Plis électoraux : les postiers en quête de reconnaissance

InFO militante par Fanny Darcillon, L’inFO militante

© Fred MARVAUX/REA

Sous l’impulsion notamment de FO, la direction de La Poste a finalement accepté de payer en heures supplémentaires la surcharge de travail liée à la distribution de la propagande électorale. Une juste reconnaissance du savoir-faire des postiers, dont les conditions de travail se dégradent continuellement.

Ils avaient plus de 48 millions d’enveloppes à livrer en quelques jours avant l’élection présidentielle : tous les cinq ans, la distribution des plis électoraux constitue une surcharge de travail, énorme, une charge physique et mentale, expose Anne-Laure Soulet, de l’équipe courrier de la fédération FO-COM. Il faut visiter toutes les boîtes aux lettres dans un temps très court. Un contrat particulièrement lucratif pour La Poste : 83 millions d’euros cette année pour la livraison de la propagande électorale.

Pour autant, malgré les efforts demandés aux agents afin d’assurer cette mission aussi cruciale que rentable, et ce en plus de la distribution habituelle du courrier qu’ils continuent d’assurer, la direction de La Poste n’entendait pas faire d’effort en faveur de son personnel. Elle nous a dit qu’on pouvait le faire sur nos heures habituelles de travail, témoigne Anne-Laure Soulet, mais sur ces quelques jours, certains débordent de trois ou quatre heures supplémentaires.

Des heures supplémentaires reconnues

FO a alors demandé la majoration à 100% de ces heures supplémentaires pour le second tour de la présidentielle, ainsi que des moments de convivialité pour les salariés impliqués : sandwichs offerts, plateaux-repas… Si la direction de La Poste a accédé à cette dernière demande, elle a refusé de majorer les heures supplémentaires, les reconnaissant toutefois et les payant en tant que telles. Les personnes sollicitées sur leur jour de repos pour venir prêter main forte ont également obtenu une indemnité quotidienne de 15 euros.

Des préavis de grève avaient été posés au niveau local, puis levés lorsque les travailleurs ont obtenu gain de cause après négociation. Les postiers étaient mécontents du peu de rétribution accordée par La Poste. On demandait beaucoup plus, mais au moins La Poste a compensé la charge de travail supplémentaire, souligne Anne-Laure Soulet.

Le fiasco de l’ouverture à la concurrence

Cette année, l’enjeu était d’autant plus important que La Poste venait de récupérer son monopole historique sur cette mission, hautement symbolique. En vue des élections régionales et départementales de 2021, l’État avait en effet décidé d’ouvrir à la concurrence le marché de la livraison de la propagande électorale. Si La Poste avait alors consenti à un effort sur ses tarifs, l’entreprise privée Adrexo, spécialisée dans la distribution de publicité, avait pour sa part cassé les prix, se voyant ainsi attribuer une partie de la mission par l’État. Les postiers l’ont un peu mal vécu !, confie Anne-Laure Soulet.

Mais au printemps 2021, en pleine période électorale, le fiasco devient évident : de nombreuses boîtes aux lettres sont vides, des plis sont retrouvés brûlés et abandonnés. La qualité de service proposée par Adrexo était mauvaise parce que leurs livreurs ne connaissaient pas la tournée, analyse Anne-Laure Soulet. Il n’y a parfois pas de nom sur les boîtes aux lettres, mais les postiers, eux, connaissent bien leurs clients. Selon une évaluation conjointe d’Adrexo et de La Poste, 26,6 % des électeurs n’ont reçu aucune propagande pour les élections départementales, et 40,3 % pour le premier tour des régionales.

Des conditions de travail fortement dégradées

Face à cette déconfiture dans la logistique, à la mi-août 2021, l’État a donc résilié le contrat qui le liait à Adrexo, qui devait à l’origine courir jusqu’en 2024. Malgré le mécontentement lié à la faible rétribution de leurs efforts par leur hiérarchie, les postiers sont fiers que le trafic revienne à La Poste, affirme Anne-Laure Soulet : une juste reconnaissance de leur savoir-faire.

Pour les salariés, ce moment où les performances de La Poste sont davantage scrutées que d’habitude est évidemment stratégique pour négocier. C’est le moment de demander mieux pour les facteurs, estime la militante, en remerciement de leur participation à la vie du territoire. Car leurs conditions de travail continuent dans le même temps de se dégrader, avec des arrêts maladie de plus en plus nombreux. Pour compenser les suppressions d’emplois, La Poste compte désormais 14 000 intérimaires, dont 70% au service courrier, s’alarme Anne-Laure Soulet. Ça prend une ampleur phénoménale. La militante craint un virage à 180° d’ici la fin de l’année sur le plan de l’organisation du travail.

Fanny Darcillon

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération