Plan entreprises : Noël avant l’heure

Economie par Valérie Forgeront

Il est certes trop tôt pour offrir des cadeaux de Noël mais, en même temps, pourquoi attendre ? Ce lundi 11 septembre à Niort (Deux-Sèvres), le Premier ministre, M. Édouard Philippe, a dévoilé le « Plan Entreprises » du gouvernement. Ce plan d’actions pour l’investissement et la croissance des entreprises confirme un certain nombre de mesures. Il comprend aussi des annonces dont celle de la présentation en 2018 d’un projet de loi sur la croissance des entreprises. Celui-ci serait construit de manière participative et élaboré dès ce mois d’octobre autour de six thématiques prioritaires. Un premier pas vers de nouveaux cadeaux ?

Annoncé ce lundi 11 septembre à Niort (Deux-Sèvres) par le Premier ministre, le « Plan Entreprises » pourrait s’intituler récapitulations de mesures et nouveautés alléchantes. Devant un parterre de chefs d’entreprises, M. Édouard Philippe a en effet confirmé un train de mesures déjà annoncées les unes après les autres ces derniers mois. Dans son intervention, le Premier ministre a aussi glissé quelques annonces.

M. Édouard Philippe a confirmé ainsi la transformation à partir de 2019 du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) en allègement de cotisations patronales. Pour l’instant explique-t-il le CICE dont la visée est de réduire le coût du travail est un dispositif fragile et insuffisamment efficace même s’il a contribué à sauver ou créer 210 000 emplois.

Par ailleurs le décalage d’un an entre le versement du salaire et la perception du crédit d’impôt réduit l’incitation à recruter. Pour le gouvernement, la mise en doute régulière de la pérennité du CICE a réduit la confiance des entreprises dans le maintien durable du dispositif. Il faudrait donc améliorer ce système qui cependant pèse lourd sur le budget de l’État…

Créé en 2013, le CICE a été intégré depuis 2015 au Pacte de responsabilité lequel aura apporté aux entreprises plus de 100 milliards en termes d’allègements d’impôts et de cotisations sociales d’ici la fin 2017. À l’été 2016, un rapport parlementaire soulignait le poids budgétaire des créances CICE. En 2013 le CICE pesait ainsi 11,3 milliards. En 2014, 18,1 milliards. En 2015, le poids augmentait à 18,7 milliards. En 2016, 19,2 milliards. Pour cette année 2017 le poids du CICE atteint les 20 milliards. Il les dépassera allègrement en 2018.

Pas suffisant pour le Medef

Assis sur les rémunérations brutes soumises aux cotisations sociales, le CICE est (depuis janvier 2017) affecté d’un taux de 7% des rémunérations versées dans la limite de 2,5 Smic. Au titre des salaires versés en 2017, il va coûter en 2018 environ 23 milliards d’euros calcule le gouvernement. Comment va s’organiser la mutation du CICE en allègement de cotisations ? Le Premier ministre annonce que dans un premier temps en 2018 le taux du CICE serait ramené en 2018 à 6%.

Un drame semble-t-il pour le patronat (Medef). Ce 12 septembre, le patron des patrons, M. Pierre Gattaz, exhortait le gouvernement à revoir sa copie. Pour le Medef, les projets de transformation du CICE en baisse de charges ne sont pas acceptables car ils conduiraient à augmenter de nouveau les prélèvements sur les entreprises. Le Medef oublie toutefois d’évoquer d’autres mesures conjointes à la transformation du CICE.

Dès 2019, les employeurs bénéficieront ainsi d’un allègement des cotisations à hauteur de 6 points sur les salaires inférieurs à 2,5 Smic. Et ce n’est pas tout. Le gouvernement prévoit d’autres largesses. Ainsi a indiqué le Premier ministre, cet allègement sera complété pour les salaires au niveau du Smic d’un allègement renforcé de 4,1 points. Ce surplus d’allègement sera dégressif jusqu’à 1,6 Smic. Les employeurs bénéficieront donc au total d’un allègement de cotisations à hauteur de 10,1 points.

Nouveaux cadeaux fiscaux

Ce n’est semble-t-il pas suffisant. Le gouvernement rassure donc les entreprises. En 2019, elles bénéficieront à la fois du crédit d’impôt CICE et de l’allègement des cotisations. Cela équivaut à un gain en trésorerie de l’ordre de 21 milliards en 2019 a indiqué M. Édouard Philippe pour qui ce gain pourrait créer à lui seul environ 35 000 emplois en 2019 et 70 000 en 2020.

Reste à le prouver. À coup de Pin’s accrochés à leurs vestes, les patrons promettaient bien la création d’un million d’emplois en 2014 en échange de largesses fiscales et d’allègement de cotisations…

Fin des annonces ? Non. Le Premier ministre a confirmé aussi ce 11 septembre le mouvement de baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés (IS). La mesure déjà programmée l’an dernier par le gouvernement de M. Valls est renforcée. Le taux normal de cet impôt (qui compte aussi un taux réduit à 15% sous conditions) assis sur les bénéfices est actuellement de 33,3%. Il passera à 25% d’ici 2022. Il sera donc plus bas que le taux moyen de taxation des bénéfices des entreprises dans l’union européenne.

Dès 2018, le taux affecté à l’impôt sur les sociétés passera, pour toutes les entreprises, à 28% pour les 500 000 premiers euros de bénéfices. Le taux de l’IS sera relevé à 31% en 2019 (année où les entreprises cumuleront le bénéfice du CICE et du nouvel allègement de cotisations) puis il diminuera progressivement jusqu’à 25% en 2022. Au total a calculé le gouvernement, cette mesure de diminution du taux de l’IS va induire « un allègement fiscal de 11 milliards d’euros » pour les entreprises. Un nouveau joli cadeau donc.

Moindre taxation des revenus du capital

Au plan fiscal, le gouvernement ajoute un autre cadeau dès 2018 : la suppression de la taxe de 3% sur les dividendes. Pour les entreprises cela rime avec un allègement fiscal de l’ordre de deux milliards d’euros par an.

Autre cadeau ? Le premier ministre a aussi confirmé la réforme dès 2018 de la fiscalité appliquée aux revenus du capital à travers la mise en place d’un prélèvement forfaitaire de 30%. Les taux maximaux d’imposition seront réduits, encourageant l’épargne plus rentable donc plus risquée indique le gouvernement estimant que la fiscalité appliquée au capital est particulièrement lourde en France.

Le Premier ministre a confirmé aussi la suppression dès l’an prochain de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune qui apporte environ 5,5 milliards de recettes fiscales par an) qui deviendra un impôt sur la fortune immobilière (IFI) appliqué aux patrimoines immobiliers nets supérieurs à 1,3 million d’euros. Le patrimoine mobilier, l’épargne et les placements ne relèveraient donc plus du périmètre de l’impôt sur le revenu.

Bientôt une loi pour la croissance des entreprises

Dans le cadre de l’IFI, la résidence principale des contribuables concernés bénéficiera d’un abattement de 30%. Les immeubles affectés à l’exploitation de l’entreprise du contribuable seront exonérés ajoute le Premier ministre pour qui ces mesures devraient inciter les contribuables concernés à investir dans l’économie, cela en prenant des actions dans les entreprises.

Annoncée dès ce printemps, cette réforme de l’ISF induirait pour l’État un manque à gagner d’environ trois milliards en termes de recettes fiscales.

À cet ensemble de cadeaux en matière de fiscalité et d’allègement de cotisations dont les détails devraient apparaitre dans le projet de loi de finances qui sera présenté fin septembre, le gouvernement en ajoute un autre, un plan d’actions en faveur de la croissance des entreprises.

Trop souvent explique le gouvernement nos startups ont du mal à devenir PME, nos PME des ETI [entreprise de taille intermédiaire, NDLR] et nos ETI des grandes entreprises. Ce plan sera détaillé dans un prochain projet de loi en 2018 mais auparavant ce plan fera l’objet d’une construction selon une méthode « participative ». Dès octobre le gouvernement compte ainsi lancer une concertation qui au plan national et régional réunira les forces économiques, sociales et politiques. Il s’agit annonce le gouvernement de transformer notre économie ou encore d’effectuer une simplification des nombreux dispositifs existants.

De nouveaux cadeaux en vue ?

Pour le gouvernement, d’ores et déjà les mesures structurantes annoncées sur la fiscalité ou encore celles de la réforme du droit du travail vont permettre de libérer le potentiel de croissance de nos entreprises.

Dans le cadre de ce prochain projet de loi et en amont de la concertation non détaillée pour l’instant, le gouvernement a choisi six thématiques prioritaires : création, croissance et transmission, financement des entreprises, simplification et sécurisation des relations entre les entreprises et l’administration, conquête de l’international, numérisation et innovation et enfin formation initiale et continue. Cette dernière thématique a pour objectif d’améliorer l’adéquation de l’offre de formation [des salariés, NDLR] et d’accompagnement des entreprises avec leurs besoins.

Plus largement, dans le cadre des débats autour de ces six thèmes, le gouvernement propose notamment de supprimer les barrières inhibant le passage à l’acte entrepreneurial, en introduisant plus de flexibilité et de lisibilité dans l’environnement fiscal et social du dirigeant.

Il s’agira aussi d’évoquer de possibles nouveaux modes d’actions pour le financement des entreprises dont le développement est lié à leur capacité à mobiliser un financement adapté à leurs besoins, fond propres comme en dette, à un coût compétitif.

Le projet de loi annoncé pourrait apporter de nouveaux cadeaux aux entreprises…

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Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante