Pôle Emploi : FO s’alarme de la mise en danger des conseillers

InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

© Come SITTLER/REA

Depuis les réformes qui ont restreint l’accès et les montants de l’indemnisation, de plus en plus d’agressions envers les conseillers de Pôle emploi sont signalées. Deux syndicats dont FO ont déclenché un droit d’alerte, afin qu’un état des lieux précis soit dressé et que des mesures soient prises.

Les élus FO et ceux d’un autre syndicat ont déclenché un droit d’alerte pour danger grave et imminent chez Pôle emploi. Entre 2019 et 2021, les fiches de signalement pour agression ont augmenté de 39 % en moyenne au niveau national, comme le montre un état des lieux de la commission santé et sécurité. Et cette augmentation ne concerne pas que des agressions en agence, précise Natalia Jourdin déléguée syndicale centrale FO. Les agressions verbales au téléphone présentent une augmentation de 72 % et constituent 30 % des fiches de signalement. Insultes, menaces (y compris de mort), incivilités portent atteinte à la santé physique ou psychique des salariés de Pôle emploi.

Les réformes semblent les premières responsables de ces tensions car elles réduisent drastiquement voire excluent de l’indemnisation un nombre conséquent de chômeurs. Et la dernière en date, qui réduit de 25 % la durée d’indemnisation risque de ne pas apaiser les tensions alors que nombre de demandeurs d’emploi se retrouvent en grande difficulté du fait de la réforme. Nous subissons ces politiques mais nous les incarnons aussi devant les demandeurs d’emploi, rappelle Natalia Jourdin.

Les syndicats pointent aussi l’impact de la mise à distance des usagers par la numérisation et l’automatisation des processus de traitement des demandes d’indemnisation. Les usagers ne savent pas tous comment remplir les formulaires en ligne… souligne Natalia Jourdin. Et lorsqu’ils nous contactent, en présentiel ou par téléphone, nous sommes face à des personnes déjà en situation de fragilité, d’isolement social pour une partie d’entre eux, à qui nous ne pouvons que répondre : Allez voir sur internet !.

Les questions d’indemnisation à l’origine des agressions

La plupart des situations donnant lieu à manifestation d’agressivité sont en effet généralement liées à des questions relevant de l’indemnisation. Les fiches de signalement liées à ce motif ont cru de 57 % entre le premier semestre 2019 et le premier semestre 2022. Or, Pôle emploi s’est séparé d’un grand nombre d’agents intervenant sur la gestion des droits, explique la déléguée centrale FO. L’établissement s’est appuyé sur le mode de calcul automatique des droits, ndlr pour réduire le nombre de salariés en charge de cette activité. Résultat : aujourd’hui dans 70 % des cas, un demandeur qui se présente à l’accueil n’aura pas en face de lui le conseiller qui a les compétences pour lui répondre. Une réorganisation du travail et l’apport de des moyens humains semblent donc s’imposer.

Parmi les autres propositions des élus lesquels cherchent des solutions pour protéger au plus vite les agents des tensions qui font jour actuellement : repenser les locaux pour un accueil physique de moindre proximité, par exemple par un mobilier séparant physiquement l’usager du conseiller ou l’utilisation d’un hygiaphone. Et l’on pourrait également travailler sur la manière dont les courriers sont rédigés, suggère Natalia Jourdin. C’est trop administratif, ce n’est pas compréhensible pour tout le monde.

Plus largement, un autre paramètre pèse lourd, et très lourd : le nombre de dossiers de demandeurs assignés à chaque conseiller oscille entre 800 et 1000. C’est trop.

Une direction peu réactive

Dans un communiqué, les syndicats observent que, malgré le meurtre d’une conseillère à Valence en 2021 et une tentative de meurtre à Lille en 2022, la direction n’a pas pris la mesure du risque pesant sur les équipes, ni mis en place les mesures de prévention adéquates Pôle emploi se focalise sur des mesures curatives (vidéosurveillance, intervention de police, éloignement de l’agresseur…) alors qu’il faut intervenir en amont, explique Natalia Jourdin. Malheureusement la direction nous a déjà fait comprendre qu’elle ne partage pas notre inquiétude. Dans ses échanges avec la CSS, Pôle emploi a confirmé qu’aucune étude d’impact des agressions et de leurs suites sur la santé des usagers n’a été réalisée à ce jour. Selon le rapport de la CSS, un représentant de la direction aurait même laissé entendre que cette montée de l’agressivité correspond à celle observée dans la société… Mais dans le même temps en France, les violences aux personnes n’ont cru que de 13 %.

A la suite du droit d’alerte déclenché, une enquête conjointe sera menée par les élus et l’employeur. Des entretiens seront réalisés en agence, nous avons déjà demandé des données complémentaires à la direction afin d’identifier les agences où la situation est la plus tendue comme celles qui sont le moins confrontées à ces agressions. Car c’est intéressant aussi de voir quels sont les facteurs qui permettent de soulager ou éviter les tensions, précise Natalia Jourdin. L’objectif est de définir les mesures à prendre pour faire cesser le danger identifié. En cas de désaccord entre l’employeur et les élus du personnel, une réunion du comité social et économique (CSE) sera convoquée en présence de l’inspecteur du travail. Si celui-ci estime qu’il y a bien un danger grave et imminent, il pourrait saisir le tribunal judiciaire.

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération