Pas de trêve estivale pour la casse sociale

InFO militante par Clarisse Josselin

© Vincent POILLET/REA

Les licenciements liés à la crise sanitaire se multiplient. Depuis début mars, près de 50 000 salariés ont été touchés par un plan social, selon le ministère du Travail. En revanche, les relocalisations voulues par le gouvernement pour relancer l’activité restent pour l’instant à l’état de bonnes intentions. Le nombre de chômeurs sans aucune activité dépasse les 4 millions de personnes. Pour y faire face, Pôle emploi va recruter des renforts, mais en CDD. Une précarisation dénoncée par FO.

Conséquences de la crise sanitaire liée au Covid-19, les annonces de restructurations, de faillites et de licenciements se sont poursuivies dans de nombreux secteurs économiques cet été : prêt-à-porter, hôtellerie restauration, aéronautique… Dans l’habillement, Camaïeu, placé en redressement judiciaire en mai dernier, a été repris mi-août par la Financière Immobilière Bordelaise, mais avec 500 licenciements à la clé. Dans l’aérien, Airbus avait annoncé fin juin la suppression de 15 000 postes, dont 5 000 en France tandis que la compagnie Hop ! a confirmé mi-août la suppression d’un millier d’emplois. Dans la restauration, la chaîne Courtepaille a été placée récemment en redressement judiciaire.

La casse sociale pourrait s’amplifier à la rentrée, à l’heure des comptes de la crise sanitaire. S’y ajoutent aussi les sous-traitants ou fournisseurs de grands groupes qui vont prendre de plein fouet les restructurations mises en place par leurs donneurs d’ordre. Dans son discours du 14 juillet, le chef de l’État avait évoqué entre 800 000 et un million de chômeurs de plus à l’horizon du printemps 2021.

326 PSE enregistrés entre mars et août

En cumul entre le 1er mars et le 16 août, la Dares, service statistique du ministère du Travail, a relevé 326 PSE pour environ 49 000 ruptures de contrats de travail envisagées. C’est trois fois plus que l’an dernier à la même période. Si en août les plans sociaux ont ralenti du fait des congés, leur nombre n’a cessé d’augmenter jusqu’à mi-juillet. La Dares recense aussi 2 700 petits licenciements collectifs (moins de 10 salariés) notamment dans le commerce et la réparation automobile (20 %), la construction (18 %), l’industrie manufacturière (16 %) et l’hébergement et la restauration (12 %).

En revanche, silence radio sur les relocalisations que le gouvernement appelle de ses vœux pour relancer l’emploi sur le territoire national. L’exécutif devrait consacrer un milliard d’euros à la relocalisation d’activités industrielles en France dans le cadre du plan de relance qui doit être présenté le 3 septembre. Le 12 août, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire avait annoncé le lancement d’un appel à projets pour les entreprises qui voudraient relocaliser leur production. L’objectif est de diminuer notre degré de dépendance vis-à-vis de fournisseurs extra-européens.

Pour FO il faut agir contre la spéculation boursière et l’évasion fiscale

Cela concerne des filières industrielles jugées « critiques » : la santé, l’agroalimentaire, l’électronique et les fournisseurs de l’industrie (chimie, métaux et matières premières). Le 28 août, visitant le laboratoire pharmaceutique Sequens à Villeneuve-la-Garenne, le chef de l’État a twitté : Nous devons relocaliser et recréer des forces de production sur nos territoires. La souveraineté sanitaire et industrielle sera l’un des piliers du plan de relance.

Pour FO, il est indispensable que le plan de relance conduise au maintien et à la relocalisation d’industries et de services et s’accompagne d’une action résolue contre la spéculation boursière improductive et l’évasion fiscale, ainsi que de la responsabilisation des donneurs d’ordre sur les sous-traitants.

Avec la crise sanitaire, le taux de chômage a explosé. Après une hausse de 7% en mars et de 22% en avril, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A (sans aucune activité) a baissé de 4,1 % en juillet, selon les chiffres publiés par la Dares le 26 août. Mais il dépasse toujours les 4 millions d’inscrits (4 046 600). Cette baisse est par ailleurs en trompe-l’œil puisqu’elle concerne essentiellement des demandeurs d’emploi ayant retrouvé une activité réduite au cours de la période. Le nombre d’inscrits en catégories B et C est ainsi en hausse (+ 129 400).

Jusqu’à 30% de précaires parmi les conseillers Pôle emploi

Pour faire face à l’augmentation des demandeurs d’emploi, Pôle emploi devrait recruter plusieurs milliers de conseillers en 2020 et 2021, dans le cadre du plan de relance du gouvernement. Selon le syndicat FO, il s’agira de 6 000 CDD de 18 mois maximum, recrutés en trois vagues. En amont, un avenant à la convention collective de Pôle emploi permettant d’augmenter de 4 à 15 % la part de contrats précaires sur les postes en tension a été soumis à la signature des organisations syndicales.

Au début de l’été, face à l’explosion du chômage, nous avions exigé le recrutement d’agents en renfort, mais en CDI, dénonce Fabien Milon, délégué central FO à Pôle emploi. Avec cet avenant, la part de CDD pourra même atteindre 30% sur les postes de conseillers, là où sont les besoins de recrutement. Il allonge aussi la durée maximale des CDD de 12 mois à 18 mois. C’est une arnaque totale, FO n’a pas signé. On nous propose la précarité pour résorber la précarité, ce n’est pas possible. La direction de Pôle emploi évoque également entre 500 et 700 CDI potentiels. Mais ce ne sera pas avant 2021, et seulement si l’augmentation du nombre de chômeurs se confirme.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

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