Quand le numérique cache un renforcement du lien de subordination

Actualités par Evelyne Salamero

Matinale FO sur les « Nouveaux modes d’exercice de l’activité et d’organisation du travail », à Paris, le 7 février 2017. © F. BLANC

Après Le management au 21e siècle puis Les nouvelles formes d’emplois et d’entreprises, les Matinales des modes d’organisation du travail, initiées par la confédération FO en mai 2016, ont consacré leurs travaux du 7 février aux Nouveaux modes d’exercice de l’activité et d’organisation du travail.

Le Code du travail a explosé mais le lien de subordination n’a jamais été aussi puissant qu’à l’ère du numérique, a déclaré lors des Matinales de FO l’avocate France Charruyer, spécialiste du droit des affaires. Ces mots ont de quoi faire réfléchir.

À la faveur de l’entrée des outils numériques (smartphones, tablettes, ordinateurs portables…) dans les entreprises, l’organisation du travail est souvent bouleversée. Cette évolution, a souligné Jean-Claude Mailly en ouvrant les travaux, est à replacer dans le contexte de la financiarisation de l’économie et donc d’une pression toujours plus importante des actionnaires. Les nouveaux outils numériques mis au service d’une logique de rentabilité à court terme sont ainsi utilisés pour augmenter la productivité des individus dans le cadre d’une baisse des effectifs. Derrière une image de liberté plus grande, le salarié peut avoir une sensation d’astreinte permanente, a insisté le secrétaire général. On assiste à une augmentation de la charge de travail, une confusion entre vie personnelle et vie professionnelle, un isolement et une surveillance accrue des salariés, a précisé Marie-Alice Medeuf-Andrieu, la secrétaire confédérale organisatrice de ces Matinales.

Du temps de travail à la charge de travail : un dangereux glissement

Chantal Mathieu, maître de conférences en droit privé, a de son côté considéré que le droit doit acter un changement de paradigme puisque le temps de travail n’est plus exclusivement celui passé dans l’enceinte de l’entreprise. Il faut donc aussi prendre en compte la charge de travail. C’est alors à l’employeur qu’incombe la responsabilité d’organiser le travail de façon à ce que le projet professionnel du salarié n’étouffe pas ses projets de vie, tout en assurant le plein exercice de la liberté de se connecter ou pas », car bien souvent « le cadre veut rester connecté à son projet professionnel.

Le secrétaire confédéral Pascal Pavageau, en tant que témoin de la matinale, a justement souligné le danger de ce glissement car le temps de travail est collectif alors que la charge de travail est individuelle. Nous ne renvoyons pas chaque salarié à son propre sort au nom de la liberté, a-t-il indiqué, soulignant : L’arsenal du droit collectif est encore suffisant pour faire face à des situations individuelles très différentes, ce qui ne nous empêche pas de revendiquer de nouvelles dispositions pour le télétravail et le droit à la déconnexion. Si cela doit conduire à imposer des limites à certains travailleurs, ce sera le cas car il est pour nous exclu de sacrifier l’égalité à la liberté. 

 

Décryptage : Du télétravail ou du nomadisme ?
Les espaces de travail sont parfois aménagés de façon à accompagner le « nomadisme » des salariés qui travaillent à domicile, mais aussi dans les transports, les cafés, les hôtels... Le salarié n’a plus de poste de travail attitré et s’installe là où il trouve une place le matin en arrivant, a expliqué Roxane Kempler du cabinet Technologia. Au prétexte du télétravail, on réduit le nombre de places et certains se retrouvent sans bureau les jours où tout le monde est là, a-t-elle rapporté.

 

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante