PLF, PLFSS 2016 : nouvelle traduction d’une politique d’austérité

InFOéco n°109 du 2 novembre 2015 par Pascal Pavageau

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Présenté comme le budget des « objectifs atteints et des engagements tenus », le PLF 2016 s’inscrit dans la continuité de la stratégie de rigueur budgétaire engagée depuis 2012. Quant au PLFSS, il se veut « assurer la pérennité de [la Sécurité sociale] et lui construire un avenir », mais lequel… ?

Deux objectifs guident ainsi ce projet de loi de finances 2016 : la poursuite de l’austérité et la baisse des prélèvements obligatoires des entreprises (impôts et cotisations sociales) dans des proportions inégalées. En 2016, le Pacte de responsabilité et son CICE vont monter en puissance pour représenter 33 Mds d’allègements fiscaux et sociaux nouveaux qui manqueront au budget de l’État et à celui des administrations de sécurité sociale pour conduire les politiques et les missions publiques.

Au total, depuis 2014, les allègements fiscaux et sociaux accordés aux entreprises représenteront plus de 100 Mds de manque à gagner en termes d’interventions publiques et sociales. Ramené au déficit de l’État (- 72 Mds) ou à celui de la Sécurité sociale (- 9,7 Mds), c’est un chiffre considérable accordé sans ciblage des bénéficiaires ni contrepartie.

Concilier la poursuite de ces deux objectifs contradictoires que sont à la fois une baisse massive du coût du travail et des dépenses publiques (50 Mds sur 2014-2017 afin de financer le Pacte) impose au gouvernement de faire des choix d’économies budgétaires économiquement absurdes et socialement injustes. Le PLF et le PLFSS 2016 en sont une nouvelle illustration en cherchant notamment à réaliser des économies sur les catégories de ménages les plus modestes. Faire des économies en jouant sur les dates d’indexation des prestations sociales, sur les conditions d’accès aux aides au logement, et plus largement sur les transferts sociaux des ménages, alors que ceux-ci n’arrivent plus à enrayer la baisse du pouvoir d’achat est inacceptable socialement et totalement contreproductif économiquement, la consommation ayant toujours été le moteur le plus fiable de l’économie française, de surcroit depuis la crise. Au-delà, c’est aussi

l’orientation fiscale de ce PLF 2016 qui est contestable en réduisant encore un peu plus le poids de l’impôt sur le revenu progressif au profit d’une nouvelle hausse de la fiscalité écologique dont tout porte à croire qu’elle continuera inexorablement sa progression en dépit de son caractère injuste. A plus long terme, le prélèvement à la source, dont ce projet de loi de finances amorce le démarrage, n’offre aucun bénéfice réel aux contribuables et poursuit d’autres finalités parmi lesquelles une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, ce qui pourrait affaiblir la progressivité d’ensemble du système fiscal et le financement de la sécurité sociale.

Ce PLF 2016 fragilise encore un peu plus l’investissement public et notamment l’investissement public local, un autre puissant moteur de croissance. Le montant des économies demandées aux collectivités locales est intenable (11 Mds sur 3 ans), il place désormais un certain nombre d’entre elles dans une situation où l’urgence financière leur impose de sacrifier la cohésion sociale, l’emploi (la baisse de la commande publique détruit de l’emploi privé dans des proportions inégalées : 10000 emplois CDI supprimés depuis la rigueur budgétaire engagée en 2010) et les équipements publics essentiels.

Un des enjeux du PLFSS 2016 concerne les dépenses de protection sociale et notamment les dépenses d’assurance

maladie dont le gouvernement entend une fois encore freiner fortement la dynamique en fixant un taux de croissance de ces dernières (ONDAM) à un niveau jamais atteint (1,75% quand la dynamique « naturelle » de ces dépenses est proche de 4%). Un objectif suicidaire visant la réalisation de 3,4 Mds d’économies supplémentaires. Une autre disposition du PLFSS 2016 suscite de grandes inquiétudes en rendant possible la mutualisation d’un certain nombre d’activités entre les différents régimes de la Sécurité sociale et entre les branches du régime général. Pour l’intra-branche et l’intra-régime, c’est même le cœur de métier qui peut être affecté, tel le service des prestations. Cela autoriserait les fusions de caisses et partant, la disparition de nombreux organismes sociaux de proximité, comme cela s’est déjà produit pour la branche recouvrement.

Pour résumer, la hausse continue du chômage et des inégalités (qui explosent partout comme tous les indicateurs le montrent) rappelle chaque mois l’échec de cette politique économique dont les projets de loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale sont les bras armés pour l’année prochaine. Comme le dernier Comité Confédéral National de FO l’a rappelé, la situation économique et sociale nécessiterait une réorientation totale de la politique

économique tournée vers l’investissement, notamment public, vers l’innovation, en particulier industrielle, et vers le soutien à la consommation. Ces orientations indispensables sont les clés

pour relancer l’activité et l’emploi et renforcer le service public républicain et la sécurité sociale collective qui, en plus de leurs missions premières, contribuent justement à la croissance.


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Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

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