Réforme de l’Assurance chômage : FO vent debout

Les articles de L’InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

Huit organisations syndicales, dont FO, ont appelé l’exécutif à renoncer à sa nouvelle réforme de l’Assurance chômage. Dans un communiqué commun publié le 12 juin, elles dénoncent la réforme la plus violente jamais vue, qui vise à durcir encore les règles d’indemnisation dans le but de réaliser plusieurs milliards d’euros d’économies par an.

Économique, injuste et inacceptable, c’est ainsi que le secrétaire général de FO a qualifié la nouvelle réforme de l’Assurance chômage voulue par l’exécutif. Frédéric Souillot s’exprimait lors d’une conférence de presse des cinq leaders des organisations syndicales représentatives, organisée le 11 juin au CESE, en présence d’économistes. Le lendemain, huit organisations syndicales, dont FO, ont appelé le gouvernement à renoncer à la réforme la plus inutile, la plus injuste et la plus violente jamais vue.

L’accès à l’indemnisation chômage serait une nouvelle fois durci. La durée de travail nécessaire pour ouvrir des droits passerait de 6 à 8 mois sur une période de référence raccourcie, de 24 à 20 mois. Dans le même temps, la durée maximale d’indemnisation passerait de 18 à 15 mois (et de 27 à 22,5 mois pour les plus de 57 ans). Une réforme qui, selon les huit organisations syndicales, pourrait exclure de tout droit, particulièrement, des jeunes, des seniors, des femmes à temps partiel....

Initialement, la mise en œuvre de ces nouvelles règles devait se faire par décret ― que FO a promis d’attaquer dès sa parution ― pour une application au 1er décembre. Le projet de texte, présenté le 4 juin aux interlocuteurs sociaux, est actuellement entre les mains du Conseil d’État.

La dissolution de l’Assemblée nationale (décret signé le 9 juin par le président de la République) a empêché l’examen, quatre jours plus tard, de la proposition de loi portée par le groupe Liot, avec le soutien des organisations syndicales, et qui visait à contrer la réforme. Ce texte, validé par la commission des Affaires sociales contre l’avis du gouvernement, s’il avait été adopté par les députés, aurait entravé la manœuvre gouvernementale.

Depuis, l’exécutif, en campagne pour les législatives, avance tout en entretenant le flou. Le 12 juin, le chef de l’État, Emmanuel Macron, a dit assumer la réforme mais être ouvert sur les modalités de mise en œuvre. Le lendemain, le Premier ministre, Gabriel Attal, a assuré que le décret serait pris d’ici au 1er juillet. En omettant de préciser que les règles actuelles expirant le 30 juin, il est nécessaire de les prolonger afin que les demandeurs d’emploi puissent continuer à être indemnisés.

Le chômage repart à la hausse

L’objectif affirmé jusque-là par l’exécutif est d’atteindre le plein-emploi en 2027, or le taux de chômage repart à la hausse. L’impact positif sur l’emploi des précédentes réformes n’ayant pas été prouvé, il aurait été logique de ne pas poursuivre en ce sens et de mettre l’accent sur une amélioration des conditions de travail et des qualifications, estiment les syndicats.

Le gouvernement, qui n’a pas fourni d’étude d’impact, agit dans une logique financière. Il a annoncé 3,6 milliards d’euros d’économies par an. De son côté, l’Unédic, gestionnaire de l’Assurance chômage, évalue les économies liées à cette réforme entre 4 et 5,4 milliards d’euros par an en rythme de croisière.

Ces économies se feraient uniquement sur le dos des demandeurs d’emploi, dont 38 % seulement sont indemnisés selon les syndicats. Les dernières réformes ont entraîné, depuis 2019, une baisse de 17 % du montant des allocations, pour une durée moyenne d’indemnisation raccourcie de 25 %. Alors que le seuil de pauvreté s’établit à 1 158 euros, l’allocation moyenne de l’Assurance chômage est de 1 022 euros, a souligné Frédéric Souillot.

L’Unédic a quant à elle revu ses prévisions financières à la baisse du fait de la moindre compensation des exonérations de cotisations, et cela à hauteur de 12 milliards d’euros, à destination de l’Assurance chômage entre 2023 et 2026, pour financer France Travail. Le solde du régime, attendu à 3,6 milliards d’euros en 2024, tombe à 0,9 milliard. La dynamique de désendettement est également ralentie, la dette étant désormais estimée à 38,2 milliards d’euros fin 2027 (contre 25,2 milliards sans les prélèvements de l’État).

Assurance Chômage : l’appauvrissement sera le premier effet de la réforme, selon des chercheurs

Lors de la conférence de presse organisée le 11 juin au Cese, les leaders des cinq organisations syndicales représentatives, dont Frédéric Souillot pour FO, avaient convié quatre économistes et chercheurs, invités à analyser la logique et l’impact des récentes réformes de l’Assurance chômage.

Frédéric Souillot a rappelé qu’être au chômage ou au RSA n’était pas un choix, indiquant que Force Ouvrière combattra les décrets que le chef du gouvernement annonce pour le 1er juillet.

Michaël Zemmour, enseignant-chercheur à l’université Lyon-2, a souligné la transformation importante du système de protection sociale et de l’Assurance chômage. Les précédentes réformes, ainsi que celle qui vient d’être annoncée, représentent entre 10 et 12 milliards d’euros d’économies sur les prestations versées aux demandeurs d’emploi, soit une réduction de l’ordre d’un quart du budget de l’assurance chômage à un rythme extrêmement rapide, a-t-il ajouté. Du jamais vu.

Le chercheur a également pointé le changement de logique de l’Assurance chômage, qui devait à l’origine permettre de sécuriser le revenu en cas de perte d’emploi et de rechercher un emploi correspondant à sa qualification. Les réformes ont tendance à dénaturer cette approche et à faire de l’Assurance-chômage un instrument de gouvernement du marché du travail, a-t-il ajouté.

Selon l’économiste, le premier effet de la réforme est sans aucun doute la diminution du niveau de vie des personnes impactées, notamment les jeunes, les précaires et les seniors. Il y a un effet d’amplification de la réforme des retraites, on attend le creusement d’une poche de précarité chez les seniors qui ne sont ni en emploi, ni en retraite, particulièrement nombreux chez les ouvriers, les employés et les femmes, a-t-il poursuivi.

La précarité agit plutôt comme une prison que comme un tremplin

Claire Vivès, sociologue au CNAM, dresse le même constat d’un appauvrissement des allocataires. Le postulat du gouvernement est de considérer que les personnes privées d’emploi sont responsables de leur situation, par défaut de motivation ou excès d’exigence. Il devient donc légitime d’appauvrir les chômeurs afin de les inciter – entendre contraindre - à reprendre un emploi, a-t-elle expliqué.

Autre principe que semble poser le gouvernement, pousser les chômeurs à prendre un n’importe quel emploi à conditions moins disantes serait leur mettre le pied à l’étrier pour aller vers un meilleur emploi plus tard. Or les études démontrent que la précarité agit plutôt comme une prison que comme un tremplin, a ajouté la sociologue. Une illustration de cette logique est le bonus emploi senior que le gouvernement souhaite mettre en place pour encourager les demandeurs d’emploi à accepter un emploi moins bien rémunéré que le précédent. On en vient à délégitimer les exigences des demandeurs d’emploi en termes de rémunération ou de temps de travail, a constaté Claire Vivès.

Bruno Coquet, chercheur associé à l’OFCE, a souligné l’absence de bilan concernant les réformes menées depuis 2017, alors même que la loi Avenir professionnel de 2018 prévoyait que le gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport sur la gestion de l’Assurance chômage. Il a également rappelé la bonne santé financière du droit commun de l’Assurance chômage, excédentaire depuis 1997.

Quant à la réforme, il s’agit plutôt selon lui d’une coupe dans les droits. Les chômeurs sont poussés à la reprise d’emploi par leur appauvrissement, on ne touche pas aux conditions d’emploi ou de travail, a-t-il ajouté. D’ailleurs on ne nous dit pas pourquoi les 60% de chômeurs non indemnisés ne reprennent pas d’emploi. Et changer les règles d’Assurance chômage ne va rien changer pour ces gens-là.

Être au chômage augmente la mortalité

Enfin Dominique Lhuillier, psychologue du travail au CNAM, s’est penchée sur la santé des chômeurs, une problématique qu’elle souhaiterait voir figurer dans la réforme de l’Assurance chômage. Les quelques chiffres disponibles montrent que la mortalité des chômeurs est supérieure de 60% à celle des non-chômeurs et que 14 000 décès sont imputables chaque année au chômage. Être au chômage multiplie les risques de suicide, de mortalité par cancer, d’AVC ou d’épisodes dépressifs. La santé dépend des conditions de vie et près de la moitié des personnes sans emploi vivent sous le seuil de pauvreté, a-t-elle ajouté.

La chercheuse a également souhaité mettre la santé des chômeurs en perspective avec les transformations massives que connaît le travail aujourd’hui, avec toujours plus d’intensification, de précarisation et d’individualisation. La fragilisation de la santé au travail peut conduire à la porte du chômage, a-t-elle rappelé.

Dominique Lhuillier craint que la réforme voulue par le gouvernement ne dégrade encore cette situation. Si les chômeurs sont poussés à prendre n’importe quel travail, y compris non compatible avec leur état de santé, ils ne tiendront pas, et reviendront avec une santé encore plus abîmée, a-t-elle alerté. Un cercle vicieux dans un contexte où la fin de l’indemnisation des arrêts maladie de moins de huit jours est en débat. Aller travailler en étant malade conduit à des arrêts longs et à des licenciements pour inaptitude, qui sont de plus en plus nombreux, a-t-elle ajouté.

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Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération