Recherche : mobilisation historique pour les salaires au CEA

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

© C. JOSSELIN

Près de 700 salariés du CEA se sont rassemblés le 22 mars devant le ministère de l’Economie et des Finances à Paris, à l’appel d’une intersyndicale intégrant FO. Ils exigent une véritable revalorisation des salaires après treize ans de gel de la valeur du point d’indice. Les dernières propositions de la direction générale, représentant une augmentation générale de 0,9%, ont attisé leur colère, d’autant plus dans un contexte d’inflation galopante.

Non à l’atomisation de nos salaires indique la banderole accrochée devant le ministère de l’Economie et des Finances, à Paris. Près de 700 salariés du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), venus de toute la France, ont crié leur colère le 22 mars sous les fenêtres de Bercy, à l’appel d’une intersyndicale comptant FO.

Ce même jour, des actions ont aussi été organisées localement, sur les différents sites, pour les salariés qui n’ont pas pu se rendre dans la capitale. Les manifestants, pour la plupart des chercheurs qui descendent rarement dans la rue, n’ont qu’une revendication : une revalorisation décente de leurs salaires, gelés depuis treize ans.

De mémoire de militants, la dernière manifestation de cette ampleur remonterait à 2005, déjà sur les salaires, et auparavant à 2001, lors de la mise en place des 35 heures. Toutes les organisations syndicales qui se mobilisent ensemble de cette manière, c’est historique, estime pour sa part Yann Perrotte, responsable de la branche Atome à la Fédéchimie-FO.

Cela fait plusieurs mois que la colère monte sur tous les sites du CEA, civils comme militaires. Trois journées de mobilisation nationale ont déjà donné lieu à des actions localement, avec des taux importants de grévistes rarement atteints dans l’établissement.

L’intersyndicale exige 60 points supplémentaires pour tous, la direction n’en accorde que six

Le CEA compte 20 000 salariés, répartis sur 9 sites en France. Il intervient dans quatre domaines : la recherche fondamentale (biologie, nucléaire civil…), la recherche technologique (semi-conducteurs, hydrogène, solaire…), les énergies (les centrales nucléaires, pôle récemment rebaptisé énergies renouvelables) et les applications militaires (dissuasion nucléaire).

Il s’agit d’un établissement public industriel et commercial (EPIC), relevant du droit privé, mais dont les budgets dépendent de l’État à 90%. Les salaires sont donc arbitrés par Bercy, et soumis à la RMPP (rémunération moyenne des personnes en place). Comme dans la fonction publique, la rémunération repose sur une grille en points, et sur une valeur du point d’indice. Or cette dernière est gelée depuis 2009.

Depuis treize ans, l’augmentation salariale n’est plus qu’individuelle, en fonction d’avancements définis dans l’accord d’entreprise, explique Olivier Chaumont, coordinateur FO au CEA. La situation est telle que les embauches deviennent difficiles, faute d’attractivité salariale. Les démissions commencent aussi à faire leur apparition au CEA. Pour la première fois certains salariés sont en difficulté financière, il y a des dossiers sociaux que nous n’avions pas avant, poursuit Olivier Chaumont.

Pour rattraper les pertes de salaire accumulées depuis 2009, l’intersyndicale revendique, pour chaque salarié, l’ajout de 60 points dans la grille. Elle demande aussi une augmentation de 10% de la valeur du point d’indice. Il s’agit à la fois de reconnaître l’engagement des salariés ces dernières années et d’améliorer l’attractivité de l’emploi au sein du CEA.

Or les dernières propositions de la direction générale, le 15 mars, ont porté sur une enveloppe globale de 9 millions d’euros, soit une hausse de 6 points par salarié, autrement dit 30 euros par mois dans le meilleur des cas. Cela correspond à une augmentation générale de 0,9%, dans un contexte d’inflation galopante qui dépasserait les 4% fin mars selon l’Insee. Une telle proposition, c’est indécent, réagit Cédric, militant FO venu de Bordeaux pour manifester à Paris.

L’action va se poursuivre

Les salariés sont d’autant plus remontés qu’il existe désormais une rémunération à deux vitesses en fonction de l’ancienneté. La faiblesse des salaires rendant le CEA moins attractif que l’industrie auprès des candidats, la direction générale a décidé unilatéralement en novembre dernier d’accorder 40 points supplémentaires aux nouveaux embauchés, poursuit Olivier Chaumont. C’est bien la preuve qu’il y a un problème et cette situation a créé un sentiment de frustration et d’inégalité car un nouveau diplômé est désormais payé au même niveau qu’un salarié avec quatre ans d’ancienneté.

Selon le militant, pour attirer des salariés expérimentés, la direction avait déjà tendance à « tricher » depuis quelques années en gonflant la prime d’ancienneté des candidats. Tant mieux pour les nouveaux embauchés, mais tout le monde doit être sur un même pied d’égalité et avoir 40 points, estime un manifestant. Et si on ne dégèle pas en parallèle la valeur du point, les nouveaux embauchés seront dans notre situation dans dix ans et de nouveau le CEA ne sera plus attractif, alerte Cédric.

Une délégation de l’intersyndicale a été reçue à Bercy en milieu d’après-midi par le conseiller du secrétaire d’État à l’Industrie. Il nous a dit qu’il comprenait la situation mais que les budgets étaient bloqués à l’approche de l’élection présidentielle et qu’il faudrait voir avec le prochain gouvernement, résume Olivier Chaumont à la sortie de l’entrevue. Alors notre mot d’ordre, c’est on ne lâche pas et l’action va continuer.

© UNSENRIC FO

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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