Réforme de l’Assurance-chômage : le gouvernement malmené devant le Conseil d’Etat

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

Les demandes de suspension du décret réformant l’Assurance chômage, portée par la majorité des centrales syndicales dont FO, ont été examinées le 10 juin par le Conseil d’État. Le représentant du ministère du Travail, qui a parfois peiné à répondre devant la haute juridiction, a jusqu’au 15 juin pour apporter des éclaircissements sur ses positions. La juge devrait rendre sa décision dans les jours suivants.

Le bras de fer n’est pas terminé entre les organisations syndicales et le gouvernement sur la mise en place de la réforme de l’Assurance chômage qui pourrait durcir les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi dès le 1er juillet prochain. Le 10 juin, le Conseil d’État a examiné en référé les demandes de suspension du décret du 30 mai qui cadre cette réforme. Les organisations syndicales, parmi lesquelles FO, ont plaidé les effets graves et immédiats de la réforme pour justifier l’urgence de leurs demandes.

Les débats ont duré plus de trois heures. Selon l’AFP, le principal représentant de l’exécutif (le directeur des affaires juridiques des ministères sociaux) s’est retrouvé sur la défensive face à la juge et aux accusations portées par les avocats des syndicats. A plusieurs reprises, le représentant du gouvernement (..) a été mis en difficulté, ne pouvant répondre précisément ou se retrouvant incapable de contrer les arguments de ses adversaires, détaille Médiapart. Selon Le Monde, la magistrate s’est elle-même déclarée un peu dubitative quant à certaines explications du gouvernement.

Les syndicats dénoncent le durcissement des règles de calcul du salaire journalier de référence (SJR). L’intégration des périodes non travaillées dans la période de référence fera automatiquement baisser le montant de l’indemnisation des travailleurs les plus précaires qui cumulent les contrats courts, et créera une rupture d’égalité entre les demandeurs d’emploi.

Une allocation plus faible de 17% en moyenne

En novembre dernier, suite à un recours porté par quatre organisations syndicales dont FO, le Conseil d’État avait déjà fait annuler un premier décret, en estimant que la réforme pouvait créer une différence de traitement disproportionnée entre deux demandeurs d’emploi ayant travaillé une même durée mais selon un rythme différent. Les écarts pouvaient aller du simple au quadruple. FO avait également alerté sur le fait que ces nouvelles modalités de calcul pouvaient pénaliser les personnes en congé maternité, en maladie ou en activité partielle.

Depuis, deux décrets rectificatifs ont été pris par l’exécutif : l’un met en place un plancher pour restreindre la baisse de l’allocation ; l’autre consiste à reconstituer un salaire fictif pour les périodes spécifiques où la rémunération est neutralisée.

Malgré ces modifications, les syndicats maintiennent leurs accusations. Selon une étude de l’Unedic, la réforme pourrait impacter négativement 1,15 million de personnes qui ouvriront des droits dans l’année suivant le 1er juillet. Ils toucheraient une allocation mensuelle plus faible de 17% en moyenne pour une durée d’indemnisation quelque peu rallongée. Les syndicats ont également rappelé que la multiplication des contrats courts était majoritairement subie par les salariés, qui n’étaient pas en position de force face aux employeurs.

Les employeurs ne seraient pas concernés par le bonus-malus avant septembre 2022

Le représentant du ministère du Travail a fait part d’une divergence d’analyse avec l’Unedic, ce qui a laissé la juge dubitative, selon l’AFP. Il a aussi tenté de défendre le caractère global de la réforme, qui comprend une dégressivité de l’indemnisation des plus hauts salaires et la mise en place d’un bonus-malus sur les cotisations patronales dans certains secteurs. Mais ce dernier ne sera pas effectif avant septembre 2022, comme le dénonce régulièrement FO.

Ce découplage entre l’entrée en vigueur immédiate du nouveau mode de calcul du SJR impactant les demandeurs d’emploi et l’application dans plus d’un an des mesures concernant les employeurs a aussi fait débat.

Selon Le Monde, la juge s’est demandé si la lutte contre la permittence pouvait être menée dans le contexte actuel de crise, où les entreprises peuvent difficilement proposer autre chose que des contrats courts.

A l’issue de l’audience, la magistrate n’a donné aucune date de rendu de la décision. Avant de statuer, elle attend des explications complémentaires de la part du ministère du Travail, au plus tard pour le 15 juin. Une suspension de la réforme entraînerait un nouveau report de sa mise en place. Le cas échéant, la haute juridiction aura ensuite plusieurs mois pour examiner l’affaire sur le fond.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération