Premier Salon des Comités d’entreprise Force Ouvrière

Economie par Clarisse Josselin, Didier Porte

Photos : F. Blanc (CC-BY-NC 2.0).

Le premier Salon des comités d’entreprise FO, qui succède à l’ancienne Journée des CE, s’est tenu le 7 novembre à Paris. Près de 300 élus ont participé à cet événement marqué par la réforme du droit du travail et la fusion à venir des instances représentatives du personnel.

C’est le premier Salon des CE, mais c’est peut-être aussi le dernier, avant le Salon des CSE, a souligné Didier Porte, secrétaire confédéral chargé du juridique, dans son discours d’ouverture. Dans la perspective de la fusion des instances représentatives du personnel (IRP) au sein du futur conseil social et économique (CSE), prévue par les ordonnances, la journée était aussi ouverte aux élus des CHSCT et aux délégués du personnel.

Nous sommes à l’heure d’un bouleversement des droits, avec la disparition prochaine des IRP actuelles, a poursuivi Didier Porte. Cela va engendrer une polyvalence des élus et une remise en cause de leurs prérogatives et des droits des salariés. Il a appelé à participer à la journée de mobilisation interprofessionnelle du 16 novembre pour stopper les régressions sociales subies depuis 10 ans.

Pascal Pavageau, secrétaire confédéral chargé de l’économie, lui a succédé à la tribune. Il a souligné les conséquences du CSE, qui va occasionner une baisse des moyens, de spécificité des élus et de l’expertise. La réduction du nombre de mandats et d’heures de délégation se fera au détriment des salariés et de l’interpro, a-t-il prévenu. Ce sont les UD, les fédérations et les confédérations qu’on déshabille, car les élus auront moins de temps et de moyens à leur consacrer.

Il s’inquiète pour l’avenir de la représentation syndicale. Le risque, c’est qu’on devienne des représentants du personnel et non des représentants syndicaux, a-t-il prévenu. C’est peut-être la finalité de cette réforme. Car tout est concentré sur l’entreprise, mais avec moins de moyens.

En réaction, il a invité les élus à être toujours plus syndicalistes, à revendiquer avec le CSE dès que possible. Nous devons plus que jamais réaffirmer ce que nous sommes, soyez fiers d’être FO, c’est un devoir pour l’avenir, pour lutter contre la suppression de la représentation syndicale à tous les niveaux, a-t-il ajouté.

Plus globalement, Pascal Pavageau s’inquiète d’une attaque du monde syndical de manière frontale et générale : sur le paritarisme, sur le rôle de la branche, sur les moyens des IRP. Il faut avoir conscience de cette attaque et se mobiliser, a-t-il poursuivi.

Sur le plan économique, il a recommandé aux élus de demander des expertises comptables en amont des négociations annuelle obligatoires. Depuis 2013, 67 milliards d’euros ont été versés aux entreprises au titre du CICE, et en général, l’information ne circule pas sur ce qui a été perçu par l’entreprise, a-t-il déploré. À cela s’ajoutent les 110 milliards d’euros versés au titre des aides publiques. Il faut demander à l’employeur ce qu’il en fait. Souvent, ça part dans des dividendes record et il n’y a presque rien pour l’emploi et l’investissement.

Il a aussi conseillé aux élus de refuser la tri-annualisation des expertises, une possibilité donnée par les ordonnances. Restez sur un rythme annuel, trois ans c’est trop long, demain vous ne savez pas ce qui peut arriver.

Pascal Pavageau a mis en garde les élus contre le principe de fongibilité des deux budgets du CSE. Les ordonnances permettent en effet d’utiliser un reliquat de budget de fonctionnement pour les activités sociales et culturelles (ASC) et inversement. Il ne faut pas tomber dans le piège des ASC qui pourraient donner du pouvoir d’achat aux salariés, a-t-il prévenu. Le pouvoir d’achat, c’est l’employeur qui l’améliore, par une hausse des salaires lors des NAO.

Dans les faits, ce salon, qui succède à l’ancienne Journée de CE, constituait le neuvième rassemblement des élus des comités d’entreprise organisé par la confédération. À nouveau nom, nouveau contenu. Après les discours introductifs, les anciennes tables-rondes ont cédé la place à une série d’ateliers animés par des experts, dans l’objectif d’apporter une aide concrète aux élus. Notre priorité, c’est de répondre à vos besoins, a insisté Didier Porte. Les réformes font évoluer les mandats, nous voulons vous donner les clés pour vous aider à assurer vos fonctions.

Quatre thèmes étaient au programme, et les intervenants avaient intégré à leur propos les modifications apportées par les ordonnances. Les ateliers portaient sur : les enjeux en matière de complémentaire santé et de prévoyance ; l’information-consultation du CE et la base de données économiques et sociales ; la distinction entre les deux budgets du CE et leur utilisation, ainsi que le recours aux expertises ; la santé et sécurité des travailleurs avec la disparition du CHSCT.

Didier Porte a rappelé en introduction de ce dernier atelier que FO était contre la fusion des IRP et revendiquait surtout le maintien du CHSCT. Une commission santé et sécurité ne sera obligatoire que dans les entreprises de plus de 300 salariés. Ailleurs, elle pourra être mise en place par accord.

Dans son discours de clôture, Jean-Claude Mailly, a invité les élus à négocier le plus possible, partout, le nombre d’élus du CSE et les crédits d’heures, préalablement à la mise en place de l’instance. La baisse des moyens va rendre difficile certaines missions, surtout pour le CHSCT, a-t-il ajouté.

Il a rappelé des désaccords de fond avec les ordonnances, notamment sur la fusion des IRP et le périmètre pris en compte pour apprécier la cause économique du licenciement. Le combat n’est pas terminé, a-t-il ajouté. Nous n’hésiterons pas à attaquer juridiquement les décrets s’il y a des chances de recours. Nous regardons actuellement comment attaquer sur la suppression du CHSCT.

Il a aussi rappelé la victoire de FO en terme de libre désignation du délégué syndical. Début 2018, il faudra toujours 10 % pour être représentatif, mais si les élus ne veulent pas être DS, le syndicat pourra désigner qui il veut, même un salarié qui n’a pas été élu sur son nom.

 

Favoriser l’accès à la culture grâce au CE

Dans l’après-midi, une table-ronde était organisée sur le thème « culture et travail », et animée par Jean Lebrun, journaliste à France Inter. Elle constituait un prolongement de la journée organisée en mars dernier à Paris par la confédération, avec Régis Debray et la CGT, à la Bourse du Travail. Il est du rôle du CE de favoriser l’accès à la culture, cela fait partie de l’émancipation, a rappelé le secrétaire général de FO Jean-Claude Mailly en conclusion de la journée.

Nora Miloudi, déléguée syndicale à La Redoute, en a donné l’illustration. Elle joue son propre rôle dans une pièce de théâtre créée cette année par les Tréteaux de France et la compagnie HVDZ, et qui met en scène la mise en vente de l’enseigne par François Pinault.

Elle a rappelé que le CE de La Redoute avait lancé beaucoup d’actions culturelles dans les années 1960. On avait deux grandes bibliothèques, avec des professionnels, et même un bibliobus qui circulait dans les sites, raconte-t-elle. Mais en 2013, la direction a souhaité récupérer les salles, les livres ont été donnés dans le quartier, et le bibliobus a fini dans un champ.

Chez Airbus, le CE a un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros



Malgré tout, elle continue à défendre l’action culturelle des CE. Nous ne sommes pas là pour faire plaisir aux salariés, mais pour leur proposer de faire des choses qu’ils ne feraient pas d’eux-mêmes, comme aller au théâtre, à la piscine, ou prendre l’avion, on est là pour les rendre heureux un soir ou une semaine.

Jean-Pierre Le Crom, historien, a dressé un bref historique des CE. Il a aussi souligné que les CE s’étaient adaptés aux besoins et aux demandes, passant du ravitaillement en 1945 à la complémentaire santé, puis plus récemment aux loisirs, au sport et à la culture.

Isabelle Cadillon-Sicre, secrétaire du CE d’Airbus Opérations à Toulouse, a témoigné sur un CE à la démesure du groupe multinational : 432 salariés, un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros, un complexe sportif de 10 hectares et une salle de spectacle de presque 400 places... La médiathèque enregistre 1 200 prêts et retours par jour.

Un quart des CE n’ont pas de budget pour les ASC



Une exception. L’avocat Christophe Baumgarten, vice-président du cercle de réflexion sur les CE Maurice Cohen, a rappelé que 90 % des salariés travaillent dans une entreprise de moins de 100 salariés. Et qu’un quart des CE n’ont pas de budget pour les actions sociales et culturelles (ASC).

Avec les nouvelles formes de travail, les salariés ne sont plus au même endroit en même temps, et il est compliqué d’organiser des activités, a-t-il ajouté. À quoi s’ajoute un budget souvent faible. Résultat, beaucoup d’élus préfèrent transformer les ASC en chèque cadeau ou les déléguer à une plateforme.

Une situation vécue par un élu de PSA Sochaux. Notre CE est passé de 400 à 17 salariés, demain quels moyens aurons-nous pour inciter les salariés à la culture ? a-t-il témoigné. Aujourd’hui, on organise des visites mais demain, on devra peut-être vendre des billets sur internet.

Pour Christophe Baumgarten, l’une des solutions pourrait selon lui passer par une mutualisation des CE sur même un bassin d’activité. Il plaide aussi pour une réforme des ASC. On en est à la dixième réforme des CE, mais aucune ne porte sur les ASC, a-t-il souligné.

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Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

Didier Porte Ex-Secrétaire confédéral au Secteur des moyens et de la logistique

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