Et pourtant, ignorant la crise sociale qui sévit et ses racines profondes, par la voie du Haut-commissaire à la réforme des retraites (HCRR), le gouvernement continue obstinément à avancer sur les différents aspects du vaste chantier de sa future réforme pour mettre en place une retraite universelle par points que Force Ouvrière dénonce et rejette.
Sous couvert de recherche de simplification et d’équité affichée avec le slogan un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous
, les mesures envisagées par ce projet de réforme posent en réalité de nombreux problèmes. C’est en tout cas ce qui ressort des observations de Philippe Pihet, Secrétaire confédéral en charge du dossier épineux des retraites ainsi que des analyses des différents documents de travail présentés par le HCRR. Cette nouvelle contre-réforme poursuit en fait les mêmes objectifs inavoués des contre-réformes qui l’ont précédée, c’est-à-dire la baisse du niveau des retraites et la dégradation des droits des retraités et futurs retraités.
La retraite à l’âge de 62 ans, un droit chimérique !
L’âge légal de départ à la retraite restera fixé à 62 ans et ceux qui liquideront à cet âge ne subiront aucune pénalité financière
: c’était la promesse affichée par le HCRR, conforme à la promesse présidentielle de campagne. Toutefois, les travaux du HCRR dévoilés au cours des réunions de concertation viennent infléchir cette assertion et montrent qu’avec le système en points, les assurés seront incités à partir plus tardivement, via une majoration de leur pension (de l’ordre de 3% à 5% par année supplémentaire travaillée au-delà de l’âge légal).
Dans les faits, le futur retraité sera ainsi placé face à une alternative : travailler plus longtemps pour majorer le montant de sa retraite ou obtenir une retraite moindre. Le risque existe que dans le nouveau système, la valeur du point, pour ceux qui partent dès 62 ans, se trouve minorée par rapport à ce qu’elle aurait été s’il n’y avait pas eu de bonus pour les autres. Pour équilibrer les régimes, le coût des « bonus » devrait forcément être compensé. Un départ à 62 ans serait de facto minoré par une forme de « malus ».
Au demeurant, pour l’heure, avec notamment la réforme de 2010 qui a repoussé l’âge légal à 62 ans et celle de 2014 qui a augmenté le nombre de trimestres requis pour partir à taux plein (172 trimestres, c’est-à-dire 43 annuités), les salariés liquident leur retraite de plus en plus tard pour réunir les conditions du taux plein. Selon les travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR), les âges moyens de départ en retraite des salariés (hors régimes spéciaux et catégories actives de la fonction publique) approchent les 63 ans actuellement et convergent vers 64 ans en 2040.
Dans ce contexte, pour Force Ouvrière, la promesse présidentielle selon laquelle l’âge légal de la retraite n’augmentera pas, a déjà du plomb dans l’aile et les promesses du Haut-commissaire permettraient juste de sauver les apparences.
Philippe Pihet, qui a dirigé la délégation FO lors des nombreuses rencontres avec le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, a vivement dénoncé le caractère illusoire de la retraite à 62 ans sans pénalité.
Les masques sont complètement tombés, après les déclarations de la ministre de la Santé et des Solidarités appuyées par le ministre de l’Action et des Comptes publics incitant à un report de l’âge légal au-delà de 62 ans pour financer la prise en charge de la perte d’autonomie.
FO va faire entendre par tous les moyens son opposition à un régime universel par points. Au-delà du refus de Force Ouvrière de financer la facture de dépendance par un allongement de durée de cotisations par un report de l’âge de la retraite, la cacophonie ministérielle savamment orchestrée a amené Force Ouvrière à se mettre en ordre de marche pour combattre la future réforme des retraites et faire entendre par tous les moyens son opposition à un régime universel par points.
Le Comité confédéral national (CCN), réuni à Paris les 27 et 28 mars 2019, a mandaté le bureau confédéral pour exiger du Premier ministre qu’il mette fin à la concertation, publie son projet et entende les revendications de la confédération. Si le gouvernement refuse, la Confédération quittera les concertations
. Une lettre du Secrétaire général, Yves Veyrier, a été envoyée en ce sens le 1er avril 2019 au Premier ministre.
Le CCN a en outre mandaté le bureau confédéral et la commission exécutive pour lancer une campagne d’information nationale en direction des salariés pour les informer des enjeux, des positions et revendications de Force Ouvrière. Cette campagne d’information et de mobilisation, à l’initiative des syndicats FO, aura pour point d’orgue un rassemblement national en juin ou septembre en fonction du calendrier gouvernemental, dans l’objectif de préparer le rapport de force interprofessionnel et, si nécessaire, la grève pour défendre les retraites et mettre en échec le projet gouvernemental
.
Les grandes manœuvres autour de la question des retraites continuent et se complexifient !
Les autres sujets sensibles sont nombreux. L’un d’eux consiste à savoir comment le futur système universel permettrait de prendre en compte les départs anticipés liés aux spécificités de certaines situations telles que les carrières longues, la pénibilité de certains métiers, les départs anticipés pour les catégories actives dans la fonction publique et les régimes spéciaux... ou, à l’inverse, devrait mettre en place des dérogations pour les indépendants, les professions libérales pour lesquels l’âge moyen actuel se situe autour de 67 ans.
restent toujours en débat les sujets épineux des pensions de réversion, des droits familiaux et conjugaux, de l’architecture et la gouvernance de l’éventuel futur régime...
Pour un projet qui devait unifier les Français, constatons que pour l’instant, il divise surtout les rangs de la majorité.