Pulp, le film : itinéraire d’un working class hero

Cinéma par Michel Pourcelot

Loin d’être le seul portrait au grand écran du groupe de rock Pulp, qui eut ses heures de gloire mondiale dans les années 90, Pulp. A Film About Life, Death and Supermarkets présente aussi sa ville de Sheffield, ancien centre sidérurgique du Yorkshire qui ne s’est jamais vraiment remis des années Thatcher.

Sheffield, ton univers qui fut inoxydable... Qui eut cru qu’un grand dégingandé à l’élégance désargentée tel que Jarvis Cocker puisse en émerger et devenir une rock star ? De plus en chantant les espoirs et les désillusions des classes modestes de cette ex-capitale de l’acier, un des hauts-lieux du syndicalisme anglais et dont les mineurs subirent l’acharnement d’une certaine Margaret Thatcher en 1984-85. Les chansons de Pulp, son groupe, sont emplies de cette ambiance. L’une d’elles s’intitule d’ailleurs Last Day of the Miners Strike, soit le Dernier jour de la grève des mineurs. Un chant du désenchantement.

Portant le même patronyme que l’autre gloire locale, Joe Cocker, récemment disparu, Jarvis Cocker, chanteur et âme de Pulp, signe des micro-tragédies dont les héros sont les common people, les gens ordinaires. Une sorte de Ken Loach qui composerait des morceaux de rock. Celui de Regards et sourires (1991), où un couple de... Sheffield est miné, sans jeu de mots, par le contexte social. Pour autant, il ne faut pas s’attendre avec Pulp. A Film About Life, Death and Supermarkets à un reportage sociologique. Ni à une visite touristique. Fil rouge : le retour dans son berceau du groupe pour le dernier concert de leur ultime tournée. On voit, un peu beaucoup parfois Cocker, disserter, arpenter sa vile, rencontrer ses habitants avant le concert. Un triomphe pour ces héros qui, avec plus de 10 millions d’albums vendus, portèrent la Brit-pop au sommet des ventes entre 1990 et 2000 aux côtés de groupes tels que Oasis, des provinciaux de même extraction sociale, et Blur, des Londoniens plus arty. Si, musicalement, Pulp se situe à mi-chemin entre eux, sa culture penche plutôt vers les enfants terribles de Manchester. Et ce n’est pas un hasard si on retrouve ces trois groupes dans la bande-son de Trainspotting (1996), qui conte les tribulations tragico-comiques d’enfants perdus des années Thatcher désillusionnés par le blairisme. Comme disait Richard Hawley, musicien et fils de mineur de Sheffield, qui a joué avec Jarvis Cocker : « C’est important de réagir à ça. Je serai peut-être mort demain. Aller à la tombe sans avoir rien tenté pour changer les choses ? Non, ce n’est pas possible ».

Pulp. A Film About Life, Death and Supermarkets, de Florian Habicht, avec le groupe de rock Pulp et les habitants de Sheffield.
Sortie dans les salles françaises le 1er avril 2015.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante