Le 1er septembre, jour de la rentrée des classes, Elisabeth Bornes, ministre de l’Éducation nationale du gouvernement Bayrou, désormais démissionnaire, estimait que 2 500 enseignants manquaient à l’appel. De quoi favoriser les dysfonctionnements dans les établissements scolaires, mais aussi les inégalités entre les élèves. Car un élève qui n’a pas de professeur de Français ou de maths à la rentrée, c’est un élève qui n’aura pas le même nombre d’heures d’enseignement qu’un autre
, remarque la Fédération. C’est encore plus frappant dans le premier degré où les élèves sont dispersés dans les autres classes. Les enseignants se retrouvent donc avec des classes surchargées et les conditions d’apprentissage se dégradent pour tous
, souligne Clément Poullet, secrétaire général de la FNEC FP-FO.
Cette pénurie de professionnels semble organisée. Ainsi, alors que le métier d’enseignant connaît une crise de l’attractivité, et depuis des années, rien n’est fait jusqu’à présent pour améliorer les conditions de travail, de rémunération et de formation. Illustration par un bilan : en 2025, après la tenue des concours de recrutement, 1 700 postes demeurent non pourvus. Si le ministère a souligné que ces postes non pourvus sont deux fois moins nombreux qu’en 2024, c’est avant tout car moins de postes ont été ouverts par rapport à l’année dernière. Dans le second degré, le nombre de postes total a baissé de 11 %. Les listes complémentaires à ces concours ont été diminuées, et ce alors que l’on manque de professeur des écoles,
A noter aussi que le chiffre de 2 500 évoqué par la ministre ne prend pas en compte les autres types de personnels alors qu’ils sont bien sûr essentiels aux établissements scolaires, souligne Agnès Andersen, à la tête du syndicat ID-FO (personnels de direction). La militante cite par exemple le domaine de la vie scolaire où le nombre insuffisant d’AED et de CPE ne permet pas toujours d’assurer la sécurité et le bien-être des élèves. Idem avec la médecine scolaire et le social qui demeurent exsangues. Quant aux personnels administratifs, ils manquent aussi : Dans les académies, on peut lire des appels sur les boîtes mails des établissements cherchant qui un ou une secrétaire de direction, de gestion. Qui un ou une secrétaire générale,…
, témoigne-t-elle. Dans le même temps, le transfert vers les établissements des tâches des services académiques, exsangues eux aussi à la suite des diminutions d’effectifs, surcharge les personnels. Au sein de l’académie de Nantes par exemple, ce sont désormais les établissements qui gèrent les contractuels, et plus le rectorat
, témoigne Cathy Rodier Hagenbach d’ID-FO.
L’école inclusive, première victime de l’austérité
Dans ce contexte, l’austérité se fait sentir dans tous les établissements, et l’une des grandes victimes de cette austérité budgétaire, c’est bien l’école inclusive. Dans les écoles, les collèges et les lycées professionnels, des élèves qui devraient être scolarisés en établissement et service médico-social (ESMS) se retrouvent en classe ordinaire par manque de places dans les structures spécialisées. Le ministère avance le chiffre de 24 000 élèves dans ces situations,
Pour le militant, ces situations dramatiques sont le fruit des politiques budgétaires : on sait qu’un élève scolarisé en IME coûte 7 fois plus qu’un élève en classe ordinaire
. C’est donc une inclusion à marche forcée, sans les moyens nécessaires, que subissent les enseignants et leurs élèves.
La réponse de l’État à la pénurie de places en ESMS et des enseignants spécialisés ? Tout ouvrir et mutualiser. C’est le projet IME dans les murs qui consiste à placer ces établissements spécialisés au sein des établissements scolaires. Nous on parle d’IME dans le mur
, grince Christophe Lalande. Comme au Havre où il est prévu d’installer un IME de 78 élèves au sein d’un groupement scolaire de 300 élèves. Comment favoriser l’accès aux structures de soins pour ces élèves en situation de handicap dans une école simple ? D’autant que, sans moyens dédiés, il y a un risque de dégradation des conditions d’apprentissage pour tous.
Un épuisement des personnels qui s’aggrave
L’austérité budgétaire jusque-là poursuivie impacte également les rémunérations des personnels. En l’absence de revalorisation salariale et avec le gel du point d’indice, les enseignants perdent en pouvoir d’achat. Et cela n’aide pas à l’attractivité de la profession
, précise Clément Poullet. Il en est des enseignants comme de tous les personnels de l’Education et plus largement de tous les agents publics. Depuis 2000, le pouvoir d’achat du point d’indice (base de traitement des agents) a reculé de 31,5 %, selon les calculs de l’Union interfédérale de la Fonction publique FO (UIAFP FO).
Alors que l’on a de moins en moins de moyens pour fonctionner, on demande de plus en plus aux personnels, dénonce aussi Agnès Andersen. La longue liste des nouvelles commandes de la rentrée génère du découragement et de la colère.
Il faut dire que, depuis plusieurs années, les personnels de l’Education n’ont pas connu une rentrée scolaire sans nouveautés et changements. En primaire, il y a eu les dédoublements des classes en REP, au collège, les groupes de besoins et au lycée, les innombrables changements de la réforme de la filière générale et de Parcoursup. Sans compter le lycée professionnel où la réforme s’est soldée au mois de juin par un taux d’absentéisme important
, souligne Nicolas Carli Basset d’ID-FO. Pour cette année, sont prévues une nouvelle version du diplôme national du brevet mais aussi une modification des modalités d’évaluation pour le bac général, annoncée par Elisabeth Borne quelques jours avant la rentrée.
Ce mille-feuille de réformes qui s’empilent, cela conduit à de la maltraitance institutionnelle, alerte Agnès Andersen. Cela crée de l’instabilité qui génère un épuisement des personnels mais aussi beaucoup de stress pour les familles.
Pour ID-FO, il faut désormais une vraie évaluation des réformes et sortir du dogmatisme
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