Psychologues, en grève pour des moyens et le respect de la profession

InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

© Mathilde MAZARS/REA

Malgré une grève et des manifestations avec les mêmes revendications qu’en juin dernier, les psychologues peinent à se faire entendre du gouvernement. Si FO SPS est en faveur du remboursement annoncé des consultations, la fédération déplore que ce dispositif soit conditionné à une prescription médicale. Elle dénonce une paramédicalisation de la profession.

Pourtant considérée comme une profession peu mobilisée, les psychologues étaient en grève et sont retournés dans la rue une deuxième fois, mardi 28 septembre. Lors du dernier jour des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, ils manifestaient avec les mêmes revendications que celles brandies en juin dernier, dénonçant leur précarisation et la remise en cause de leur statut. Alors que nous avions obtenu un engagement du ministère à inclure les organisations syndicales et les acteurs du secteur dans un groupe de travail sur la profession, cette promesse n’a pas été tenue, malgré nos relances durant l’été, explique Emmanuel Tinnes de la fédération des personnels des services publics et de santé FO.

D’autant que les organisations syndicales n’ont pas été conviées aux assises : Il y avait quelques psychologues mais qui n’étaient pas représentatifs. Pourquoi ne pas nous avoir inclus dans cet événement alors que nous avons notre rôle à jouer et des choses à dire sur la santé mentale en France ? s’ interroge Véronique Kauffholz, psychologue clinicienne en centre hospitalier spécialisé et membre de la fédération.

Un remboursement des consultations soumis à la prescription médicale

Durant la manifestation, la fédération a été reçue par le ministère à 14h, après avoir été prévenue à la va-vite, une heure auparavant. Les revendications portées par FO n’ont trouvé qu’une oreille à peine attentive du ministère, son représentant se bornant à nous signifier que le président de la République s’exprimerait dans l’heure, souligne FO SPS dans un communiqué publié le lendemain. Emmanuel Macron a effectivement annoncé le soir-même le remboursement des consultations de psychologues, à hauteur de 30 et 40 euros, sur prescription médicale.

Si le principe de remboursement est une demande ancienne des syndicats, en revanche la prescription médicale apparaît paradoxale. Cela altère le principe de libre arbitre des usagers, souligne Emmanuel Tinnes. Les médecins et les psychologues sont distincts même si leur objectif est le même : la prise en charge de patients. Mais il n’est pas normal que les uns soient conditionnés aux autres. On voit dans cette prescription une forme d’évaluation du travail des psychologues par le corps médical. Pour Véronique Kauffholz, c’est une paramédicalisation de la profession qui est en cours. Il y a cette volonté de nous normaliser, nous mettre dans des cases alors que justement, il y a plusieurs approches et méthodes en psychologies car elles marchent différemment selon les patients. Comme si l’on pouvait nous réduire à un outil, le gouvernement veut objectiver ce qui est par nature subjectif...

Réparer une jambe cassée avec un simple bandage

Le président de la République a également annoncé la création de 800 postes dans les centres médico-psychologiques à partir de l’année prochaine pour réduire au maximum les délais d’attente. Mais comme souvent, le diable se cache dans les détails. Il s’agit d’une création sur 3 ans et parmi les 800 postes, sont aussi pris en compte les personnels paramédicaux. Donc nous ne savons pas combien de psychologues supplémentaires seront recrutés, pointe Emmanuel Tinnes. Si le chiffre semble important à première vue, il paraît faible au regard des années d’austérité qu’a connu plus globalement le secteur de la psychiatrie, surnommée le parent pauvre de la médecine. C’est un peu comme essayer de réparer une jambe cassée avec un simple bandage, illustre le militant. Dans les centres médico-psycho-pédagogiques, dédiés aux jeunes de moins de 20 ans, on voit des délais d’attente pour un rendez-vous qui vont de 6 mois jusqu’à un an...

Car le secteur peine encore à absorber les souffrances des personnes. Souffrances qui, pour beaucoup, se sont déclenchées durant la crise sanitaire et les confinements successifs. Selon les derniers résultats de l’enquête CoviPrev publiés le 17 septembre, 15 % des Français montrent des signes d’un état dépressif (+ 5 points par rapport à la situation hors épidémie), 23 % des signes d’un état anxieux (+ 10 points) et 10 % ont eu des pensées suicidaires au cours de l’année (+ 5 points).

Un dossier loin d’être clos

La situation actuelle vient donc encore un peu plus mettre en difficulté cette profession déjà mal en point. On n’a jamais autant parlé de souffrance psychologique et psychique que dans le contexte actuel. Pourtant le gouvernement peine à prendre la mesure de la souffrance des Français : les réponses politiques qu’il apporte sont à côté de la plaque, dénonce de son côté Véronique Kauffholz.

Par ailleurs, dans ce secteur professionnel nous sommes peu nombreux et essentiellement des femmes. Et nos conditions de travail disent quelque chose de notre société et de son absence de prise en charge des questions psychologiques. souligne la militante. Emmanuel Tinnes précise de son côté que la profession compte nombre de travailleurs isolés, éclatés sur différents sites et peu travaillent en équipe. Et de rappeler aussi les revendications, anciennes, comme la revalorisation des grilles indiciaires des psychologues hospitaliers, oubliées dans le Ségur de la santé, et qui entraîne un manque d’attraction du métier.

Alors que les psychologues demandent des réponses, celles du gouvernement sont là encore à côté de la plaque estime Emmanuel Tinnes. Pour la fédération, le dossier est loin d’être clos : elle prévoit ainsi de réunir rapidement la commission nationale des psychologues pour définir les suites à donner, indique-t-elle dans son communiqué.

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération