Julien : un éboueur en colère contre la réforme des retraites

InFO militante par Ariane Dupré, L’inFO militante

Éboueur et délégué FO à la Ville de Paris, Julien Delcourt, 40 ans, est très mobilisé contre la réforme des retraites. Et au quotidien, il est un ardent défenseur des droits des agents, ses collègues.

Cette réforme des retraites me fait enrager. Travailler deux ans de plus, c’est vraiment ignorer la réalité de notre métier ! Éboueur à la fonctionnelle de la Ville de Paris, l’unité qui gère le nettoyage du périphérique, des marchés et des voies sur berge, Julien Delcourt s’est investi dans cette grève emblématique : avec d’autres militants, ce délégué syndical FO à la Ville de Paris a bloqué plusieurs fois les locaux de la fonctionnelle. En mars, il est aussi allé donner des coups de main aux chauffeurs qui bloquaient le garage de bennes d’Issy-les Moulineaux, jusqu’à ce qu’ils soient évacués par les forces de l’ordre pour réquisition. Un souvenir fort d’un immense élan de solidarité : Sur le piquet de grève, il y avait des gens de tous horizons, des avocats, des profs. D’autres venaient nous apporter du café. Les automobilistes klaxonnaient au passage. Tout ce soutien, ça donne de la force. On sent bien que la population est de notre côté, raconte ce militant. De toutes les manifs, Julien sera de nouveau gréviste le 6 avril. Je défile en habit de travail, précise-t-il avec fierté. Il se dit scandalisé par le manque de reconnaissance vis-à-vis des éboueurs. On fait des métiers essentiels, mais pénibles et mal considérés. Depuis neuf ans, ce papa d’une petite fille de 11 ans travaille de nuit, de 21h45 à 5h22, ce qui lui permet de percevoir des primes. Ça met du beurre dans les épinards pour payer le loyer quand tu gagnes 1 983 euros brut. Mais ces primes, elles ne comptent pas dans nos retraites ! La retraite anticipée des éboueurs Dire qu’on peut partir à 57 ans [59 ans si la réforme passe, NDLR] est faux ! Chez nous, aucun éboueur ne part à cet âge car ils n’ont pas assez cotisé. En revanche, au bout de trente ans de travail, ils sont usés. J’ai même eu trois collègues qui sont décédés peu avant de prendre leur retraite.

 Il faut avoir de la force pour nettoyer

Entré comme éboueur à la Ville à Paris à 19 ans pour la sécurité de l’emploi, Julien a multiplié les postes : éboueur dans le 13e arrondissement, conducteur d’engins pendant trois ans, avant d’entrer dans la fonctionnelle où il aime l’esprit d’équipe : Peu de gens le savent, mais on fait tout : par exemple, saler le périphérique en cas de neige, c’est notre priorité. On a des astreintes. En cas d’accidents, on ramasse les débris, un phare, un rétroviseur tombé... On trouve de tout sur les voies rapides : des pneus, des gravats de travaux,... Il faut avoir de la force pour nettoyer. Et que dire de la pollution qu’on respire ! Son entrée dans le syndicalisme s’est faite un peu par hasard. En 2012, à la suite d’un conflit avec un chef concernant les heures de travail, il frappe à la porte du bureau de FO de la Ville de Paris : Je leur ai dit que je voulais devenir délégué syndical, me former au droit du travail pour défendre les agents de propreté. Délégué syndical depuis dix ans, Julien est aussi membre du bureau syndical FO du personnel de la Ville depuis 2014. Mais ce qu’il aime avant tout, c’est épauler ses collègues. Il y a des appels de tout Paris. Récemment, j’ai aidé un éboueur qui, refusant de suivre une formation, s’est vu supprimer la possibilité de faire des heures supplémentaires. On est montés voir son chef ensemble. J’ai obtenu gain de cause pour lui. L’apport d’un soutien efficace, le quotidien du militant.

Ariane Dupré Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération