Prélèvement à la source : en attendant le mystérieux audit

Fiscalité par Valérie Forgeront

Ministères de Bercy‏Compte certifié @_Bercy_ #Prélèvementàlasource : le dispositif est reporté au 1er janvier 2019. Twitter le 7 juin 2017
Article publié dans l’action Dossier fiscalité

Le feuilleton continue. Après l’interrogation sur le maintien, le report ou l’annulation du système du prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu dont l’entrée en vigueur était initialement prévue au 1er janvier 2018, le Premier ministre, M. Édouard Philippe a annoncé le 6 juin que la mesure était décalée d’un an. Le nouveau gouvernement a par ailleurs annoncé mais sans détailler sa décision qu’un audit du PAS sera réalisé par l’inspection générale des finances (IGF) et un cabinet indépendant et qu’une expérimentation sera lancée cet été avec des entreprises volontaires. FO souhaiterait obtenir quelques précisions.

On est dans le brouillard total résume Philippe Grasset, le secrétaire général de la Fédération FO Finances à propos des modalités de report du prélèvement à la source (PAS) mais aussi concernant celles de l’audit et des expérimentations (entre juillet et septembre) du PAS qui devraient être réalisées cet été. Des entreprises volontaires testeraient ce PAS dont le report devra faire l’objet de mesures législatives et réglementaires précise le ministère de l’Action et des Compte publics. La mesure du prélèvement à la source avait en effet été adoptée par le Parlement via la loi de finances pour 2017.

Pour le ministère, ce report assorti d’un audit et d’expérimentations doit permettre d’examiner la robustesse technique et opérationnelle du PAS et dévaluer la charge induite pour les collecteurs, en particulier les entreprises. Les entreprises sont vent debout contre cette réforme craignant une charge supplémentaire pour leurs services via la formation de salariés, l’acquisition de logiciels...

Que sait-on concernant l’audit ? C’est le black-out total au plan de l’information regrette Philippe Grasset qui accompagné d’une délégation FO du secteur des Finances (finances publiques/DGFIP-FO et Douanes FO) rencontrait le 6 juin dernier le ministre de l’Action et des Comptes publics, M. Gérard Darmanin.

Aucun abandon en vue

Alors que la préparation du lancement du PAS —initialement prévu pour le 1er janvier 2018— mobilise depuis des mois les services de la DGFIP et ses agents, FO Finances a rappelé l’opposition de FO à cette réforme. Dès son annonce en 2015, FO Finances avait indiqué que l’entrée en vigueur du PAS en 2018 constituait une date trop précipitée. Le report est donc le moins que puisse faire le gouvernement ! La suppression du projet PAS serait encore mieux insiste Philippe Grasset.

Le ministère indique toutefois que le PAS constituera un progrès pour les français en permettant d’ajuster en temps réel la perception de l’impôt à l’évolution des revenus et de la situation de chacun. La décision de report permettra de rassurer l’ensemble des acteurs économiques pour mettre en œuvre cette réforme dans les meilleures conditions. Pas la moindre trace d’une volonté d’abandon pur et simple donc.

Alors que la mesure PAS consisterait à prélever chaque mois l’impôt sur le revenu directement sur le salaire —ce qui transforme donc l’employeur en tiers collecteur de cet impôt— la DGFIP-FO vient de rappeler de son côté qu’elle souhaite que le gouvernement n’invoque pas un niveau d’impréparation de l’administration, ce qui revient à se défausser sur les services et leurs agents.

Dans un message adressé la semaine dernière au réseau financier rapporte Hélène Fauvel, la secrétaire générale de la DGFIP-FO, le Directeur général des finances indique en effet étrangement que par le report le temps supplémentaire pourra utilement être consacré aux ajustements nécessaires après l’audit

Juste pour éviter un télescopage ?

Les ajustements techniques et les cajoleries aux entreprises seraient-ils les seuls motifs du report du PAS ? Comme de nombreux observateurs, la DGFIP-FO ose un lien pas vraiment curieux entre la décision de report et le souhait du gouvernement que le PAS ne vienne pas percuter les effets potentiels d’un transfert des cotisations sociales vers la CSG… Quoi qu’il en soit, cette réforme PAS ne s’imposait pas estime la DGFIP-FO réitérant ses critiques.

Le PAS va compliquer la vie des contribuables et des entreprises. Et par ailleurs, pourquoi vouloir à tout prix changer un système qui fonctionne parfaitement ? s’irrite le syndicat FO rappelant que les étapes de déclaration annuelle des revenus et de régularisation du solde à payer perdureront. Concrètement, le système PAS, prétendument facile de maniement, pratique et sans souci pour les contribuables qui verraient leur niveau d’imposition ajusté quasiment en temps réel en fonction du niveau des revenus qu’ils perçoivent est une douce illusion.

Lors de sa rencontre avec le ministre, FO Finances a tenue aussi à rappeler l’état de détérioration des services financiers au plan des emplois. Plus de 30 000 emplois ont disparu en effet en quinze ans. Ces deux dernières années, 60% des suppressions d’emplois au sein de la fonction publique de l’État ont concerné les ministères financiers.

Le lendemain de cette rencontre, le Premier ministre annonçait le report de la mesure mais, depuis, aucune information n’est disponible.

Qui testera le PAS ?

Comment sera réalisé l’audit, sur quels points ? Combien et quelles entreprises participeront à l’expérimentation du PAS cet été ? FO Finances qui souhaiterait obtenir ces informations indique d’ores et déjà que l’audit devra intégrer la diversité des entreprises —de la TPE à la multinationale— et la multitude des cas particuliers de citoyens impactés par le prélèvement à la source.

L’audit ne doit pas tester le Pas que sur des grande sociétés telle Renault mais aussi sur de petites entreprises. Une petite boulangerie pourrait par exemple connaître davantage de difficultés face à la mise en place du PAS qu’une grande indique Philippe Grasset.

Quant-aux contribuables… Le ministère de l’Action et des Comptes publics précise que les dispositifs relatifs à l’année de transition (initialement 2017) seront reportés d’un an et les modalités d’imposition pour 2018 resteront inchangées par rapport à celles en vigueur en 2017.

Reste que certains contribuables qui avaient pu déjà prendre des mesures (décision de départ en retraite en 2018 notamment…) pour 2018 dans la perspective du lancement du PAS risquent d’être perturbés. Cela constituera des questionnements supplémentaires auxquels tenteront de répondre désormais aux guichets les agents des finances publiques.Une nouvelle charge de travail, donc.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante