Restructuration du groupe Barrière : FO pleinement investie dans la défense des salariés

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

© Frederic MAIGROT/REA

Le groupe de casinos, qui a engagé fin 2020 une restructuration avec la suppression de 180 postes et d’acquis pour l’ensemble des salariés, voit cette mise en œuvre entravée par des décisions administratives et judiciaires favorables aux salariés. FO appelle à une sortie de crise négociée.

Après plus de six mois de fermeture administrative en raison de la crise sanitaire, les casinos français ont rouvert partiellement leurs portes depuis le 19 mai, avec une jauge de 35 % de visiteurs et uniquement pour les machines à sous et jeux électroniques. Mais cette reprise se fait dans un contexte très particulier pour le numéro un du secteur, le groupe familial Barrière (26 casinos, 14 hôtels de luxe en France, 120 restaurants) qui a vu, depuis avril, les décisions, de nature judiciaire et administrative, tomber dru, et entraver le plan de restructuration engagé fin 2020. Condamnation sur la proratisation du 13e mois, refus d’homologation du plan social de son plus gros établissement français à Enghien-les-Bains (Val-d’Oise) visant 69 suppressions d’emplois (11 % des effectifs) : toutes sont favorables aux intérêts des salariés.

Cette convergence de décisions ne surprend pas Jean-Christophe Tirat, secrétaire fédéral au titre de la section Casinos & Clubs de jeux de la FEC-FO.  FO a toujours indiqué en amont de ces projets inacceptables, qu’ils représentaient un risque, tant ils étaient montés à la hâte, et non conformes aux accords conventionnels applicables et à l’état de droit, rappelle le représentant du premier syndicat du secteur, qui dénonce  l’effet d’aubaine de la crise sanitaire et  une restructuration opportuniste. Elle vise la suppression de 180 postes, au total, mais aussi d’acquis pour les 6 000 salariés.

L’unique raison pour laquelle le groupe a décidé de suspendre les droits des salariés, tout en procédant à des licenciements de masse, c’est pour faire des économies... alors que les salariés, en chômage partiel depuis fin 2020, ne génèrent pas de coûts !, dénonce le militant. Le groupe a motivé sa décision par la chute de son chiffre d’affaires 2020 (665,8 millions d’euros), en baisse de 27 % comparé à 2019. Après avoir obtenu 120 millions d’euros de liquidités via deux prêts garantis par l’État, il en a négocié un troisième, en avril, de 50 millions d’euros.

L’intégralité du 13e mois sera versée en 2021

Les jugements prononcés montrent le jusqu’au-boutisme du groupe. Ainsi, du choix d’amputer le 13e mois, en déduisant les jours d’activité partielle des périodes de présence pris en compte dans le calcul de la prime. Une décision unilatérale faisant fi des accords d’entreprise, notamment de la charte de reprise du travail négociée en mai 2020 et prévoyant bien la prise en compte des jours d’activité partielle dans le calcul de la prime. Elle est très pénalisante pour les salariés qui ont multiplié les périodes d’activité partielle du fait de la crise (ils ont été en activité partielle du 15 mars au 11 mai 2020 et à partir du 30 octobre 2020, NDLR).

Impossible, a tranché le tribunal judiciaire de Pontoise, saisi notamment par FO : le 13 avril, il a rendu un jugement contraignant le groupe Barrière à verser l’intégralité du 13e mois. L’impact est énorme. En 2021, les salariés toucheront bien leur 13e mois, malgré tous les mois d’activité partielle, souligne le militant FO. Pour recouvrer le reliquat de la prime du 13e mois due en 2020, les salariés devront néanmoins porter l’affaire devant le conseil des Prud’hommes. Mais elle n’est pas close, le groupe Barrière ayant décidé de faire appel du jugement.

PSE d’Enghien-les-Bains : des mesures insuffisantes au regard de la capacité financière

Quant au refus de l’administration du Travail d’homologuer le document unilatéral portant le plan social du casino d’Enghien-les-Bains, avec 69 licenciements, il est tout aussi révélateur des pratiques du groupe Barrière et très motivé. Dans sa décision du 28 avril, elle pointe le non-respect des catégories professionnelles, au sein desquelles sont mises en œuvre les critères retenus pour définir l’ordre des licenciements, mais encore les mesures compensatoires insuffisantes pour les premiers niveaux de qualification dans les activités d’hôtellerie, de restauration et les services associés (voituriers, agents de vestiaire).

Pour ces salariés, particulièrement fragilisés sur le marché de l’emploi, la vitrine d’Enghien-les-Bains du groupe Barrière ne concédait que 4 mois de congés de reclassement pour un départ volontaire et 6 mois pour un départ contraint. Insuffisant  au regard de la capacité financière de l’entreprise (…) et du groupe, a jugé l’administration du Travail. Elle souligne encore le défaut d’information du comité social et économique : les représentants du personnel n’ont pas disposé de toutes les informations leur permettant de rendre un avis.

Refus de licenciement de trois salariés protégés FO

Dans les licenciements économiques individuels, qui constituent la majorité des licenciements, le groupe a aussi imposé des mesures approximatives et contraires à la législation sociale, souligne le représentant de la section FO des Casinos & Clubs de Jeux. FO a assuré, avec succès, la défense, de trois salariés protégés FO, pour lesquels le groupe Barrière n’a pas obtenu l’autorisation demandée de licenciement économique : Nina Lepers, déléguée FO du casino de Saint-Raphaël, Valérie Martinez, membre suppléante FO au CSE du casino de Dinard et Alain Bainçonau, membre suppléant FO au CSE du casino de Biarritz. Dans ce dernier dossier, l’administration du Travail n’exclut pas un lien entre la mesure de licenciement envisagée et le mandat détenu.

Pour que les dossiers de défense, forts de 700 pages, profitent à tous les salariés  injustement licenciés, la section FEC-FO Casinos et Clubs de jeux a décidé de les mettre à la disposition de tous ceux qui en feront la demande, afin qu’ils puissent transmettre les éléments à leur avocat.

FO appelle à une sortie de crise négociée

La conduite de la restructuration n’est pas sans effet sur la reprise. Au casino d’Enghien-les-Bains, qui doit revoir son plan de licenciement, les salariés ont fait grève le 19 mai, jour de la réouverture de l’établissement, à l’appel notamment de FO. Nous voulons éviter les départs contraints et privilégier les départs volontaires. Pour l’instant la direction ferme la porte. Elle doit cesser de prendre des mesures unilatérales en s’asseyant sur le dialogue social, martèle Jean-Christophe Tirat.

Le militant appelle à une sortie de crise négociée qui préserve les métiers dans toute leur diversitéLes casinos de demain ne seront pas des entreprises sans salarié !, poursuit le représentant de la section FEC-FO Casinos et Clubs de jeux, qui est pleinement investie dans la défense des droits des salariés. Elle a saisi le Conseil d’État de la suppression des postes de chef de table et de chef de partie, engagée par le groupe Barrière dans la restructuration, qu’elle juge non-conforme à la réglementation. L’audience de jugement au fond doit se tenir avant l’été.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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