Les plans sociaux se multipliant et les moyens syndicaux se réduisant, les représentants du personnel sont très sollicités. Trop parfois, au point de risquer leur santé. Le média Miroir social organisait, le 24 avril, un webinaire sur les risques psychosociaux (RPS) pour ces représentants des salariés. Rencontre à laquelle participait Carole Cebe, déléguée syndicale FO du Crédit commercial de France (CCF). Ce sujet des risques
est jusque-là peu documenté et peu traité hormis dans quelques articles et conférences récentes (voir en fin d’article) qui laissent entrevoir que les représentants du personnel sont soumis à une charge mentale importante, surtout dans les moments de crise.
Carole Cebe témoigne ainsi des difficultés rencontrées par la section syndicale FO du CCF lors de l’énorme plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé fin 2024 : 1 400 postes supprimés, 40% des effectifs. Première organisation syndicale, FO est très présente sur le terrain. Or plus on est sur le terrain, plus on capte les retours que nous font les salariés et plus la charge de travail des représentants du personnel augmente
, décrit-elle. Avant même le PSE, une formation sur la détection des risques psychosociaux s’est transformée en prise de conscience de l’état dans lequel se trouvaient les représentants du personnel et de leur propre niveau d’engagement, déjà trop élevé, raconte la militante. Mais nous étions loin d’imaginer l’ampleur du plan
.
Le prix de la proximité
Les représentants du personnel doivent écouter les salariés, comprendre leurs besoins, défendre leurs emplois, revendiquer, négocier. Cette proximité a un prix, témoigne Carole Cebe : fatigue émotionnelle : sentiment de vide ou de saturation après les échanges ; culpabilité : impression de ne jamais faire assez ; difficulté à dire non même quand l’agenda est plein
. Les élus sont des aidants ; ils sont soumis à des risques psychosociaux
, analyse Aude d’Argenlieu, psychologue clinicienne et directrice générale de l’Institut d’accompagnement psychologique et de ressources (IAPR).
Mandatés concernés par le PSE
Dans le cas du CCF, la situation est encore compliquée par le fait que les mandatés sont eux-mêmes concernés par le PSE. Celui-ci est en effet d’une telle ampleur que plus de la moitié de notre équipe est directement concernée par des suppressions de poste
, indique Carole Cebe. S’agissant des mandatés non-permanents, qui sont majoritaires -FO compte trois permanents-, il était essentiel qu’ils ne se mettent pas en danger sur leur travail
, explique-t-elle. En outre, il faut accompagner les plus récents dans leur mandat ; ne pas oublier ceux qui ont plus d’expérience mais qui, de fait, en prennent plus sur leurs épaules ; se partager entre les salariés qui appellent de toute part, et les porteurs de mandats qui ont besoin de prendre du recul,…
décrit la déléguée. Elle avait prévu d’organiser des temps d’échanges avec les militants de la section mais elle n’a pu le faire qu’une fois, car on ne s’attendait pas à ce que le plan touche tous les métiers et tous les adhérents
.
Protection des mandatés
Quant à la protection dont bénéficient les mandatés, elle s’est avérée à double tranchant. Car du fait de la procédure particulière qui s’applique à la rupture de leur contrat de travail, les représentants du personnel se sont retrouvés pendant deux mois dans une autre entité que les autres salariés. Les salariés n’avaient plus de représentants et les représentants non-permanents étaient sans emploi et se demandaient s’ils n’étaient pas licenciés
, raconte Carole Cebe.
Face à une crise d’une ampleur telle, les organisations habituelles sont bouleversées. La section FO avait ainsi pris l’habitude de travailler en binôme sur chaque dossier : un élu écoute le salarié ; un autre élu analyse sa situation avec plus de recul. Mais comment conserver un tel fonctionnement quand 1 400 salariés sont concernés et que l’on dispose au total que de 25 représentants du personnel ? Alors que l’entreprise avait mis en place depuis longtemps un numéro vert sur les RPS pour les salariés à la recherche d’un soutien, nous avons fait la promotion de cette ligne d’écoute auprès des salariés, ce qui nous permettait de nous concentrer sur leur situation professionnel
, explique la militante FO.
Soutien dans le collectif du syndicat
Quant aux représentants des salariés, ils ont trouvé, eux, un soutien dans le collectif de la section syndicale : quand c’était trop lourd, on parlait entre nous
, indique Carole Cebe. Au cours du webinaire, Miroir social sonde ses auditeurs, dont on suppose que la plupart sont des représentants du personnel, sur les meilleures protections contre la dégradation de leur santé mentale
. La vie personnelle
arrive en tête devant le collectif de travail
et, en dernier, le soutien du syndicat
.
Mieux répartir la représentation du personnel
Pour traiter les RPS des représentants du personnel, les participants aux webinaires avancent des pistes. Signaler aux mandatés qu’ils peuvent eux aussi appeler le numéro vert quand il y en a un. Intégrer les RPS élus dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), cela se pratique déjà
, rapporte Aude d’Argenlieu. Carole Cebe avance qu’on pourrait peut-être répartir les rôles, car actuellement seuls les délégués syndicaux participent aux réunions
. Une représentation du personnel moins concentrée supposerait de revenir sur les ordonnances travail. La déléguée FO relève également que, lors d’un PSE, les représentants du personnel sont pris entre les intérêts antagonistes des salariés qui veulent partir rapidement et de ceux qui veulent conserver leur emploi
. Dès lors, comment assumer cette transformation à défaut de pouvoir s’opposer complètement aux licenciements ?
, s’interroge-t-elle.
Colloque Secafi – L’engagement des représentants du personnel, la réalité d’un travail caché
, 2 octobre 2024, auditorium du Monde, Paris.