Qu’est-ce qu’un « salaire décent » ? Sans définition unique, la notion fait couler de l’encre depuis que le fabricant de pneus Michelin a annoncé, le 17 avril, garantir un « salaire décent » (living wage en anglais) à ses 132 000 salariés dans le monde. L’industriel se réfère au Pacte mondial des Nations unies, datant de 2000, lequel évoque une rémunération permettant au travailleur de subvenir à ses besoins essentiels ‒ élargis à ceux de sa famille ‒, sans détailler les dépenses couvertes. Cette notion, basée sur les besoins et non sur un montant monétaire, se différencie du « salaire minimum légal ». Puisque celui-ci, propre à chaque État l’ayant institué, peut être insuffisant pour qu’un travailleur subvienne à ses besoins.
« Michelin s’est offert une belle opération de communication »
Mais c’est là l’origine du buzz. Car le « salaire décent » version Michelin, qui a été calculé avec l’ONG Fair Wage Network pour qu’un travailleur puisse couvrir les besoins essentiels (eau, alimentation, logement, transport, éducation) d’une famille de quatre personnes, mais aussi constituer une épargne de précaution et acquérir des biens de consommation, est en France supérieur au Smic (1 766,92 euros brut par mois ; 21 203 euros annuels). Il s’établit à 39 638 euros brut annuels à Paris, à 25 356 euros à Clermont-Ferrand. En tout cas, à l’échelle du groupe Michelin, l’impact concret de cette mesure est moindre que le raffut médiatique provoqué, son entrée en vigueur ayant conduit l’industriel à revaloriser les salaires de 7 000 salariés (5,3 % des effectifs) en trois ans. « Michelin s’est offert une belle opération de communication », note Karen Gournay, secrétaire confédérale FO à la négociation collective, rappelant que Michelin « a beaucoup délocalisé ces dernières années ». L’industriel promet un salaire décent, pas la pérennité de l’emploi fondant ce salaire.