I. Décryptage
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« La comptabilisation en points permettra également de renforcer l’équité du système. Les règles de calcul fondées sur le salaire de référence, notamment la prise en compte des 25 meilleures années au régime général des salariés, défavorisent les carrières courtes, heurtées et peu ascendantes ».
Le système actuel est fondé sur des droits résultant de la contribution de chacun. La pension est ainsi calculée dans le régime général : (Revenu mensuel moyen sur les 25 meilleures années) x Taux (entre 37,5 et 50%) x (durée de cotisation/durée minimum requise). Il est vrai par conséquent que le (plus souvent la) salarié(e) qui n’a pas rempli les conditions du taux plein (62 ans et 166 trimestres aujourd’hui) subi une décote. Il perçoit une pension calculée sur un taux minoré (<50%) et au prorata de la durée de cotisation rapportée à la durée requise. La phrase du rapport est donc juste : les carrières courtes, heurtées et peu ascendantes, qui ne permettent pas d’atteindre le taux plein, sont donc défavorisées par rapport aux carrières pleines et ascendantes (travail à temps plein dont la rémunération progresse tout au long de la carrière).
Mais le régime unique par points n’améliore en rien la situation de ces carrières courtes, heurtées et peu ascendantes puisqu’il faudra acheter des points durant les périodes heurtées avec une cotisation et donc un nombre de points acquis ne progressant pas, du fait d’un salaire ne progressant pas lui-même. En outre, on n’achètera pas plus de points durant les périodes inactives. Par contre, le régime unique par points dégradera les droits acquis des carrières pleines et ascendantes puisque la pension ne sera plus calculée sur les meilleures années (les 25 dernières dans ce cas) !
L’équité en l’occurrence se traduirait par un alignement vers le bas !
La question essentielle est donc non pas de pénaliser la situation qui devrait être la norme – un vrai travail à temps plein en progression tout au long de la vie active – mais de faire en sorte que les politiques économiques et les entreprises garantissent que tout un chacun puisse en bénéficier, ce qui au demeurant améliorerait les recettes et donc l’équilibre des régimes de retraites.
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« Aujourd’hui, le système de retraites n’inspire pas confiance sur le long terme, notamment aux plus jeunes générations, et suscite des interrogations quant à sa soutenabilité et sa capacité à faire face aux aléas économiques et démographiques futurs. »
Méthode classique de propagande. L’assertion, « aujourd’hui, le système n’inspire pas confiance sur le long terme », est un postulat de l’auteur qui ne repose sur aucun fait et mérite amplement d’être interrogé.
Depuis plusieurs dizaines d’années, les « réformes » se sont succédé. Chaque réforme devait assurer la pérennité du système des retraites. Mais il ne passait pas quelques années seulement que suivait une autre « réforme » avec le même argument ! Or, ces « réformes » ont systématiquement conduit à un recul des droits : désindexation des pensions sur les salaires (1987), baisse des pensions par l’imposition de la CSG (1991), allongement de la durée de cotisation (1993, 2003, 2014), recul de l’âge légal (2010), non indexation des pensions sur l’inflation (2018). Comment s’étonner que le doute s’installe, moins sur le système lui-même que sur les politiques quand ce n’est pas sur les gouvernements eux-mêmes ?
Y ajouter que ce doute sur le système de retraite touche « notamment plus les jeunes générations » c’est confondre le doute légitime des jeunes générations sur le fait qu’elles pourront bénéficier dès l’entrée dans la vie active d’un emploi à temps plein pérenne, jusqu’au moment de la retraite, suffisamment rémunéré, avec une interrogation qu’ils n’ont pas forcément sur le système lui-même. Et cela permet, du même coup, d’exonérer les politiques économiques et le comportement des entreprises de leur responsabilité quant aux conséquences de la pression constante à la baisse exercée sur le « coût », c’est-à-dire la rémunération y inclus la part de salaire différé (les cotisations sociales), du travail sur les systèmes de protection sociale qui pâtissent du manque de recettes correspondantes et sont parallèlement d’autant plus sollicitées pour compenser leurs défaillances (précarité, chômage…).
Quant à la question de « la soutenabilité et de la capacité à faire face aux aléas économiques », là encore elle éclaire sur le fait que les gouvernements démissionnent depuis trop longtemps, et à l’avance, face au diktat de l’économie, considérant qu’ils n’ont d’autre pouvoir d’agir qu’en adaptant la protection sociale à la loi d’airain de l’économie plutôt que de conduire des politiques économiques qui servent la justice sociale.
Enfin, parler d’aléa démographique couronne le tout ! L’augmentation de l’espérance de vie à la naissance n’est en rien le produit du hasard. Il est directement le produit des progrès réalisés en matière de santé et du fait que l’on n’est pas obligé de s’épuiser jusqu’au bout au travail. C’est exactement ce qu’ont permis les systèmes de protection sociale collective solidaire…
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Une des expressions favorites du président de la République. Il l’a encore utilisée lors du débat avec les lecteurs de plusieurs quotidiens à Rodez, le 3 octobre dernier, où il entendait faire la promotion du projet de système universel de retraite.
Il ciblait alors les simulations, parues quelques jours plutôt dans la presse, très clairement défavorables, en termes de niveau de pension, au système universel par rapport à la situation actuelle.
Mais que penser alors des garanties et des propres simulations faites dans le rapport du Haut-Commissaire, Jean Paul Delevoye ? Si ce n’est qu’à le lire, on peut considérer tout autant que c’est de la pipe !
Ainsi, « le rendement d’équilibre du système, c’est-à-dire le rapport entre la valeur de service et la valeur d’acquisition des points, serait fixé à 5,5% […] au démarrage de la réforme, et en l’état des hypothèses actuelles ». En clair, rien n’est certain à ce stade. Or, c’est sur cette base que les simulations, qui figurent dans le rapport, sont effectuées !
Ensuite, précise le rapport, « le cadre du pilotage sera fixé par les lois financières proposées par le Gouvernement et adoptées par le Parlement ». « En outre, dans le cadre des lois financières, le Gouvernement pourra présenter au Parlement les modifications ayant trait aux conditions d’ouverture des droits (âge légal, dispositifs de départs anticipés) ainsi qu’aux dispositifs de solidarité (périodes assimilées, droits familiaux, minimum de retraite, etc.). » Et, cerise sur le gâteau, « enfin, le Gouvernement, en ce qu’il détermine et conduit la politique de la Nation, sera toujours libre de proposer tout projet de réforme ayant des incidences sur les équilibres financiers du système de retraite ».
Si, veut-on nous rassurer, « le Conseil d’administration [où seront représentés les partenaires sociaux] disposera d’une capacité à donner son avis sur les choix du Gouvernement » et « pourra également formuler des propositions de modifications », in fine, « le Gouvernement fera connaître, de façon argumentée, les suites qu’il entend donner à ces propositions » !
FO se trompe-t-elle quand elle explique qu’avec le « régime unique par points » demain l’État, c’est-à-dire les gouvernements, auront entre les mains tous les paramètres ?
II. Questions - Réponses
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Le régime universel se substituerait aux régimes de base et régimes complémentaires actuels. Ce régime s’appliquerait à tous, salariés et non-salariés, quelle que soit l’activité professionnelle et le statut : salariés du privé ou du public, fonctionnaires, travailleurs indépendants, professions libérales, agriculteurs, commerçants, chefs d’entreprise…
On parle d’un système par points quand la cotisation est convertie en points. Le nombre de points « achetés » ainsi dépend de la valeur d’achat du point qui peut évoluer année après année (cette valeur d’achat du point serait indexée sur les salaires si l’on en croit le rapport Delevoye). Au moment du départ à la retraite, le nombre total de points acquis tout au long de la vie active est converti en pension. Le niveau de la pension dépend alors, à la fois du nombre de points acquis (du « capital » de points) et de la valeur dite de « service » du point (c’est-à-dire la valeur de revente du point ainsi transformé en pension). Or cette valeur de service pourra évoluer en fonction du cadrage financier défini par les lois de finances annuelles. Le niveau de pension demeure donc incertain jusqu’au moment de liquider sa retraite.
Le passage à un calcul par points remet en cause le principe de l’annuité : aujourd’hui, l’assuré valide des trimestres par son salaire (pour les salariés) ou son revenu d’activité (pour les non-salariés). L’équivalent d’un mois cotisé au niveau du Smic permet de valider un trimestre. S’y ajoutent les trimestres assimilés (périodes de chômage, maternité, …). Au moment de partir en retraite, la pension est calculée sur la base de 50% du salaire moyen des 25 meilleures années dans le régime de base de la sécurité sociale. Ce taux peut être réduit au prorata du manque de trimestres validés par rapport à la durée totale d’activité requise (166 trimestres aujourd’hui). S’ajoute dans le secteur privé la retraite complémentaire (Agirc-Arrco). C’est pourquoi le système actuel est un système dit à prestation définie. Lorsque que le salarié atteint 50 à 55 ans, sous réserve d’une poursuite de son activité professionnelle, il a une idée assez précise de ce que seront ses droits à retraite.
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Un système universel peut sembler séduisant. A priori, qui peut s’y opposer ?
En réalité, le système actuel garantit déjà un droit universel à la retraite par le biais en particulier d’une solidarité financière entre les régimes. Ainsi, depuis 1974, les régimes de salariés compensent financièrement ceux des régimes dont la démographie est défavorable. Cela se traduit par des transferts financiers de l’ordre de 7 à 8 milliards d’euros par an. En 2016, le seul régime général de base des salariés a versé 4,7 milliards d’euros à ce titre tandis que le régime agricole a perçu 5,6 milliards d’euros, dont 3,2 milliards d’euros au profit des exploitants (non-salariés) et 2,4 milliards d’euros à celui des salariés.
Le projet du gouvernement est en fait de supprimer l’ensemble des régimes existants pour aller vers un régime unique qui serait alors géré sous l’autorité de l’État, donc des gouvernements, puisque concernant l’ensemble de la population et non seulement les salariés.
Les retraites, le niveau des pensions comme l’âge de départ, risquent ainsi d’être gérées uniquement sous l’angle comptable, à l’économie, à l’image de ce qui se passe désormais pour la santé.
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On nous assure que les « partenaires sociaux » auront voix au chapitre quant au pilotage du système. Mais le rapport du Haut-Commissaire est très clair et explicite : « le cadre du pilotage sera fixé par les lois financières proposées par le gouvernement et adoptées par le Parlement » et, « en outre, dans le cadre des lois financières, le Gouvernement pourra présenter au Parlement les modifications ayant trait aux conditions d’ouverture des droits (âge légal, dispositifs de départs anticipés) ainsi qu’aux dispositifs de solidarité (périodes assimilées, droits familiaux, minimum de retraite, etc.) ».
On nous dit aussi que la place des partenaires sociaux devra être centrale, mais en précisant aussitôt que si « le Conseil d’administration pourra formuler des propositions de modifications », « le Gouvernement fera connaître, de façon argumentée, les suites qu’il entend donner à ces propositions. »
Quant au recours à des experts indépendants, on sait ce que cela donne sur le Smic : le groupe dit d’experts, mis en place en 2009, n’a jamais recommandé de « coup de pouce » (c’est-à-dire une revalorisation au-delà de l’augmentation légale). Pire, il met désormais en cause le Smic lui-même, préconisant une réflexion sur sa régionalisation ou encore une modulation selon l’âge (retour du Smic Jeune !).
Il s’agit donc bien, avec le régime unique par points, de ce que FO a appelé « une réforme paramétrique permanente aux mains des gouvernements » !
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On nous assure que le « système universel par points » sera plus simple dans un contexte où les carrières sont plus diversifiées. De nombreux salariés relèvent effectivement de plusieurs régimes, du fait de leur parcours professionnel. Pour autant, cela rend-il le système actuel plus complexe ? L’argument est loin d’être convaincant.
En réalité de nombreuses dispositions ont été prises qui permettent de tenir compte de la diversification des carrières dans le cadre du système actuel et de ses régimes.
Désormais, dès qu’un salarié a validé deux trimestres d’assurance retraite, sa caisse d’affiliation doit lui faire parvenir une information générale. Puis à plusieurs étapes, 35 ans, 45 ans et 55 ans, l’information se fait de plus en plus précise, avec, à partir de 45 ans, la possibilité d’un entretien individuel puis, à partir de 55 ans, une estimation du montant de la pension en fonction de l’âge de départ.
C’est un Groupement d’intérêt public (GIP), Union Retraite, composé de la totalité des organismes assurant la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires, qui assure la mise en œuvre de ce droit. Chacun peut ainsi consulter sa situation sur le site www.info-retraite.fr.
