Pour Yves Veyrier, Secrétaire général de FO, le gouvernement n’a pas voulu écouter les syndicats avant la crise des gilets jaunes

France Culture le 8 janvier 2018 par Yves Veyrier

Yves Veyrier, Secrétaire général de Force Ouvrière, est intervenu dans le journal de 22h, présenté par Stanislas Vasak sur France Culture ce mardi 8 janvier en direct.

Retranscription :

« Je ne suis pas complètement sûr qu’on soit inaudible, ce qui s’est produit, je l’ai dit à plusieurs reprises déjà, c’est que le 9 octobre dernier, ça n’est pas si vieux, on a évidemment l’impression que beaucoup de temps et que beaucoup d’eau ont coulé mais il y avait plus de 160 000, si je prends les seuls chiffres du ministère de l’intérieur, manifestants, à l’appel de syndicats dont Force Ouvrière et la question des salaires était en tête de nos revendications. On n’a pas été écouté à cette époque-là, si on avait été entendu, si, y compris une partie des mesures qui ont été proposées par le Président de la République et le gouvernement récemment, l’avaient été à ce moment-là, même avec les critiques qu’on a formulées, l’histoire n’aurait peut-être pas été la même. Aujourd’hui, le gouvernement a dû bouger face à ce qui s’est produit, cette crise qui est partie sur une question de pouvoir d’achat, de fin de mois difficile, de taxes sur l’essence et le diesel pour les gens qui n’ont pas d’autres moyens que de prendre leur véhicule pour aller au travail. »

Comment vous expliquez que le gouvernement cède aux gilets jaunes et ne cède pas aux syndicats ?

« Je crois que c’est un mouvement qui est peut-être apparu plus insaisissable, surprenant, pour les pouvoirs publics. On a trop pris l’habitude de considérer que les syndicats manifestent, et que c’est une manifestation après d’autres et avant d’autres. Point à la ligne ! Et c’est une erreur, le dialogue social demande à ce qu’il y ait une écoute. Ce n’est pas simplement nous autoriser à manifester mais c’est écouter ce que l’on dit et prendre en compte ce que l’on dit ! »

Vous à FO, vous avez des contacts informels avec certaines figures de ce mouvement des gilets jaunes ?

« Vous savez je ne sais pas quelles sont les figures identifiées, on nous a beaucoup expliqué que la représentation était compliquée dans ce mouvement. Je sais que nous avons des salariés, des adhérents qui se sont saisis du mouvement des gilets jaunes, pensant justement que ce serait peut être un moyen de se faire mieux entendre. C’est vrai que sur le plan de la communication, en tout cas au tout début, ça était une réussite, on ne peut pas dire le contraire. Cela a été même copié, ou tenté d’être copié ailleurs à l’étranger, donc voilà mais je n’ai pas de contact particulier avec qui que ce soit. »

Est-ce que c’est une leçon que les syndicats doivent tirer, la réussite de ce mouvement des gilets jaunes en tout cas en terme de concessions obtenues ?

« Nous pensons que les concessions obtenues ne répondent pas en tout cas à ce qui nous paraît indispensable. Les fonctionnaires pour le moment sont complètement mis de côté, ils bénéficieront éventuellement de la prime d’activité s’ils sont seulement au Smic, mais ils n’ont pas de prime exceptionnelle par exemple. Et puis il ne faut pas oublier que la prime d’activité est essentiellement payée par le biais des caisses d’allocations familiales autrement dit pour partie par de l’impôt. Il y a une partie de cotisations patronales mais il y a une partie d’impôt donc c’est l’ensemble de la citoyenneté finalement, c’est pas les employeurs. Les employeurs pour le moment se font discrets, d’ailleurs je les comprends, mais nous on ne va pas les laisser comme ça tranquilles, on va monter au créneau sur la question des salaires qui n’est pas résolue, la question du Smic n’est pas résolue comme il nous paraissait nécessaire et il y a du grain à moudre, il faut qu’on obtienne une meilleure redistribution dans le cadre des négociations dans les branches, dans les entreprises sur les salaires. »

Emmanuel Macron veut faire aboutir cette année la réforme de l’assurance chômage, une réforme qui est en cours de négociations, les discussions d’ailleurs reprennent demain, qu’attendez-vous justement de ces négociations ?

« J’ai déjà un premier problème, on nous dit « le gouvernement veut faire aboutir la réforme qui est en négociation » : nous ne sommes pas là pour négocier les réformes décidées par le gouvernement. La première des choses que j’ai envie de dire et que j’ai dite d’ailleurs, c’est qu’on laisse les interlocuteurs sociaux négocier ! La négociation, c’est une négociation libre, entre les interlocuteurs sociaux qui doivent pouvoir en décider à la fois le contenu, le déroulement et l’aboutissement. La deuxième chose c’est que le cadrage que nous impose, que nous demande, le gouvernement c’est à nouveau un enjeu comptable d’économies. Et nous avions dit que nous ne pouvions pas être les porte-plumes de demandes du gouvernement de réduire les indemnisations des salariés au chômage. Voilà, qu’est ce qu’on attend de cette négociation ? On aurait pensé qu’elle n’était pas forcément utile, ni urgente dans la mesure où le dernier accord qui date de 2017, la convention est en cours d’application, elle dure 3 ans, elle n’est pas arrivée à son terme, nous avions déjà par le biais d’un certain nombre de dispositions réussi à trouver de l’ordre de 400 millions d’économies annuelles, donc j’aurais pensé qu’on aurait dû se concentrer sur la question des contrats courts, ce qu’on appelle le bonus-malus, plutôt que de vouloir à nouveau nous demander de faire des économies, en tout cas ce n’est pas notre volonté du tout de nous transformer en porte-plumes des économies imposées par un cadrage strict du gouvernement. »

Donc en conclusion, vous considérez que cette réforme de l’assurance chômage n’est pas nécessaire ?

« Il y a un point sur lequel il faut absolument travailler c’est réduire l’utilisation répétitive des contrats courts, il faut savoir qu’en la matière les contrats, par exemple, les CDD d’un mois, 4 sur 5 sont des emplois chez le précédent employeur ; ça veut dire qu’il y a une dérive de la part des entreprises en terme d’utilisation, à l’embauche, de contrats courts ! Ça, il faut travailler là-dessus ! »

Yves Veyrier Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière