Dans un contexte de début de mandat présidentiel, l’importance et la sensibilité des sujets qui relèvent de cette commission supposent que le gouvernement associe dès son arrivée les partenaires sociaux à ce chantier.
On peut lire ce conseil dès les premières pages du document qui dessine l’architecture de la future commission chargée de réécrire la partie législative du Code du travail. Une nouvelle instance prévue par la loi Travail, qui doit réunir une quinzaine de magistrats, d’universitaires et de praticiens (avocats, DRH, experts comptables, conseillers juridiques, représentants de services déconcentrés).
Rédigé par France Stratégie, la date de la remise du rapport à Bernard Cazeneuve a coïncidé avec les dernières heures de la campagne présidentielle, soit deux jours avant l’élection d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Puis, le document a été mis en ligne le 9 mai.
D’emblée, les rédacteurs du document ont tenu à souligner le rôle crucial des partenaires sociaux dans le processus de réécriture du Code du travail : Il serait souhaitable qu’avant le lancement de ces travaux [le gouvernement] concerte [les partenaires sociaux] tout d’abord sur les réformes importantes qu’il souhaite réaliser sur les sujets relatifs au Code du travail, ainsi que sur les objectifs et la nature des travaux qu’il entend confier à cette commission.
Le sens du terme « simplification »
S’agira-t-il d’une simplification
technique qui intégrerait les jurisprudences bien établies ou s’agira-t-il d’une opération plus vaste qui supprimera ou modifiera des dispositions légales ? L’organisme de concertation et de réflexion rattaché à Matignon demande que le gouvernement réponde préalablement à cette question en précisant ses intentions et le sens qu’il accorde à l’expression simplification
et le mandat donné à la commission. Car le chantier est d’ampleur tant la simplification
du Code du travail est un travail de précision. Aussi, préviennent les rédacteurs du rapport, avant de débuter, le gouvernement doit également être plus explicite sur l’ampleur qu’il veut donner à un renforcement de la négociation collective et en particulier la part respective assignée aux deux niveaux de la négociation, branche et entreprise.
Plusieurs hypothèses
Une dernière demande de précision concerne les modalités de la concertation avec les partenaires sociaux. France Stratégie a mis sur la table plusieurs hypothèses nécessitant un dialogue avec les syndicats et les organisations patronales. Avec au centre des préoccupations, l’utilisation ou non de l’article L. 1 de la loi Larcher qui prévoit depuis 2007 que tout projet de réforme envisagé par le gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs.
La seule hypothèse ne convoquant pas l’article L. 1 met en scène une simplification qui ne concerne que les dispositions relevant de l’ordre public, c’est-à-dire les dispositions de niveau législatif (définitions, principes, socles de droits minimaux auxquels il ne peut être dérogé).
Plusieurs options
Mais, rappelle France Stratégie, la procédure prévue par l’article L. 1 est nécessaire si l’on considère qu’il s’agit d’abord de fixer le niveau de la négociation (entre les branches et les entreprises)
. Dans ce cas, plusieurs options se présentent :
● Que les partenaires sociaux ouvrent éventuellement une négociation ou adoptent une délibération, en amont des travaux de la commission. Le gouvernement pourrait appliquer l’article L. 1 soit une fois au début du processus, soit avant l’examen de chaque grand thème. Dans cette hypothèse, les partenaires sociaux se prononceraient sur leur volonté ou non, sur chaque thème, de négocier sur le travail de ré-ordonnancement des niveaux d’élaboration des normes ou sur un sujet directement en lien avec le thème étudié ;
● Que cette procédure soit appliquée en aval du processus de réécriture effectué par la commission. Un document d’orientation serait envoyé aux partenaires sociaux avec le résultat des travaux de la commission, lesquels auront néanmoins bénéficié d’un mécanisme de concertation au fil de l’eau avec le Haut conseil du dialogue social (HCDS).
Le calendrier des négociations de branche
Dans le mécanisme de la concertation imaginé par France Stratégie, le HCDS semble tenir une place centrale et l’association des partenaires sociaux, en continu, aux travaux de la commission, par le biais du HCDS, pourrait valoir application de l’article 1 du Code du travail.
Enfin, France Stratégie préconise que le calendrier de la commission s’articule avec celui des partenaires sociaux, et notamment celui des négociations de branches. Pour ce faire, il pourrait être envisagé d’allonger le délai laissé aux négociations de branche, pour que celles-ci tiennent compte du travail de réécriture accompli par la commission.
Projet de loi ou ordonnance
À l’issue des travaux, France Stratégie propose plusieurs options pour légiférer : une délibération unique du Parlement sur l’ensemble du texte. Ou plusieurs passages devant le Parlement, au fur et à mesure de l’élaboration des textes qui déboucheraient sur un ou plusieurs projets de loi, ou sur une ordonnance.
France Stratégie préconise que la commission débute ses travaux avant l’été. La loi Travail a été très claire sur la date limite de rendu : au plus tard le 8 août 2018 et les membres de la commission ne chômeront pas durant l’année qu’il leur reste pour boucler le chantier. Reste à savoir si le calendrier du nouveau gouvernement correspond avec celui proposé par son organisme de réflexion et de concertation.