D’ores et déjà, le dispositif de la liquidation unique des régimes alignés (Lura) permet aux assurés qui, au cours de la vie active, ont été affiliés aux régimes de salariés, de salariés agricoles et au régime social des indépendants, de liquider leur retraite à partir d’un seul régime qui calcule, notifie et paye la retraite.
Cela sera très prochainement (avant 2022) complété par le Répertoire de gestion des carrières unique (RGCU). Géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), le RGCU regroupera dans un fichier unique, à partir des 35 régimes de retraite obligatoires (base et complémentaire) membres de Union Retraite, toutes les informations sur les carrières dans le but d’améliorer le calcul des pensions de retraite. Le RGCU s’inscrit dans le cadre du renforcement de la dimension inter-régimes du système de retraite.
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Cet argument est fallacieux par omission.
Certes, dans le système actuel, pour valider un trimestre, il faut avoir travaillé l’équivalent d’un mois au Smic. Pour valider une année (4 trimestres), il faut donc avoir travaillé l’équivalent de 4 mois au Smic.
Il est donc vrai que celui ou celle qui n’atteint pas le montant d’un Smic brut mensuel ne validera pas de trimestre.
Mais chaque trimestre validé, dès donc l’équivalent d’un Smic mensuel de salaire, sera compté pour la durée de cotisation. Au terme de la carrière, la pension à taux plein dépendra du nombre total de trimestres validés sur cette base et, très important aussi, cette pension sera alors calculée sur les 25 meilleures années (régime de base des salariés) complétée de la retraite complémentaire (Agirc-Arrco).
Le système par points peut sembler plus avantageux puisque permettant d’acquérir des points dès la première heure salariée. Attention cependant. Celui ou celle qui n’a travaillé que partiellement (par exemple l’équivalent d’un seul mois sur le trimestre), n’aura acquis qu’un tiers de points possibles sur le trimestre. Le manque à gagner de points, correspondant aux deux mois non travaillés, pénalisera le capital de points au terme de la vie active, ce qui amputera d’autant le niveau de pension. Et la référence aux 25 meilleures années pour le calcul de la pension de base, disparaît !
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Le slogan maintes fois répété par les promoteurs de la réforme « un euro cotisé donnera les mêmes droits » masque plusieurs réalités.
En effet, la retraite de base ne sera plus, comme aujourd’hui dans le secteur privé, calculée sur les 25 meilleurs années, ou sur les six derniers mois dans la Fonction publique. Ces modes de calculs conduisent aujourd’hui à un taux de remplacement – le rapport entre la pension et le dernier salaire – qui est équivalent entre public et privé. Dans le système par points, chacun devra acheter ses points tout au long de sa vie active. Y compris dans les périodes difficiles, quand on a du mal, jeune, à entrer dans la vie active, quand on n’a qu’un petit salaire, un temps partiel imposé ou un petit boulot comme indépendant.
Le nombre de points – le capital constitué tout au long de la vie professionnelle – il faut noter au passage la terminologie ! - ce capital, donc, dépendra de la valeur d’achat du point. Et, le moment venu, la pension dépendra de la valeur de service au moment de la conversion des points en retraite qui sera elle déterminée par le cadrage financier décidé par le gouvernement et voté par le parlement.
Alors, on l’a compris : petit salaire vaudra maigre capital de points et petite retraite.
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Dans un système par points, il n’y a aucune garantie du montant de la pension. La seule certitude que peuvent avoir les cotisants, c’est le nombre de points acquis au cours de la carrière, mais en aucun cas, ce nombre de points ne peut garantir le niveau de la future pension.
Comme l’explique le rapport du Haut-Commissaire : « Le cadre du pilotage du système universel de retraite sera défini dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En outre, dans le cadre des lois financières, le Gouvernement pourra présenter au Parlement les modifications ayant trait aux conditions d’ouverture des droits (âge légal, dispositifs de départs anticipés) ainsi qu’aux dispositifs de solidarité (périodes assimilées, droits familiaux, minimum de retraite, etc.) ».
Ce sont donc les gouvernements qui auront tout pouvoir quant au cadrage financier du pilotage du système fixé par les lois de finances, ils détermineront ainsi les valeurs du point, à l’achat comme à la conversion en pension, en fonction des contraintes économiques et budgétaires.
Le montant de la pension ne serait connu qu’au moment du départ en retraite, le système n’apporte donc aucune certitude sur le maintien du niveau des retraites. Il reviendra à chacun en fonction de la valeur du point, qui pourra varier d’une période à l’autre, de choisir entre le montant de la pension et son âge de départ, s’il est encore en activité ou s’il peut se maintenir en activité.
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M. Delevoye a avancé l’idée d’un âge pivot à 64 ans pour pouvoir partir à taux plein, avec un malus qui amputerait la pension de moins 10% pour celles et ceux qui, y ayant pourtant droit, voudraient partir à 62 ans.
Les gouvernements auront ainsi tout loisir d’agir sur les droits à pension demain, notamment sur le niveau des pensions, et par voie de conséquence sur l’âge effectif auquel chacun n’aura d’autre choix que de se conformer pour bénéficier d’une retraite décente.
Avec ce système unique par points, l’âge d’ouverture des droits, même maintenu à 62 ans, deviendrait virtuel. Si le montant de la pension ne suffit pas, il faudra tout de même poursuivre son activité pour acquérir des points supplémentaires, à la condition bien sûr qu’être encore en emploi !
Le président de la République quant à lui a déclaré préférer un calcul des droits liés à la durée de cotisation plutôt qu’à l’âge. Quoiqu’il en soit, âge du taux plein ou durée de cotisation, le Premier ministre a été clair : « il faudra travailler plus longtemps ».
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Le gouvernement met en avant l’augmentation de l’espérance de vie pour justifier la nécessité d’allonger la durée d’activité. N’oublions pas que c’est parce que nous avons créé la sécurité sociale, qui permet d’être mieux soignés à égalité, c’est parce que nous avons créé les retraites, qui permettent de ne pas avoir à s’épuiser jusqu’au bout au travail, que l’on vit plus longtemps aujourd’hui.
De plus, l’espérance de vie en bonne santé n’évolue pas dans les mêmes conditions. Elle est aujourd’hui autour de 63 - 64 ans. A partir de 63 ans, on commence souvent à avoir des pépins de santé, qui rendent plus difficile de devoir continuer de travailler. Et, pour beaucoup, 62 ans c’est déjà trop ! Beaucoup attendent avec impatience le moment de pouvoir enfin s’arrêter, notamment dans de nombreuses professions et secteurs d’activité, où le travail use prématurément, physiquement et psychologiquement, du fait notamment des conditions de travail, du manque de moyens, de la pression à la compétitivité, d’une organisation du travail sans frontière avec la vie privée.
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Lors du débat sur les retraites à Rodez, le Président de la République annonçait une retraite minimum de 1000 euros ce qui correspondrait à 85% du Smic net. Cependant quand on y regarde de plus près, seules les personnes ayant cotisé pleinement durant toute leur carrière professionnelle pourront en bénéficier.
1000 euros, ça sonne bien ! Mais en réalité, le minimum retraite actuel s’élève déjà à 960 euros net (en y ajoutant la complémentaire) étant basé ainsi sur 81% du Smic.FO revendique un minimum retraite équivalent à 100% du Smic ; en effet, un salarié ayant travaillé toute sa vie au minimum salarial devrait ainsi toucher l’équivalent lors de sa retraite.
Par ailleurs, le gouvernement a créé la prime d’activité qui vient compléter de 100€ le Smic. Or, cette prime d’activité n’est pas intégrée par le gouvernement quand il annonce un minimum à 85% du Smic alors que tout salariés en activité au Smic perçoit en réalité le Smic + 100 €. FO revendique donc que le calcul du minimum se fasse à tout le moins sur cette base (Smic + Prime d’activité), sachant que FO revendique de porter le Smic à 1450€ net (80% du salaire médian).
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Notre système de retraite actuel a conduit aujourd’hui à un niveau de vie relativement bon des retraités :
Selon le rapport annuel du COR, en 2016, le niveau de vie moyen des retraités est légèrement supérieur (de l’ordre de 6 %) à celui de l’ensemble de la population. Il est globalement stable depuis 1996, alors qu’il avait fortement progressé depuis 1970.
Résultat : le taux de pauvreté des retraités est plus faible en France qu’ailleurs en Europe avec un taux à 7,3% en France en 2018, selon Eurostat. Ce taux est bien plus faible que la moyenne européenne (14,9%) et qu’en Suède, notamment, où le taux de pauvreté était de 15,8% en 2018, plus du double de la France. Ce pays est régulièrement cité en exemple pour sa réforme des retraites, engagée en 1999, et qui se rapproche du projet de régime unique par points proposé par le gouvernement actuel.
La Suède a opté pour un système à points, obligatoire, universel, qui se veut plus simple. Toutefois, pour assurer l’équilibre du système, un mécanisme complexe d’indexation a été mis en place : les pensions sont réévaluées, chaque année, en fonction de l’espérance de vie et de l’évolution du salaire réel moyen par tête. En cas de réserves financières insuffisantes ou de baisse du nombre d’actifs, une disposition automatique se déclenche, pouvant réduire le niveau des pensions, comme cela a été le cas en 2010, 2011 et 2014. L’ancien Premier ministre suédois Göran Persson déclarait ainsi que « nous avons le meilleur système de retraite au monde, avec le seul petit défaut qu’il donne des pensions trop basses. »
L’exemple suédois n’est donc pas de nature à rassurer les futurs retraités sur le montant de leur pension.
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Les pouvoirs publics justifient la réforme en expliquant que le système actuel est particulièrement injuste pour les femmes. Seront-elles favorisées par le régime unique ? Rien n’est moins sûr.
Dans un système de points qui assure les mêmes droits pour tous en fonction du temps que l’on a travaillé, les carrières hachées ou incomplètes sont forcément pénalisées. Ceux qui ont eu beaucoup recours à du travail à temps partiel, ont connu des périodes de chômage, ont effectué des études longues ou encore ont été longtemps en formation, ont mécaniquement accumulé moins de points.
Les femmes ont les carrières les plus heurtées avec des moyennes de salaire plus basses. Elles sont surreprésentées parmi les travailleurs à temps partiel, qui est trop souvent subi. Avec un système par point, c’est l’intégralité de la carrière qui pèse. Toutes les périodes creuses diminueront la pension au final, qui est déjà en moyenne inférieure de 27% à celle des hommes, y compris en faisant jouer les solidarités, telle que la pension de réversion, puisque les femmes en sont bénéficiaires à 93%.
Dans le système actuel, les mères disposent de trimestres supplémentaires pour compléter leur carrière, elles disposent ainsi par enfant de 8 trimestres (dans le privé) et 4 trimestres dans le public. Mais dans le nouveau système, ce complément n’existera plus et laisse à penser qu’elles devront ainsi travailler plus longtemps pour atteindre une retraite à taux plein. Les femmes bénéficieront en revanche une majoration de 5 % de leurs points dès le premier enfant, 10 % pour 2 enfants, 15 % pour le 3e, etc. Cet avantage pourrait être plafonné à partir d’un nombre d’enfants qui reste encore à définir.
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Selon le Rapport, les dispositifs de carrière longue seraient heureusement maintenus.
Ils permettront un départ à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans, avec une valeur de service du point correspondant à un départ à 64 ans.
De toute évidence, il manque un dispositif général permettant un départ précoce pour les métiers qu’il est difficile de faire après un certain âge, comme routiers ou aides-soignantes.
Il manque aussi un dispositif général pour les personnes qui ne peuvent espérer retrouver un emploi en raison de leur état de santé, de la situation de l’emploi dans leur région ou dans leur profession.
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Le système proposé incite au développement de la capitalisation puisqu’il ne garantit pas un niveau minimum satisfaisant pour le taux de remplacement, ce qui peut conduire les salariés, soit à privilégier l’épargne individuelle soit à réclamer dans les plus grandes entreprises, le renforcement des dispositifs de retraite supplémentaire.
Le rapport Delevoye annonce que « les employeurs et les salariés qui le souhaitent pourront compléter le niveau de retraite par la mise en place de dispositifs collectifs d’épargne retraite ». Cela a le mérite d’être clair. Les entreprises et assurances y pensent déjà pour les plus hauts salaires dans un premier temps puisque le la cotisation Agirc-Arrco, qui va jusqu’à huit plafonds du Smic sera supprimée, ce qui pénalisera la retraite complémentaire actuelle des cadres concernés.
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Avec le régime par points, les modalités de calcul des pensions de réversion évolueraient considérablement. Le calcul des pensions de réversion serait basé sur le niveau de vie du couple avant le décès de l’un des deux conjoints, et non plus sur des conditions jusque-là spécifiques à chaque régime.
Selon le rapport, ce mode de calcul permettra de mettre fin aux inégalités actuelles entre régimes.
Aujourd’hui, 4,4 millions de personnes - en majorité des femmes - bénéficient d’une partie des pensions perçues, avant leur décès, par leur conjoint(e) ou leur ex-conjoint(e) retraité(e) ou d’une partie des pensions dont ces derniers auraient pu bénéficier (s’ils sont décédés alors qu’ils n’étaient pas encore retraités). Si la réforme entre en application, ces conditions s’appliqueront toujours.
Le versement d’une réversion dépend aujourd’hui de différents paramètres. Parmi ces critères : l’âge de la veuve ou du veuf. La réversion est ouverte dès 55 ans dans les régimes de base. Même chose à l’Agirc-Arrco (retraites complémentaires) pour les décès intervenus depuis le 1er janvier dernier, sauf si l’on a deux enfants à charge : il n’y a alors pas d’âge minimal. Il faut avoir 60 ans dans la plupart des autres régimes complémentaires (par exemple pour ceux des experts-comptables, des médecins libéraux...). Pour les fonctionnaires de l’État ou des collectivités territoriales, il n’y a pas de condition d’âge.
Selon les régimes, il existe aussi des seuils de ressources et des conditions non-remariage pour toucher une réversion. Par exemple, dans le régime général, le plafond annuel est de 20 862 euros pour une personne seule et 33 379 euros pour un couple (il n’y a pas de condition de non-remariage pour en bénéficier). A l’inverse dans les régimes complémentaires, on ne tient pas compte des ressources du survivant, mais il doit en revanche ne pas être remarié pour avoir droit à la réversion.
Dans le régime unique, le droit à une pension de réversion serait ouvert seulement à compter de 62 ans pour tous. Beaucoup pourraient donc y perdre. De ce fait, le projet écarterait de nombreux bénéficiaires et baisserait de fait leurs revenus et leur niveau de vie.
Sur le montant de la pension, également : en effet, le pourcentage de réversion, c’est-à-dire la fraction de la pension de retraite de la personne décédée qui peut être attribuée à son conjoint survivant, varie également entre les régimes de retraite.
Plusieurs régimes complémentaires, notamment l’Agirc-Arrco reversent 60% de ces droits. Pour les régimes de base, ce taux est de 54%. Il est par contre de 50% seulement si le défunt était fonctionnaire de l’État ou contractuel de la Fonction publique.
Avec le régime unique, ces différents taux, fonction des droits acquis par la personne décédée disparaitraient pour laisser la place à un seul et même mode de calcul. Celui-ci prendrait en compte 70% du total des droits à la retraite du couple avant le décès.
Aucune condition de ressources ne serait requise d’après le rapport Delevoye. Mais le droit à réversion serait réservé, comme aujourd’hui, aux couples mariés. Le nombre minimal d’années de mariage qui existe par exemple dans les régimes des fonctionnaires disparaitrait.
Enfin, en cas de divorce, alors qu’aujourd’hui, les ex-conjoint(e)s ont droit à une pension de réversion qui peut être proratisée s’il y a eu différents mariages, ce ne serait plus le cas dans le futur système.
Au moment du divorce, il appartiendra au juge des affaires familiales d’intégrer les droits à la retraite accumulés par chacun des époux dans la prestation compensatoire dont il fixera le montant. Ainsi, en cas de remariage, le futur conjoint pourra bénéficier d’une réversion, à hauteur de 70% des revenus du nouveau couple, sans avoir à la partager avec un premier conjoint.
Enfin, le rapport précise que les retraités actuels ne sont pas concernés. Le conjoint survivant en cas de décès survenant après 2025 n’aurait pas donc les mêmes droits que celui dont l’époux est décédé avant. Le principe constitutionnel d’égalité de droit pour une même situation (veuvage) ne pouvant être remis en cause, laisser penser que la réforme pourrait s’en affranchir est une tromperie.