Projet de loi de Finances 2020 : une diète sévère en perspective

Economie par Valérie Forgeront

Gilles ROLLE/REA

Le projet de loi de finances pour 2020 doit être présenté le 25 septembre prochain mais depuis le début de l’été les grandes lignes de ce projet de budget pour l’État se précisent… sur fond de nouvelles économies à réaliser l’an prochain sur les dépenses publiques. Le gouvernement les chiffre à six milliards d’euros.

Le gouvernement qui compte pour 2020 sur une croissante à 1,4% estime que le déficit public devrait s’établir à 2,1% du PIB en 2020 (contre 3,1% en 2019, 2,3% hors CICE) ce qui répondrait aux engagements pris par l’exécutif français vis-à-vis de Bruxelles.

Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement semble vouloir soumettre encore les dépenses publiques au régime sec. Alors que la hausse des dépenses budgétaires seraient limitées à une hausse de 0,5% (4,6 milliards d’euros) du PIB, le total des économies à réaliser sur les dépenses publiques en 2020 atteindrait six milliards d’euros indiquait à la mi-juillet le ministère de l’Economie.

L’État serait largement mis à contribution. Le gouvernement qui présentera le 25 septembre le projet de loi de finances pour 2020 semble viser par ailleurs toujours d’ici à 2022 « l’équilibre structurel des finances publiques » ainsi que l’acte le rapport, en juin, sur les orientations des finances publiques.

Pour l’an prochain, si une hausse des possibilités de dépenses - limitée et toute relative par rapport aux besoins (tels ceux de l’Education nationale…) - est annoncée pour quelques secteurs ministériels (le secteur des armées est le grand gagnant avec une possibilité de dépenses accrue de 1,53 milliard d’euros contre seulement 1,04 milliard pour le secteur l’Education nationale et Jeunesse), la majorité des ministères subira une stabilité de ses dépenses (tel le secteur Travail…) voire un net recul.

Quid des emplois publics ?

Le ministère de l’Action et des Comptes publics perdrait ainsi 120 millions d’euros quant à sa latitude de dépenses. Celui de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales subirait lui une perte de 1,35 milliard d’euros.

Le gouvernement qui n’a pas encore détaillé l’évolution des effectifs publics pour 2020 précisait cependant en juin dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques que « l’article 10 de la LPFP (loi de programmation des finances publiques 2018-2022, Ndlr) dispose que « l’incidence, en 2022, des schémas d’emplois exécutés de 2018 à 2022 pour l’État et ses opérateurs est inférieure ou égale à -50 000 emplois exprimés en équivalents temps plein travaillés ».

Concrètement, la menace d’une suppression à l’État de 50 000 emplois d’ici 2022 n’est pas écartée même si une suppression de 15 000 emplois a été évoquée fin juillet par le ministre de l’Action et des Comptes publics. Par ailleurs la suppression de 70 000 emplois au sein de la territoriale d’ici deux ans semble toujours d’actualité.

En 2020, indiquait le gouvernement dès juin dernier, la « baisse de l’impôt sur le revenu, qui induira une baisse des prélèvements obligatoires de 0,2 point de PIB, sera financée par des économies sur la dépense publique et la réduction de niches fiscales et sociales ».

Censé participer au financement de cette baisse de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu (notamment par un recul de 14% à 11% du taux marginal de la première tranche), le coup de rabot sur les niches fiscales des entreprises serait finalement limité : il apporterait à l’État seulement 600 millions d’euros contre les 1,5 milliard d’euros prévus.

Ces cadeaux encore lourds de conséquences...

L’an prochain, les grandes entreprises ne bénéficieront pas d’une baisse aussi marquée que prévue du taux d’imposition de l’impôt sur les sociétés (IS) mais toutes les entreprises (dont les grands groupes) qui bénéficiaient du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) profiteront pour la deuxième année du nouvel allègement de cotisations sociales mis en place, cette année, dans le cadre de la transformation du CICE. Ce basculement du CICE et le manque à gagner fiscal annuel qu’il a induit jusque-là a pesé pour 40 milliards cette année sur les finances publiques.

En 2020, les ménages très riches pourront fêter la deuxième année de la fin de l’ISF, l’impôt sur la fortune, devenu IFI, taxation sur la fortune immobilière. Cette réforme lancée en 2018 a montré déjà ses conséquences : dès 2017, l’État décidait de se priver d’un impôt apportant une recette d’environ 5 milliards d’euros par an. Né en 2018, l’IFI n’a apporté l’an dernier que 1,3 milliard dans les caisses de l’État. Rien d’étonnant à cela car seulement 132 722 contribuables y sont assujettis contre les 358 000 qui étaient imposés sur l’ISF. Ainsi, seuls 37% des très riches qui payaient l’ISF sont concernés par l’IFI.

Côté fiscalité encore, la réforme de la taxe d’habitation (TH) débutée en 2018 passera en 2020 à sa troisième étape. « 80% des français ne paieront plus de taxe d’habitation sur leur résidence principale » se félicite le gouvernement tandis que la fin de la TH pour les 20% de ménages les plus aisés est fixée à 2023 confirmait ce 30 août le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin.

FO donne rendez-vous à Paris le 21 septembre

Quoi qu’il en soit, la quasi fin de cette taxe dès cette année nécessitera pour le gouvernement, dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, de préciser le mode de compensation de la perte de la TH pour les collectivités (communes, départements, intercommunalités). Une perte autour de 23 milliards/an.

Par ailleurs, « le PLF pour 2020 amorcera la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, achevant ainsi la révision générale des valeurs locatives, différée depuis 50 ans, dont la première étape est entrée en vigueur en 2017 avec la révision des locaux professionnels » indiquait le gouvernement en juin dernier dans son rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques. En cas de mode de compensation insuffisant pour les collectivités locales, une hausse de la fiscalité foncière n’est pas à écarter.

Pour finaliser le financement des mesures annoncées en décembre 2018 et avril 2019 par l’exécutif et censées éteindre la crise sociale, le gouvernement compte donc infliger une diète sévère aux dépenses publiques, notamment celles du champ de la protection sociale. En quelque sorte, les travailleurs financeraient eux-mêmes des mesures annoncées notamment à l’issue du grand-débat.

Dans sa recherche d’économies, le gouvernement semble ainsi compter sur la réforme de l’Assurance chômage (pour une économie de 1,5 milliard), sur le nouveau calcul des APL (pour une économie de 1,4 milliard d’euros), sur la poursuite de la baisse des contrats aidés, sur la réforme de l’audiovisuel public (pour une économie de 70 millions)… Ou encore sur la réforme annoncée des retraites.

Reste que ce projet gouvernemental est d’ores et déjà très contrarié par la contestation syndicale, celle de FO notamment qui organisera le 21 septembre un grand rassemblement d’ampleur nationale d’information et de mobilisation à Paris.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante