Pacte de responsabilité : un relevé de conclusions pour 30 milliards d’euros sans contrepartie ni contrainte

Dossier Pacte de responsabilité par Yves Veyrier

Article publié dans l’action Dossier Pacte de responsabilité

Les protagonistes du relevé de conclusions sur le Pacte de responsabilité militeraient – ils pour le renouveau de la nuit des Molières, annulée en 2012, qui consacrait un palmarès au théâtre ? Et, du même coup, postulent-ils au Molière de la pièce comique et de la mise en scène ?

Le dernier acte de la négociation sur le Pacte de responsabilité, qui s’est déroulé le mercredi 5 mars, a tout de la mise en scène d’une pièce de Théâtre, où certains acteurs se disputeraient les rôles de pâles copies de l’hypocrite Tartuffe et du naïf Orgon, et d’autres ceux de Mariane et de Dorine.

Ainsi, hier matin, avant l’ouverture de cette seconde séance de « négociation », présentée par l’AFP « sous haute tension », la presse se faisait l’écho d’un rejet de la part de l’ensemble des syndicats d’un texte patronal ne contenant aucune garantie chiffrée en terme d’emplois en contrepartie des 30 milliards d’euros, d’ores et déjà accordés au patronat [1]. Surprenant renversement quand on savait que Medef, CGPME, UPA, CFDT s’étaient d’ores et déjà positionnés clairement en faveur de la mise en œuvre du Pacte. En cours de journée, la presse se faisait même l’écho de la « menace d’un échec » (AFP), allant jusqu’à rapporter l’allure théâtrale de certains syndicats (l’un des négociateurs syndicaux, futur signataire, avait été jusqu’à jeter, devant les journalistes, le texte initial du patronat, quand un autre, lui aussi futur signataire, parlait de « Vaudeville social »).

En fin de journée, « les partenaires sociaux peinaient à trouver un compromis » rapportait encore l’AFP.

Mais, coup de théâtre final, bien que ces références fassent bien trop d’honneur à la farce qui s’est déroulée hier, « tout est bien qui finit bien »… ainsi en fin de journée, le Pacte de responsabilité était sauvé, le patronat et trois syndicats (CFDT, CFTC et CGC) ayant fait part d’un avis positif sur le relevé de conclusions.
Pourtant, pour ce qui concerne l’emploi, le relevé de conclusions ne contient pas plus d’objectifs quantitatifs et de mécanismes de contrôle et de sanction que le texte patronal du matin. Ainsi, la grande avancée, qui aura fait se dénouer le drame, a consisté à invertir quelques éléments de phrases entre le texte initial et le texte final.

Là où le texte de départ « demandait aux branches professionnelles d’ouvrir dans les semaines à venir des discussions sur des objectifs d’emploi [dont] ne pourront être précisées, par exemple, les ambitions quantifiables, que lorsque la baisse des prélèvements sociaux et fiscaux et ses modalités de mise en œuvre seront précisément définies », le relevé de conclusions, qui emporte la signature des suscités, demande « aux branches professionnelles, dès lors que la trajectoire de baisse des prélèvements sociaux et fiscaux sera précisément définie par les pouvoirs publics, d’ouvrir des discussions en vue d’aboutir à un relevé de conclusions, ou des négociations en vue d’aboutir un accord, précisant des objectifs quantitatifs et qualitatifs en terme d’emploi » !

Pour le coup, Stéphane Lardy, qui conduisait la délégation pour FO, pouvait effectivement qualifier la journée de « vaudeville » ironisant sur « le patronat très fort pour fabriquer des pin’s avec un million d’emplois, mais incapable de l’inscrire dans le texte » déplorant une discussion sur du vent !

FO, pendant ce même temps, mobilise d’ailleurs pour réussir la journée de grève et manifestations du 18 mars, avec quatre tracts intitulés : « pour les salaires », « pour l’emploi », « pour la sécurité sociale », « pour le service public ».

* Le CICE (20 milliards de crédits d’impôts), dont le Medef et la CFDT ont soutenu la pérennisation, auxquels s’ajoutent 10 milliards d’allégements supplémentaires de cotisations patronales sur la branche famille.

Yves Veyrier Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière