Pénurie de saisonniers : FO appelle à améliorer l’attractivité de ces métiers

Actualités par Clarisse Josselin, Elie Hiesse, L’inFO militante

© Alexandra BREZNAY/REA

La situation est inédite. Alors que la saison touristique s’annonce exceptionnelle en France cet été, le recrutement de travailleurs saisonniers ne suit pas, notamment dans l’hôtellerie-restauration où quelques 200 000 postes étaient encore à pourvoir début juillet. Face à cette pénurie de main-d’œuvre, des établissements prévoient de baisser le rideau un jour par semaine ou de ne plus assurer deux repas par jour, du jamais vu en saison dans les zones touristiques. La situation est tout aussi inquiétante dans les autres secteurs à forte activité saisonnière, comme l’agriculture ou les colonies de vacances. FO dénonce un manque d’attractivité de ces métiers, tant en termes de salaire que de conditions de travail. Cette désaffection est aussi la conséquence directe de la réforme de l’Assurance chômage qui frappe particulièrement les saisonniers, au point de mettre en péril l’équilibre économique de leur mode de vie.

Où sont passés les travailleurs saisonniers ? Avant le début de la crise sanitaire, la Dares en comptait plus d’un million, selon une étude publiée fin 2019. La moitié d’entre eux exerçaient dans l’hôtellerie-restauration et les loisirs, un quart dans l’agriculture… Or la période estivale démarre et tous les secteurs concernés par l’activité saisonnière manquent de bras.

Dans l’agriculture, où près d’un tiers des emplois sont occupés par des saisonniers, l’alerte sur des difficultés de recrutement a été lancée en avril. Depuis, la situation ne s’est pas arrangée, certaines exploitations qui jusqu’alors puisaient dans des listes d’attente n’ont personne cette année, c’est inédit, s’inquiète Guillaume Tramcourt, secrétaire fédéral à la FGTA-FO, chargé de l’agriculture. Il va y avoir des gros soucis pour la récolte des fruits, les vendanges et les moissons, car le temps de récolte est court.

La situation est tout aussi alarmante dans l’hôtellerie-restauration, secteur qui comptait encore quelque 200 000 postes vacants début juillet. Faute de bras, certains employeurs se sont résolus à fermer une journée par semaine ou à ne plus assurer deux repas par jour, du jamais vu en saison dans les zones touristiques. C’est la première fois que la situation est aussi tendue au niveau national, avant seules quelques régions étaient concernées, souligne Nabil Azouz, trésorier général de la FGTA-FO, chargé du secteur des hôtels, cafés et restaurants (HCR).

Baisse de formation d’animateurs

Les centres de loisirs et les colonies de vacances peinent eux aussi à recruter des animateurs. Près de 5 000 postes étaient à pourvoir fin juin dans ce secteur. Certains séjours ont vu leurs capacités d’accueil réduites, voire ont été annulés faute d’encadrement suffisant.

Plusieurs facteurs expliquent cette pénurie, à commencer par le manque d’attractivité des métiers saisonniers, tant en termes de salaire que de conditions de travail. Dans le secteur agricole, une convention collective nationale n’est applicable que depuis deux ans. Elle offre des garde-fous, jusqu’alors il n’y avait que des conventions collectives par département et certaines n’étaient plus négociées depuis longtemps, explique Guillaume Tramcourt. Si certains départements sont mieux-disants que la branche, d’autres, comme la Charente-Maritime, s’accrochent à leurs dérogations en matière de travail à la tâche ou de temps de travail. Nous sommes farouchement contre le travail à la tâche, pour nous le saisonnier doit être payé dès qu’il entre dans l’exploitation, insiste le militant.

Salaire faible, horaires hachés… le métier d’animateur lui non plus n’attire plus. Pour preuve, le nombre de diplômés du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA) a baissé de 22 % entre 2019 et 2020. Un effet du Covid, qui a freiné les formations, mais la tendance était déjà à la baisse depuis des années.

La course aux augmentations de salaire

Laurence Gilbert, secrétaire générale du Syndicat national de l’éducation permanente, de la formation, de l’animation, de l’hébergement, du sport et du tourisme (Snepat-FO), constate aussi une désaffection pour les métiers du tourisme social et familial, où les salaires sont bas. Notre priorité dans les négociations est de courir après les hausses de salaire, ça plombe tout le travail qui pourrait se faire en parallèle, déplore-t-elle. Et quand on manque de saisonniers, ceux qui sont en poste doivent compenser les absences et cela s’ajoute aux conditions de travail déjà chaotiques.

Dans la branche de l’hôtellerie-restauration, si les négociations sont difficiles en matière de salaire (voir ci-dessous), elles sont quasi inexistantes concernant les conditions de travail. FO revendique notamment un week-end de repos par mois. Le patronat a renvoyé ces questions à des groupes de travail qui ne se réunissent qu’une fois par mois. Premier thème abordé : les coupures, ces interruptions d’activité au cours de la journée qui augmentent l’amplitude horaire. Nous ne sommes même pas d’accord avec les employeurs sur la définition de la coupure, dénonce Nabil Azouz, qui lutte pour en réduire le nombre et obtenir des compensations financières systématiques.

