Pour FO, le rapport Badinter ne lève pas les ambiguïtés sur le temps de travail

Code du travail par Clarisse Josselin

De gauche à droite : l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter, le Premier ministre Manuel Valls et la ministre du Travail Myriam El Khomri. Photographie : F. Blanc / FO Hebdo (CC BY-NC 2.0)

La commission Badinter a rendu le 25 janvier à Manuel Valls et Myriam El Khomri son rapport posant les « grands principes » du droit du travail. Il doit servir de base à la réécriture en deux ans du code du travail, comme le souhaite le gouvernement. Mais FO souligne que plusieurs articles « posent des principes assortis de dérogations laissées à la discrétion du législateur »

Dans ce rapport de seulement douze pages, la commission Badinter, composée de neuf membres (juristes et hauts fonctionnaires) énumère soixante-et-un « principes essentiels » présentés sous la forme d’autant d’articles courts. Ils sont répartis en huit chapitres : « libertés et droits de la personne au travail », « formation, exécution et rupture du contrat de travail », « rémunération », « temps de travail », « santé et sécurité au travail », « libertés et droits collectifs », « négociation collective et dialogue social », « contrôle administratif et règlement des litiges ».

Ils réaffirment certains principes généraux comme la primauté du CDI, le principe d’égalité entre femmes et hommes, l’interdiction du harcèlement et de la discrimination, le droit de grève...

Ils rappellent que « tout projet de réforme de la législation du travail envisagé par le gouvernement qui relève du champ de la négociation (...) fait l’objet d’une concertation préalable avec les partenaires sociaux en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation » (article 51). L’article 30 retient le principe du « salaire minimum », « fixé par la loi » et d’une rémunération « assurant des conditions de vie dignes ».

FO s’inquiète du champ des dérogations

Ces principes fondamentaux seront repris en préambule du futur code du travail que le gouvernement veut réformer d’ici deux ans. Ils guideront également l’écriture du socle de droits fondamentaux auxquels les employeurs ne pourront pas déroger et qui se distingueront du champ ouvert à la négociation de branche et d’entreprise et des règles applicables en l’absence d’accord.

« A l’heure des transformations profondes qu’engendrent dans la société contemporaine la révolution numérique et l’irrésistible mondialisation des échanges, il s’agit pour le législateur français d’encadrer, sans le contraindre, le droit du travail en le fondant sur des principes indiscutables », prévient en préambule Robert Badinter.

Si l’ancien Garde des Sceaux affirme avoir travaillé « à droits constants », FO s’interroge sur ce qu’il adviendra en réalité de la mise en œuvre de ces droits fondamentaux, soulignant que « plus d’une dizaine d’articles posent des principes assortis de dérogations laissées à la discrétion du législateur ». La confédération déplore aussi que le principe de faveur et de la hiérarchie des normes ne soit « pas affirmé clairement ».

Premier test sur le temps de travail

En matière de réforme du Code du travail, la première étape sera le projet de loi porté par la ministre du Travail Myriam El Khomri, qui sera présenté le 9 mars en Conseil des ministres, et qui doit réécrire les règles en matière de temps de travail.

Or, sur ce point, le rapport se limite à l’énoncé « d’une durée normale du travail fixée par la loi », sans préciser de nombre d’heures ni parler de « durée légale ». Il ajoute que la loi « détermine les conditions dans lesquelles les conventions et accords collectifs peuvent retenir une durée différente. » Et que « tout salarié dont le temps de travail dépasse la durée normale a droit à une compensation » mais là encore sans plus de précision.

Lors de son allocution, le Premier ministre Manuel Valls a assuré que la durée légale du travail de 35 heures ne serait pas remise en cause. Il a cependant précisé que « la dérogation à cette durée légale n’est plus une transgression » et rappelé que « les Français travaillent en moyenne 39 heures par semaine »...

« Le niveau de compensation sera inscrit dans le projet de loi », a-t-il ajouté. Mais, contrairement à la ministre du Travail, il s’est montré moins affirmatif sur le maintien d’un taux plancher minimum de 10 % comme c’est le cas actuellement.

Le prétexte de l’accord majoritaire bat de l’aile

Manuel Valls a réaffirmé que l’organisation du temps de travail pourrait être fixée par les entreprises via un accord majoritaire, signé par les syndicats représentant au moins 50 % des salariés. Mais « ce seuil ne doit pas pour autant être bloquant », a-t-il ajouté. La ministre du Travail Myriam El Khomri doit prochainement faire des propositions sur la question aux interlocuteurs sociaux.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

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