PSE chez Pimkie : la descente aux enfers continue pour le prêt-à-porter

Les articles de L’InFO militante par Fanny Darcillon, L’inFO militante

KERMALO/REA

Après de nombreuses enseignes d’habillement, la marque Pimkie a annoncé à son tour un PSE supprimant 257 emplois. Une illustration supplémentaire du gouffre dans lequel tombe chaque jour un peu plus la mode de moyenne gamme, au point que les salariés pensent désormais à se reconvertir.

La série noire semble n’en plus finir dans le secteur du prêt-à-porter. La direction de Pimkie, enseigne rachetée en février à l’Association familiale Mulliez par un consortium d’investisseurs nommé Pimkinvest, a annoncé le 29 mars la fermeture de 64 magasins – sur 232 en propre et 81 en affiliation –, entraînant la suppression de 257 emplois d’ici 2027. La faute à une baisse de la fréquentation et des ventes, avance l’entreprise dans un communiqué.

Pour les salariés de la marque, le couperet est brutal mais pas surprenant. Un expert avait auparavant évalué les fermetures nécessaires à 100, soit près de 500 salariés, souligne Maley Upravan, déléguée syndicale FO chez Pimkie. Mais si dans un premier temps, la militante était quelque peu rassurée de voir arriver un PSE moins sévère, l’inquiétude est bel et bien revenue dans un second temps : Ils ont décidé de maintenir des magasins déficitaires. C’est peut-être une belle ambition, mais c’est aussi une belle prétention que de s’imaginer qu’on va redresser la barre là où cinq directeurs généraux se sont cassé le nez.

L’ex-directrice de Camaïeu à la tête de Pimkie

Autre source de crainte et de tension au sein de l’enseigne autrefois emblématique du prêt-à-porte : l’arrivée à la tête de Pimkie de Sandrine Lilienfeld, qui fut la dernière directrice générale de Camaïeu avant la liquidation retentissante de la marque en septembre 2022, qui a coûté leur emploi à 2600 personnes. Elle a coopté l’ex-directrice financière de Camaïeu et son ancien directeur informatique et logistique, poursuit Maley Upravan. Autant de gens ayant tout de même fait partie d’une codirection qui n’a pas su faire face à la situation chez Camaïeu.

La nouvelle équipe récupère une situation financière assainie pour le moment grâce à une fiducie. Mais depuis le 1er janvier 2023, on en est déjà à 8 millions d’euros de pertes, s’alarme la déléguée syndicale, qui décrit un climat tout sauf serein parmi les salariés. On n’est pas à l’abri d’un dépôt de bilan sec comme chez Camaïeu dans les années qui viennent. On a beau avoir des cadors en face de nous, ils n’ont pas de baguette magique.

Le secteur de l’habillement de plus en plus sinistré

En effet, la santé générale du milieu de l’habillement n’incite pas à l’optimisme. Entre les liquidations de Cop.Copine, de Camaïeu, de San Marina, les placements en redressement judiciaire d’André, Gap, Go Sport, Kookaï, Kaporal, et les nouvelles fermetures de magasins chez C&A, les licenciements dans le secteur se chiffrent désormais en milliers. C’est catastrophique, confirme Audrey Ricci, secrétaire fédérale adjointe à la FEC-FO section Commerce. Même si on avait anticipé, on n’était pas prêt à un tel scénario. Les annonces désastreuses se suivent et les communiqués de presse se ressemblent : baisse des ventes, difficultés économiques, Covid-19, nécessité de se repositionner, tournant du numérique… Ce sont toujours les mêmes sujets de PSE en PSE, tance Maley Upravan. Ils n’ont juste pas trouvé de solution.

Les marques n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant la crise du Covid : les ventes restaient en 2022 inférieures de 10% à leur niveau de 2019, selon Gildas Minvielle, directeur de l’observatoire économique de l’Institut français de la mode (IFM), interrogé par l’AFP. L’inflation galopante n’arrange rien : quand les prix des biens de première nécessité connaissent des hausses conséquentes, des dépenses comme l’habillement deviennent une variable d’ajustement pour rentrer dans son budget.

