Plan social d’Airbus : FO bataille contre toute forme de licenciement contraint

InFO militante par Elie Hiesse, FO Métaux, L’inFO militante

Frank Hoermann / Sven Simon/ZUMA

Les négociations s’enchaînent à un rythme soutenu chez l’avionneur Airbus, qui a annoncé fin juin la plus importante restructuration de son histoire, avec la suppression de 15 000 postes dans le monde, soit 11% des effectifs, dont 5 138 en France. La procédure sociale doit s’achever mi-octobre.

Les négociations s’enchaînent à un rythme soutenu chez l’avionneur Airbus, qui a annoncé fin juin la plus importante restructuration de son histoire face à la chute de 40% de son activité, liée à la crise de l’aéronautique post-Covid. Mardi 28 juillet, direction et organisations syndicales, dont FO qui est majoritaire, se sont retrouvées, pour la deuxième fois depuis le lancement de la procédure sociale le 15 juillet, afin de négocier les mesures de ce plan brutal et massif.

Les cols blancs, premiers concernés

Les syndicats sont entrés dans la discussion, forts de la manifestation le 8 juillet de 8 000 salariés devant les fenêtres de la direction à Blagnac, dans la banlieue de Toulouse (Haute-Garonne), où se situe le siège mondial du groupe. Cela faisait 13 ans qu’il n’y avait pas eu une mobilisation de cette ampleur, rappelle Jean-François Knepper, délégué syndical central FO Airbus. En 2007, le plan Power 8 incluait la cession de plusieurs usines et 10 000 suppressions de postes au total.
Cette fois, le plan prévoit 15 000 suppressions d’emplois dans le monde sur la partie « Avions commerciaux », dont 5 138 en France, à conduire tambour battant, d’ici l’été 2021. Dans le détail, ces suppressions concernent le périmètre du siège (980 postes) et les divisions, qu’elles soient en propre (3 268 postes chez Airbus Opérations à Toulouse, Saint-Nazaire, Nantes) ou dans les filiales (186 chez ATR, 704 chez Stelia). Chez Airbus, où les 4 248 suppressions de postes représentent 15% des effectifs, les cadres sont deux fois plus nombreux à être concernés que les ouvriers.

FO refuse toute forme de licenciement contraint

Mais ces chiffres ne reflètent que les prévisions de la direction. Pour FO, ils peuvent être réduits grâce à la négociation prévue sur trois mois, jusqu’à mi-octobre. Le premier syndicat d’Airbus bataille pour éviter toute forme de licenciement contraint, en cherchant à obtenir les dispositions les plus incitatives aux départs volontaires.

Il est hors de question qu’une entreprise comme Airbus procède à des licenciements contraints, martèle Jean-François Knepper, qui dénonce à demi-mot un catastrophisme de la direction. Alors qu’Airbus n’a jamais recouru aux départs contraints depuis sa création, le groupe ne l’exclut pas aujourd’hui, en dernier recours.

Des reports de commandes plus que des annulations

Ce faisant, pour Jean-François Knepper, Airbus transforme une crise conjoncturelle en crise structurelle. Le Covid-19 n’a pas tué l’aéronautique, encore moins la mondialisation et les besoins de mobilité, explique le militant. Il en veut, pour preuve, le nombre très faible d’annulations de commandes. Depuis le début 2020, elles se comptent sur les doigts des deux mains. Car les compagnies aériennes reportent leurs livraisons, d’un an ou deux, plutôt qu’elles ne les annulent. Le carnet de commandes reste plein, avec presque dix ans de production prévue.

Airbus fait une autre analyse. L’avionneur, qui a enregistré une perte opérationnelle de 1,6 milliards d’euros au premier semestre 2020 et consommé 12,4 milliards d’euros de trésorerie, prévoit en 2021 une activité toujours en baisse de 40% (comparée aux prévisions d’avant-crise). D’après ses études de marché, le trafic aérien ne devrait pas retrouver le niveau de 2019 avant 2023 au mieux, voire 2025, a expliqué la direction dans des courriers internes. Ce plan de charge devenu structurellement très inférieur au nombre de salariés appelle donc, pour le groupe, une adaptation structurelle des effectifs.

L’enjeu des retraites anticipées

Reste que les leviers susceptibles de réduire la facture annoncée existent. Nous prenons, un à un, tous les dispositifs et poussons la négociation, commente Jean-François Knepper. Enjeu majeur des discussions, le sujet des retraites anticipées ont été abordées dès les premières réunions. D’ici à 2027, plus du tiers des effectifs de l’avionneur partira à la retraite. Le non-remplacement d’une partie de ces départs pourraient permettre d’éviter des milliers de licenciements.

En conséquence, FO défend et réclame le recours à un dispositif « maison » de cessation anticipée d’activité (dont les conditions d’accès sont en discussion) afin de booster les départs volontaires visant les populations les plus âgées. Le syndicat majoritaire défend aussi qu’un jeune sortant de formation initiale soit embauché pour deux départs.

L’activité partielle longue durée, un dispositif déterminant

Pour baisser le nombre de postes supprimés, les dispositifs de mobilité interne, vers des filiales moins touchées, et de formation ont été au cœur des premières discussions. D’autres leviers sont activables, grâce aux nouveaux dispositifs créés. Ainsi l’augmentation des aides d’État à la recherche aéronautique, décidée dans le cadre du plan gouvernemental de soutien à la filière lancé en juin, pourrait permettre de maintenir 400 à 500 emplois en R&D chez Airbus.

Surtout, le recours au nouveau dispositif de chômage partiel de longue durée (baptisé « activité partielle en cas de réduction d’activité durable ») sera décisif. Avant que les modalités d’application ne soient précisées par décret (publié ce jeudi même), le président exécutif d’Airbus Guillaume Faury chiffrait à un millier le nombre d’emplois susceptibles d’être ainsi sauvés en France.

Le dispositif permet de planifier un chômage partiel sur deux ans maximum, l’État finançant le maintien de 84% de la rémunération nette du salarié pendant les heures non-travaillées (plafonnées à 40% du temps travaillé). Le nombre de salariés concernés, l’importance du temps non-travaillé, la durée de prise en charge seront déterminants. Les négociations vont s’appuyer sur l’accord de branche de la métallurgie, le tout premier sur le chômage partiel de longue durée, signé jeudi 30 juillet.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

FO Métaux Métallurgie

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération