-vis du second (lien de subordination). C’est pourquoi le droit du travail est conçu pour rétablir un équilibre entre ces deux acteurs. Ainsi, la combinaison du principe d’ordre public social et du principe de faveur permet aux règles de niveaux inférieurs de s’appliquer, à la condition qu’elles apportent un avantage au salarié.

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante