Preuve de la durée du travail

Temps de travail par Patricia Drevon, Secteur des Affaires juridiques

La charge de la preuve est « partagée » en matière de durée du travail.

Un salarié engagé en novembre 2013 en qualité d’agent de clientèle est licencié en juillet 2016 pour faute.
Il saisit la juridiction prud’homale en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

La cour d’appel le déboute de toutes ses demandes, tant au titre de la rupture de son contrat de travail qu’au titre du paiement de ses heures supplémentaires.

Il forme alors un pourvoi en cassation et cette dernière rejette la demande sur la requalification de son contrat de travail.

En revanche, elle reçoit sa demande relative aux heures supplémentaires.

Elle déroule le raisonnement qui est désormais le sien depuis un arrêt de 2018 (Cass. soc., 18 mars 2020, n°18-10919) en se fondant sur les articles L 3171-2 et suivants du Code du travail :

 Si le salarié ne travaille pas en horaire collectif, l’employeur doit établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
 Il tient ces documents permettant de comptabiliser le temps de travail de chaque salarié à la disposition de l’inspection du travail (article L 3171-3).
 L’article L 3171-4 organise un partage de la preuve en cas de litige : le juge forme sa conviction en fonction de ces documents et des éléments fournis par le salarié, au besoin en ordonnant des mesures d’instruction.
La Cour de cassation précise donc : En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé (Cass. soc., 25 janvier 2023, n°21-23395).

Le juge ne peut donc débouter le salarié en fonction des seuls éléments fournis par ce dernier.

Ce raisonnement vaut de manière générale pour tout problème de durée du travail et pas seulement pour les heures supplémentaires.

Un rappel à l’ordre pour certaines juridictions du fond, même si l’arrêt ne bénéficie pas d’une publicité particulière.

CE QUE DIT LA LOI
L’article L 3171-4 du Code du travail dispose :
 En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Patricia Drevon Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.