Psychiatrie : Les soignants de la clinique Beaupuy se mobilisent pour leur établissement

InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

Le 30 mai, FO s’est mobilisée au sein de l’intersyndicale pour faire entendre l’épuisement des soignants de la clinique Beaupuy du groupe Ramsay. Alors que l’établissement compte 156 lits, il ne reste en personnel que 110 équivalents temps plein, après 64 départs en 3 ans. La direction, sourde au mal-être des salariés, refuse le dialogue et préfère les sanctions. Un droit d’alerte a été émis, le troisième en trois ans.

La dernière grève de l’établissement datait de 2005. Mais, à bout par leurs conditions de travail dégradées, les soignants de la clinique Beaupuy (Haute-Garonne), du groupe Ramsay ont décidé de se mobiliser. Lorsque l’on a annoncé avec l’intersyndicale le débrayage de deux heures, on n’a pas eu besoin d’argumenter beaucoup, commente Guislain Vabre, délégué syndical FO. Les personnels n’attendaient que ça, que l’on leur propose de se mobiliser. Le débrayage a donc été suivi par plus de 80% des soignants en poste ce jour-là dans la clinique psychiatrique. Beaucoup qui étaient en repos se sont joint à cette mobilisation, ce qui est assez rare pour être souligné, précise Anne Marie de Biasi, secrétaire générale pour la Haute-Garonne de l’Union nationale des syndicats FO de la Santé privée.

Il faut dire que le malaise est tangible au sein de l’établissement où l’on compte 64 départs en trois ans. La faute à un contexte difficile dans le secteur de la psychiatrie, souvent qualifié de parent pauvre de la médecine. Avec 156 lits, la clinique Beaupuy est le plus grand établissement privé de la région. Nous voyons arriver des patients avec des troubles bien plus lourds qu’auparavant, ce qui signifie aussi plus d’agressivité envers nous, témoigne Guislain Vabre. Auparavant, ces patients allaient à l’hôpital mais, faute de moyens, le public se tourne vers nous.

Pas de responsable RH durant 3 mois

Les problèmes que traverse l’établissement tiennent aussi aux décisions de la direction. La directrice actuelle ne fait rien pour garder les personnels en place, aucune campagne de recrutement n’est prévue pour remplacer ceux qui sont partis, observe Anne Marie de Biasi. Au sein de la clinique, on compte désormais seulement 110 équivalents temps plein pour ces 156 lits. Préoccupant aussi, plusieurs responsables ont claqué la porte, notamment la responsable qualité ainsi que des cadres des soins, toujours pas remplacés.

Cela fait trois mois que la responsable des ressources humaines est partie de l’établissement. Sans une personne dédiée aux RH, c’est complexe car une structure comme la nôtre implique de faire des plannings pour chaque soignant, notamment en cas d’absence. Il y a beaucoup de mouvements à gérer. Or là, tout est désorganisé, constate Guislain Vabre. Et cette situation n’améliore pas l’image de l’établissement auprès des personnels remplaçant qui repartent en courant et refusent de revenir faire des missions chez nous.

Pour pallier ce manque criant d’effectifs, la direction a trouvé la solution : le jeu des chaises musicales. On impose aux salariés en poste de quitter brusquement un service pour assurer les soins dans une autre unité où il manque quelqu’un, explique Anne Marie de Biasi. C’est justement cette pratique qui a mis le feu aux poudres et déclenché la mobilisation. Trois infirmières ont été baladées d’unité de soin en unité de soin durant toute une matinée, raconte Guislain Vabre. Elles ont ensuite refusé de continuer à changer d’unité, pour la sécurité des patients, mais aussi pour leur sécurité à elles. Résultat : les trois salariées ont reçu un courrier de convocation à un entretien pour une sanction.

Nous voyons notre clinique se dégrader de jour en jour

Durant les trois dernières années, trois droits d’alerte ont été lancés par le CSE. Le dernier date du 25 mai 2023. Nous voyons notre clinique se dégrader de jour en jour, nous perdons des collègues motivés qui partent ailleurs car désabusés par la dégradation des conditions de travail. Nous perdons tout sens à notre travail, nous ne nous reconnaissons plus dans les valeurs annoncées par le groupe Ramsay, écrivent les membres du CSE. En ajoutant que Tout ne peut pas être la conséquence du covid ni de la conjoncture actuelle de la pénurie des soignants, car comme nous vous l’avons fait remarquer lors des derniers CSE, les autres structures de soins, elles, recrutent et fidélisent. Alors qu’en théorie la direction doit répondre à ce droit d’alerte sous 48h, le CSE attend encore une réponse de la clinique Beaupuy.

C’est symptomatique de la gestion de la clinique, analyse Guislain Vabre. La direction refuse le dialogue et minimise nos actions pour en faire des non-événements. Lorsque nous avons débrayé, elle est passée devant nous comme si de rien n’était. Difficile de ne pas se sentir méprisés. D’ailleurs, à la suite de la mobilisation, aucune délégation n’a été reçue par la direction. Pourtant, un dialogue entre les grévistes et la direction devient nécessaire, estime l’UNSFO dans son communiqué de soutien à la clinique. Il faut qu’une décision soit prise, soit en termes de recrutement, soit pour fermer des lits, tranche Anne Marie de Biasi. Il faut s’assurer que les salariés puissent soigner les patients sans être en danger.

Pour l’instant, la Région, entre autres, a apporté son soutien aux salariés de la clinique, promettant d’avertir le groupe Ramsay, mais aussi l’ARS et l’inspection du travail, raconte Guislain Vabre. Si la Région nous soutient c’est par ce qu’elle sait que notre clinique est importante ici, sur le territoire. Et nous le savons aussi. Et notre établissement on l’aime et c’est pour lui qu’on se défend.

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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