Le prêt-à-porter de milieu de gamme particulièrement touché

Mais pour la secrétaire fédérale Audrey Ricci, la conjoncture ne suffit pas à justifier la débâcle de ces enseignes : La pluie, les gilets jaunes, il y a toujours quelque chose qui ne va pas, souligne-t-elle. D’autres enseignes, comme Kiabi ou Zara, pourtant percutées par les mêmes crises, ont fait de bons choix stratégiques et financiers et survivent, parce qu’elles ont su investir dans leurs magasins et leurs équipes.

Au-delà des difficultés économiques, c’est en effet tout le modèle de la moyenne gamme qui est bouleversé par de profonds changements sociétaux. L’essor de la vente en ligne, l’explosion du marché de la seconde main ou encore les préoccupations éthiques grandissantes parmi les consommateurs, laissent les enseignes de milieu de gamme coincées entre une fast fashion à prix toujours plus cassés, et des marques plus chères mettant en avant leurs modes de fabrication plus respectueux de l’environnement et des droits sociaux. Selon une étude Ifop pour Purpose Lab et Nouveau Modèle, en 2021, 64% des Français sondés se disaient prêts à payer plus cher pour se conformer à des engagements éthiques et écologiques.

Des aides publiques non réinvesties

Les salariés de l’habillement n’ignorent évidemment pas l’ampleur de ces bouleversements. Le moral s’en ressent : Il règne une résignation terrible, observe Maley Upravan. Ils n’ont plus envie de se battre. À force de voir les concurrents tomber comme des mouches, beaucoup n’ont même plus l’espoir de retrouver du travail dans le prêt-à-porter. On a beaucoup de profils de personnes de 50 ans et plus, qui ont travaillé pendant des années chez Kookaï, se sont beaucoup données, qui sont sous le choc et pourraient avoir du mal à rebondir, craint une employée. Dans le commerce aujourd’hui, on veut des jeunes, confirme Audrey Ricci. L’expérience n’est pas du tout valorisée, il y a des chances que ces personnes repartent tout en bas de l’échelle des salaires.

Le sentiment de gâchis est d’autant plus prononcé que les entreprises ont souvent touché de généreuses aides publiques pendant la crise du Covid. Qu’une entreprise soit en difficulté, c’est malheureux, mais ça fait partie de la vie économique, souligne Audrey Ricci. Mais certains ont pioché dans les aides publiques et laissent finalement leurs salariés partir sans rien : on ne sait pas où sont partis les fonds, mais certainement pas en investissements dans l’outil de travail. Pour rappel, la revendication est claire : les aides publiques aux entreprises doivent être et contrôlées et sous conditions…

Des salariés qui fuient le secteur pour se reconvertir

Confrontés à une descente aux enfers qui n’en finit pas, les salariés perdent la foi dans leur métier. Dans le cadre du PSE chez Pimkie, la priorité des délégués FO est désormais d’obtenir un accompagnement par un cabinet pour encourager les personnes à des reconversions sur des secteurs plus porteurs, expose Maley Upravan. Les gens en ont marre, ils sont arrivés à saturation.

Chez C&A, qui en est à son cinquième PSE depuis 2018, les salariés touchés n’ont même plus envie d’être reclassés en interne. On est tous dans une situation anxiogène, il n’y a plus de sécurité de l’emploi chez C&A, assène Maria Rodrigues, déléguée FO dans l’entreprise. C’est comme si on attendait notre tour. Alors les vendeuses ont plutôt envie d’être accompagnées pour pouvoir rebondir ailleurs, et peut-être changer de branche, puisqu’elles voient toutes les enseignes concurrentes qui ferment.

Des préoccupations d’autant plus prégnantes en cette période d’ébullition sociale autour de la réforme des retraites : On n’arrête pas de dire au gouvernement que dans le commerce, il y a de nombreuses carrières hachées, des temps partiels, beaucoup de femmes, qui désormais en plus perdent leur emploi, énumère Audrey Ricci. Et il n’y a toujours personne pour nous répondre. On n’a plus de mots tant le mépris social est édifiant.

Fanny Darcillon

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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