PSE : répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif

Rupture du contrat par Secteur des Affaires juridiques

En cas de PSE, le juge administratif et le juge judiciaire sont amenés, tous les deux, à intervenir à des niveaux différents.

Nous vous proposons ci-après de faire le point sur la répartition des compétences de chacun de ces juges, sujet qui n’est pas toujours simple à appréhender.

Le juge administratif est compétent pour trancher les litiges intervenus jusqu’à la décision de l’administration relative à l’adoption du PSE (que celui-ci soit mis en place par décision unilatérale de l’employeur ou par accord collectif).

Le contrôle de l’autorité administrative concerne la vérification du contenu du PSE au regard des dispositions régissant son objet, du respect des procédures de consultation des institutions représentatives, de l’existence d’un plan de reclassement et des modalités de suivi de la mise en œuvre effective des mesures contenues dans ce plan et, le cas échéant, de la mise en œuvre des obligations de recherche d’un repreneur. Il n’appartient qu’à la juridiction administrative de connaître de la contestation de la décision prise par l’autorité administrative.

Lorsque le PSE est prévu par un document unilatéral homologué, s’il appartient à l’administration, au stade de l’élaboration du document unilatéral, d’apprécier si le plan de reclassement est suffisant au regard des moyens de l’entreprise et du groupe auquel elle appartient, il ne lui incombe pas de contrôler le respect par l’employeur de son obligation de recherche sérieuse des possibilités de reclassement des salariés, y compris lorsque des garanties relatives à cette obligation figurent dans le PSE (CE, 20-6-22, n° 437767, voir notamment le point 5). Les circonstances, d’une part, que le plan de reclassement ne mentionne dans ses développements consacrés aux éléments de calendrier la diffusion aux salariés que d’une seule offre de reclassement, d’autre part, que la liste de postes de reclassement annexée à ce plan ne prévoit pas de critères de départage en cas de candidatures multiples sur un même poste, sont en tout état de cause sans influence sur l’étendue de l’obligation qui pèse sur l’employeur au stade du licenciement en application de l’article L. 1233-4 du code du travail. A noter que si le CSE doit être saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs, la réorganisation peut être mise en œuvre avant la date d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi par l’autorité administrative (Cass. soc., 23-3-22, n°20-15370). Attention toutefois, lorsque l’administration est saisie d’une demande d’homologation d’un PSE, celle-ci doit s’assurer qu’aucune cessation d’activité ou réorganisation, expresse ou non, n’a été décidée par l’employeur avant la fin de la procédure d’information-consultation du CSE (CE, 15-11-22, n°444480). L’administration ne peut légalement accorder l’homologation demandée que si le comité a été mis à même d’émettre régulièrement un avis, d’une part sur l’opération projetée et ses modalités d’application et, d’autre part, sur le projet de licenciement collectif et le PSE. Elle doit également vérifier que l’employeur a adressé au comité, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu’il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation.

La validation d’un PSE peut être annulée faute pour l’un des syndicats signataires de l’accord d’avoir publié ses comptes (CE, 6-4-22, n°444460). Également, l’homologation d’un PSE doit être annulée si les membres d’un CSE consultés ne disposaient plus de mandats valables, ceux-ci étant arrivés à expiration (CAA de Bordeaux, 11 avril 2022, n° 22BX00161). Egalement, lorsque l’assistance d’un expert-comptable a été demandée, l’administration doit s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au CSE de formuler ses avis en toute connaissance de cause. L’administration ne peut homologuer une décision unilatérale alors que l’expert s’est plaint à plusieurs reprises d’une véritable obstruction de l’employeur à l’exécution de sa mission (CAA Versailles, 17 mai 2022, n°22VE00604).

Le juge judiciaire retrouve, quant à lui, sa compétence à l’issue de la décision de l’administration, lors de la mise en œuvre de la procédure individuelle de licenciement. Le juge judiciaire doit se prononcer sur le bien-fondé du motif économique du licenciement, la régularité de la procédure de licenciement individuel, le respect des critères d’ordre et de l’obligation de reclassement. Dans un arrêt en date du 20 avril 2022, la Cour de cassation a rappelé que le litige relatif à la réalité de la suppression de l’emploi et l’application par l’employeur des critères d’ordre du licenciement relève de la compétence du juge judiciaire et non de celle du juge administratif (Cass. soc., 20-4-22, n°20-20.567).

Le juge judiciaire est compétent pour connaître des actions exercées par les salariés licenciés pour faire constater une violation des dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail, de nature à priver d’effet les licenciements économiques prononcés à l’occasion du transfert d’une entité économique autonome, et de demander au repreneur la poursuite des contrats de travail illégalement rompus ou à l’auteur des licenciements illégaux, la réparation du préjudice en résultant (Cass. soc., 10-6-20, n°18-26229).

L’administration ne contrôle pas les conséquences du PSE sur la santé et la sécurité, le juge judiciaire demeure compétent pour examiner les litiges portant sur le respect de l’obligation de sécurité par l’employeur. Le juge judiciaire peut suspendre la mise en œuvre d’un PSE, même validé par l’administration, lorsque celui-ci constate que le plan de restructuration est susceptible d’engendrer un risque grave et actuel pour la santé ou la sécurité des travailleurs (Cass. soc., 14-11-19, n°18-13887).

Attention : Si le juge judiciaire est compétent pour examiner la mise en oeuvre des mesures prévues dans le PSE au titre de la prévention et l’évalutation des risques, le juge administratif demeure compétent pour contrôler les mesures prévues dans le PSE au titre de la prévention et de l’évaluation des risques (Tribunal des conflits, 8-6-20, n°4189). Autrement dit, le juge judiciaire est compétent pour assurer le respect par l’employeur de son obligation de sécurité lorsque la situation à l’origine du litige, soit est sans rapport avec le projet de licenciement collectif et l’opération de réorganisation et de réduction des effectifs en cours, soit est liée à la mise en œuvre de l’accord ou du document ou de l’opération de réorganisation. A l’opposé, dans le cadre d’une réorganisation qui donne lieu à élaboration d’un PSE, il appartient à l’autorité administrative de vérifier le respect, par l’employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Le tribunal des conflits distingue donc les mesures d’évaluation et de prévention des risques auxquelles l’employeur est tenu dans le cadre du PSE, qui relèvent du juge administratif, et le respect de cette obligation de santé et de sécurité lors de la mise en œuvre de l’opération, qui relève du juge judiciaire.

Le CSE, un syndicat ou un salarié peut demander devant le tribunal judiciaire (ex-TGI) la suspension de l’application d’un projet de restructuration assorti d’un PSE lorsque celui-ci a des répercussions sur la santé et la sécurité des salariés.

Un syndicat est recevable à agir sur toute question de principe touchant à l’intérêt collectif d’une profession qu’il représente, comme des questions de santé et de sécurité. Le fait que seule une partie des salariés de l’entreprise soit concernée par la violation d’une règle d’ordre public social est sans incidence sur le droit d’agir du syndicat (Cass. soc., 9-7-15, n°14-11752).

Pour rappel, le CSE peut, préalablement à la demande de suspension du projet, recourir à une expertise avec notamment pour mission l’identification des risques de facteurs psychosociaux en lien avec le projet.

Les salariés licenciés économiquement doivent saisir le CPH alors que la nullité de la décision de l’administration, et celle des actes subséquents, n’est pas encore certaine. Tous les salariés souhaitant contester leur licenciement économique, licenciés consécutivement à un PSE, doivent saisir la juridiction prud’homale sans attendre. Une fois saisi, le CPH pourra alors surseoir à statuer dans l’attente de la décision définitive du juge administratif sur le sort du PSE. A défaut d’agir dans ce délai de 12 mois, l’action sera prescrite, peu important que le juge administratif n’ait pas encore statué de manière irrévocable sur le sort du PSE (Cass. soc., 11-9-19, n°18-18414).

A noter que lorsque l’employeur se soumet volontairement aux dispositions sur le PSE et qu’il le transmet à la Direccte (dans le cas d’espèce, les licenciements économiques concernaient vingt-trois salariés dans une entreprise de moins de cinquante salariés), le juge judiciaire reste compétent pour connaître des litiges relatifs à ce PSE (Cass. soc., 16-1-19, n°17-17475).

Attention, une rupture conventionnelle collective ne peut être valablement conclue et validée par l’administration si l’employeur a décidé la fermeture du site. Dans une telle situation, l’employeur doit élaborer un PSE qui peut également définir les conditions et modalités de rupture des contrats de travail d’un commun accord entre l’employeur et les salariés concernés (CE, 21-3-23, n°459626).

 

 

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