L’accès au logement dans les zones touristiques où le prix des loyers s’envole est aussi un frein aux recrutements de saisonniers. FO milite notamment depuis des années pour la construction de maisons des saisonniers, afin de leur assurer un logement décent avec un loyer raisonnable.

Allocations chômage en forte baisse

Mais c’est surtout la réforme de l’Assurance chômage, entrée en vigueur à l’automne dernier, qui freine l’embauche de saisonniers. En voulant s’attaquer aux permittents, qui alternent contrats courts et périodes d’inactivité, l’exécutif a rompu l’équilibre économique des saisonniers dont les contrats sont calés sur les saisons touristiques.

En effet, il faut désormais avoir travaillé six mois ‒ contre quatre mois auparavant ‒ pour ouvrir des droits. Idem pour le rechargement des droits, qui ne se fait qu’au bout de six mois de travail, contre un mois auparavant. Or selon l’étude de la Dares de 2019, un contrat saisonnier dure en moyenne deux mois.

Par ailleurs, le montant des allocations est en forte baisse puisque désormais tous les jours de la période de référence – y compris ceux non travaillés – sont pris en compte. L’Unédic avait estimé que cette réforme pénaliserait 1,15 million de personnes lors de la première année d’application, avec une baisse d’allocations moyenne de 17 %.

L’abandon de la réforme de l’Assurance chômage est l’une des premières revendications portées par le groupe de travail interne à la confédération FO dédié aux travailleurs saisonniers. Une délégation avait été reçue au ministère du Travail en février 2022 pour exposer son cahier de revendications. Elle avait aussi particulièrement demandé l’instauration d’une prime de précarité en fin de contrat.

Devant l’urgence de la situation dans l’hôtellerie-restauration, un accord a été signé début juillet entre le syndicat patronal UMIH et la Tunisie pour un renfort de main-d’œuvre. Cette situation inquiète Nabil Azouz. Nous avons une main-d’œuvre en France, il faut la former et lui donner envie de travailler dans nos secteurs, explique-t-il. Car ces conventions permettent de contourner la problématique et on va se retrouver dans la même situation l’année prochaine.

 

HCR : FO exige la réouverture des négociations salariales

La pénurie de saisonniers dans l’hôtellerie-restauration se chiffrerait en dizaines de milliers. Ce n’est pas une surprise pour FO, alors que le secteur a vu fuir 237 000 salariés pendant la crise et compterait 100 000 professionnels manquants. Cette pénurie étonne d’autant moins que le chantier de revalorisation salariale, conduit fin 2021, reste… à mener. FO a toujours dit que la nouvelle grille était insuffisante pour restaurer l’attractivité des métiers, rappelle Nabil Azzouz, trésorier général de la FGTA-FO et chargé des hôtels-cafés-restaurants (HCR), qui n’a pas signé la proposition faite en décembre. La nouvelle grille y affichait une hausse moyenne de 16,3 %. Un simple rattrapage, de surcroît inéquitable, après trois années blanches.

Les trois premiers échelons du niveau 1 – concentrant la majorité des effectifs – ont été portés au-dessus du Smic, dans une fourchette allant de + 4,16 % (44 centimes de plus) à + 5,9 % (63 centimes de plus).

Une grille de circonstance aux effets déjà balayés

À mille lieux de la revalorisation  à la juste valeur du travail effectué que demande FO, cette grille a été une réponse à la pression mise par Élisabeth Borne, alors ministre du Travail. Après avoir désigné les HCR comme secteur payant le moins bien, avec des salaires  pas à la hauteur, rappelé aussi le soutien de l’État (à hauteur de 30 milliards d’euros pendant la crise, NDLR), elle avait exigé des résultats. La grille 2022 a été la contrepartie imposée aux employeurs pour recevoir de nouvelles aides, souligne Nabil Azzouz. Celles-ci ont été allouées dès janvier : allongement des délais de remboursement des PGE, élargissement de la prise en charge des coûts fixes.

Pour les salariés en revanche, aucune embellie. Le 1er mai, un mois après l’entrée en vigueur de la grille, le différentiel entre salaire conventionnel et minimum légal revalorisé était quasi annihilé pour les premiers échelons. L’échelon 1 ne lui est plus supérieur que de 1,47 % (11 centimes), l’échelon 2 de 2,22 % (24 centimes), l’échelon 3 de 3,22 % (35 centimes). À la prochaine hausse du Smic, ils risquent d’être rattrapés, dénonce Nabil Azzouz, qui exige la réouverture des négociations, un treizième mois, la majoration du travail du dimanche et de nuit, une prime de coupure.

ELIE HIESSE

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération