Retraites : Ce 11 février à Paris... entre les poussettes, la contestation

Les articles de L’InFO militante par Valérie Forgeront, L’inFO militante

Droits réservés

C’était la 4e journée de mobilisation contre le projet gouvernemental sur les retraites à l’appel de l’intersyndicale. Mais aussi la première journée organisée sur un week-end. Ce 11 février, comme sur tout le territoire, dans une manifestation parisienne portant haut la contestation, l’ambiance était plus familiale. Dans le cortège FO, des enfants, des poussettes, des familles, des copains, des travailleurs syndiqués ou pas... Illustration de la détermination à lutter contre une réforme injuste et infondée.

Xavier, 51 ans, travaille à Paris, au ministère de l’Écologie, dans le secteur des remontées mécaniques. Adhérent FO, il a fait toutes les manifs depuis le 19 janvier. Ce 11 février, il a répondu encore à l’appel de l’intersyndicale et est venu manifester avec son fils Yohan. Totalement solidaire de la mobilisation. Je suis conscient des choses et j’en discute avec des copains. D’ailleurs certains manifestent aussi aujourd’hui, en famille. Et du haut de ces seize ans, Yohan lance : cette réforme elle est injuste, particulièrement pour les métiers pénibles.

Près de là, Dalila, enseignante de SVT et son collègue, prof lui aussi dans l’Essonne, ont fort à faire avec les enfants qui les accompagnent. Ils sont venus avec chacun les leur, pour Dalila, ses deux petites filles de six et quatre ans. J’ai fait les trois journées de grèves mais pas les manifs. Avec les enfants, ce n’était pas possible indique Dalila, non syndiquée, comme son collègue, mais défilant tous deux dans le cortège parisien FO. Ce 11 février était l’occasion de manifester, par conviction bien sûr mais aussi de montrer aux bouts de choux ce qu’est et comment se passe une manif. Les raisons de celle-ci, c’est plus compliqué à comprendre à leur âge, mais elles sentent bien que le motif est important. Leur mère est là pour en attester, revenant aux revendications : on demande toujours aux mêmes de faire des efforts ! Moi j’ai fait des études longues, alors quand serai-je en retraite ? Je veux le retrait de cette réforme nulle. Et que l’on ne nous parle pas ensuite d’une autre qui créerait un régime universel. Le chacun pour soi et pour percevoir moins, on n’en veut pas !

Claire, 59 ans, est kiné en secteur gériatrique, détachée de la Fonction publique au sein d’un hôpital privé à but non lucratif dans le Val d’Oise. Elle défile avec son mari, kiné lui aussi, deux copines dont l’une est aussi une collègue. Je manifeste car c’est dans le cadre d’un défilé unitaire et tant que cela sera comme cela, je viendrai. Comme son mari et ses amis, Claire est non syndiquée mais tous se tiennent dans les rangs de FO. Histoire de montrer ce que cela pourrait signifier de travailler à un âge avancé, Claire a failli venir à la manif en poussant un déambulateur. Seule la réaction potentielle des forces de l’ordre l’en a dissuadée. Passé ce trait d’humour, la manifestante a des mots sévères envers le projet sur les retraites. Elle approuve à 200% les appels et arguments de l’intersyndicale. J’aurai pu partir en retraite à 62 ans et avec tous les trimestres requis mais là, si la réforme passe, j’en prends pour des mois en plus ! Mais que veut le gouvernement ? Tuer les personnels soignants déjà éreintés ?!, indique-t-elle, en colère, fustigeant l’aberration du projet, venant après celui de 2019, mort-né, qui sous une enveloppe qui pouvait séduire certains par naïveté, débouchait sur de l’incertitude et une baisse du montant des retraites. Pour Claire, la réforme actuelle est autant à envoyer aux oubliettes de l’histoire. Reculer l’âge légal, et qui plus est, ne pas intégrer les primes des agents publics au calcul de la retraite, ce serait la double peine ! Le gouvernement prend les choses à l’envers. Il faut s’occuper des salaires, de l’emploi et de l’égalité salariale. FO ne dirait pas mieux.

Le long cortège parisien, massif et dense avec ses quelque 500 000 personnes, ce qui a nécessité de le dédoubler, affichait clairement son caractère revendicatif. Les Pas question de battre en retraite côtoyaient d’autres pancartes brandies tel je ne suis pas né (e) pour mourir au boulot !. Mais ce 11 février portait aussi des teintes plus légères, sans pour autant oublier la portée et les enjeux du combat engagé. Par la présence des enfants, des amis, de la famille, les manifestants ont donné à voir un engagement large contre le projet. Un engagement de tous les jours, à concilier avec le quotidien, les contingences de la sphère privée.

Je suis là pour dire au gouvernement qu’il ne peut pas tout se permettre !

Isabelle, 50 ans, est ainsi venue avec Choco. Dans le cortège FO, le labrador portant une collerette suite à des soins chez le véto, fait l’admiration de tous, des petits... comme des grands. Ce n’est pas sa première manif assure fièrement l’agente EDF et militante FO. La présence attendrissante de Choco ne pondère en rien les critiques envers la réforme. Il est même un point d’appui. On ne le dit pas assez mais une telle réforme mettrait en difficulté le bénévolat dans la société : les gens qui s’occupent des animaux, ceux qui aident dans des associations, les grands-parents qui gardent les petits enfants, .... Au-delà de cet aspect, le projet est pour inconcevable pour Isabelle. Depuis que je travaille, j’ai déjà perdu 5 ans de retraite par les décisions de recul de l’âge prises dans le cadre des réformes antérieures. Et là, ce serait deux ans de plus ? Impossible. Elle martèle sa revendication : le retrait de cette réforme, particulièrement dure pour les femmes, dont celles qui ont des carrières longues et dont les trimestres pour maternité sont moins pris en compte. Ce qui les contraindrait à travailler plus longtemps.

Droits réservés

Stéphanie, 49 ans, manifeste à Paris avec sa fille, ado, et son mari. La foule est si dense qu’ils ont perdu leurs amis dans le cortège. Ils font une halte et scrutent les rangs de manifestants qui passent lentement, espérant ainsi les repérer. Stéphanie, cadre, travaille dans une ss2i, dans le groupe Astek. J’ai fait grève le 19 janvier mais pour les autres jours, je ne pouvais pas, j’étais en clientèle indique celle qui est élue au CSE (FO y est le 1er syndicat). Son avis sur la réforme actuelle et les précédentes qui ont allongé la durée de cotisation et repoussé aussi l’âge légal de départ en retraites ? Tranché. Et pour cause. Sans même parler de cette réforme, je sais déjà que je dois travailler jusqu’à 69 ans pour espérer une retraite complète ! Or, dans ce secteur informatique qui compte beaucoup de cadres, explique-t-elle, le travail est difficile par sa charge nerveuse, son stress, par la pression que met la direction, envoyant par exemple les commerciaux travailler dans d’autres régions que celle de leur résidence. Stéphanie qui manifeste aussi pour que les jeunes conservent leurs droits à la retraite fustige une réforme qui n’existe que pour ses objectifs budgétaires et surtout est une réponse aux injonctions de Bruxelles concernant la réduction des dépenses publiques en France. Alors je suis là pour dire au gouvernement qu’il ne peut pas tout se permettre !

Droits réservés

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Sur le même sujet