Quelle est la liberté de l’employeur dans le choix d’une sanction disciplinaire ?

Droit disciplinaire par Patricia Drevon, Secteur des Affaires juridiques

Lorsque le salarié commet une faute clairement établie, l’employeur est libre de choisir la sanction qu’il inflige au salarié mais cette liberté est toutefois strictement encadrée.

L’employeur qui est soumis à l’obligation d’instituer un règlement intérieur (entreprise d’au moins 50 salariés) ne peut, en l’absence d’un tel règlement dans l’entreprise, prononcer aucune sanction disciplinaire autre que le licenciement (Cass. soc., 2-12-20, n°19-21292 ; Cass. soc., 23-3-17, n°15-23090).

Ainsi, lorsqu’il est tenu d’établir un règlement intérieur, l’employeur doit prévoir la nature et l’échelle des sanctions et il ne peut prononcer que les sanctions prévues dans ce règlement. Ce règlement intérieur ne peut prévoir des sanctions plus sévères que celles prévues dans la convention collective. S’agissant d’une mise à pied disciplinaire prévue par ce dernier, celle-ci n’est licite que si le règlement précise sa durée maximale (Cass. soc., 26-10-10, n°09-42740).

Si un avertissement n’est pas une étape préalable à une procédure de licenciement, un règlement intérieur peut conditionner la validité d’un licenciement à la notification préalable d’un tel avertissement (Cass. soc., 10-7-19, n°18-13893).

L’employeur prononçant une mise à pied disciplinaire peut décider de fractionner l’exécution de celle-ci. Le fait que le salarié soit placé en arrêt maladie le jour où doit commencer une mise à pied disciplinaire décidée antérieurement par l’employeur ne permet pas à ce dernier d’en différer l’exécution à l’issue de l’arrêt maladie (Cass ; soc., 21-10-03, n°01-44169).

Un salarié ne peut refuser d’exécuter une sanction disciplinaire qui ne modifie pas son contrat de travail.

L’employeur ne peut infliger une sanction qui modifie le contrat de travail d’un salarié sans obtenir son accord. L’employeur doit, lorsqu’il notifie au salarié une sanction modifiant son contrat de travail, l’informer de sa faculté d’accepter ou de refuser cette modification (Cass. soc., 28-4-11, n°09-70619). L’absence de cette information peut permettre au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail (Cass. soc., 28-4-11, n°09-70619). Un employeur qui applique immédiatement une rétrogradation ou toute autre sanction modifiant le contrat de travail du salarié, sans recueillir préalablement son accord, épuise son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les mêmes faits, aucun fait fautif ne pouvant donner lieu à une double sanction (Cass. soc., 17-6-09, n°07-44570).

Si le salarié refuse la sanction modifiant son contrat de travail, l’employeur peut toujours prendre une autre sanction qui peut être un licenciement disciplinaire (y compris pour faute grave) si les faits reprochés à l’origine le justifient, ou une sanction plus légère.

Dans ce cas, il doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien dans un délai de deux mois, ce délai courant à compter de la date à laquelle le salarié a refusé la sanction (Cass. soc. 11-2-09, n°06-45897 ; Cass. soc., 28-4-11, n°10-13979). A noter que le licenciement prononcé à la place de la sanction refusée ne peut être fondé sur le refus de la modification, celui-ci n’étant pas fautif (Cass. soc., 27-3-07, n°06-42113).

Un salarié qui accepte une rétrogradation ou une mutation comme sanction disciplinaire, modifiant un élément essentiel de son contrat de travail, reste en droit de contester ultérieurement la régularité et le bien-fondé de la sanction (Cass. soc., 14-4-21 n°19-12180).

La sanction prononcée par l’employeur doit être proportionnée à la faute commise. Si la sanction est disproportionnée, le CPH ne peut prendre une autre sanction en lieu et place de celle prononcée par l’employeur (Cass. soc., 16-12-03, n°01-46553) mais il peut l’annuler.

Si la sanction est annulée par le CPH en raison de son caractère disproportionné, l’employeur a la possibilité, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un licenciement, de prendre une autre sanction moins importante dès lors qu’il notifie celle-ci dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision d’annulation de la précédente sanction (Cass. soc., 4-2-93, n°88-42599). Toutefois, lorsque la sanction a été annulée pour une irrégularité de procédure, l’employeur ne peut reprendre la procédure et prononcer une nouvelle sanction dans l’hypothèse où l’annulation repose sur un défaut d’entretien préalable (Cass. soc., 18-1-95, n°90-42087).

Face à une faute justifiant un licenciement, l’employeur peut toujours décider d’infliger au salarié une sanction moindre que la faute commise.

Pour un même fait fautif, il peut sanctionner différemment des salariés du moment que l’individualisation de la sanction repose sur des critères objectifs exempts de toute discrimination (ancienneté, passé disciplinaire de chaque salarié, part prise par chaque salarié dans la faute...) : Cass, soc, 21-11-18, n°17-25761.

En effet, s’il est permis à l’employeur, dans l’intérêt de l’entreprise et dans l’exercice de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires, de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute et si le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas, en soi, une discrimination au sens de la loi, cette individualisation doit être justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ou détournement de pouvoir, les juges du fond appréciant souverainement cette justification (Cass. soc.,17-9-25, n°23-22456).

Patricia Drevon Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.