Retraites : le 11 mars à Paris, des manifestants toujours aussi déterminés

Les articles de L’InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

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Plusieurs centaines de milliers de manifestants ont de nouveau défilé ce samedi 11 mars dans toute la France pour la septième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Si les rangs étaient moins fournis qu’à l’accoutumée, sans surprise, les manifestants se sont montrés déterminés à ne rien lâcher. A Paris, l’intersyndicale a tout de même dénombré 300 000 personnes.

Poussettes, bambins, bandes de copains, reprise en chœur de slogans et de chansons populaires… Comme pour le précédent samedi de mobilisation, l’ambiance était plutôt familiale ce 11 mars à Paris, pour la septième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Beaucoup de manifestants avaient fabriqué une pancarte, certaines humoristiques, comme 64 ans, vraiment ? Mr Macron 45 ans et déjà sourd, d’autres plus graves comme Usons du droit de grève avant d’être usés. Des militants FO Métaux n’étaient pas en reste avec leur argument imparable pour attirer les consommateurs sur leur stand de sandwiches : La merguez qu’il vous FO. Dans les haut-parleurs des camions syndicaux, les slogans se répondaient en échos, comme le classique la retraite, elle est à nous, on s’est battus pour la gagner, on se battra pour la garder.

En attendant que le cortège ne s’ébranle, FO fermant cette fois la marche, Milo, 12 ans, tentait de coincer un drapeau FO dans son pantalon, en passant par une poche trouée. Il a fabriqué sa propre pancarte, mélange d’autocollants et de dessins. J’étais déjà venu manifester le samedi 11 février et j’ai demandé à ma famille de revenir aujourd’hui, explique-t-il, se disant bien content d’être là. S’il aime l’ambiance et la musique des manifs, il n’en oublie pas les revendications. Soixante-quatre ans, c’est trop vieux pour travailler, 62 ans c’est déjà trop, explique cet élève de sixième. Je veux être vétérinaire, c’est 10 ans d’études, je vais partir à quel âge ?.

Dominique, informaticien retraité de 63 ans et ancien militant FO, est lui aussi venu manifester en famille, accompagné de sa femme et de sa fille. S’il a déjà défilé à plusieurs reprises contre cette réforme des retraites, c’est une première pour son épouse, toujours en activité. Cette dernière devrait partir à la retraite en octobre prochain. Le couple a déjà prévu de s’offrir quelques mois de vacances pour fêter leur retraite commune. Si la réforme passe, c’est foutu, je vais devoir travailler un semestre, deux semestres...je ne sais pas, se désespère-t-elle. Ce qui me révolte, c’est l’injustice de l’histoire.

Quant à leur fille, elle est très investie dans la cause féministe. Je fais rarement les autres manifestations, mais les deux sujets sont très liés, car les femmes vont être touchées par la réforme, elles ont souvent travaillé à temps partiel pour s’occuper des enfants et elles sont pénalisées en fin de carrière, c’est injuste et atroce, dénonce-t-elle.

Il est hors de question de perdre nos acquis sociaux

Dominique a fait ses calculs pour ajouter un argument supplémentaire au caractère infondé de la réforme. On nous compare beaucoup à l’Allemagne où les gens partent à 67 ans, explique-t-il. Mais contrairement à eux, en France, les cadres travaillent souvent jusqu’à 19 ou 20 heures et ces heures supplémentaires non payées représentent facilement un jour de plus par semaine, soit 39 jours par an, ou 4 ans en 20 ans de carrière, assure-t-il.

Benjamin, 40 ans, et Karima, 39, sont eux aussi venus manifester en famille avec leur fils, Ismaël, 4 ans. Le petit garçon, perché sur les épaules de son père, vit sa première manifestation, une épée en plastique en main. Et on espère que ce n’est pas sa dernière, pour d’autres luttes, prévient son père, éducateur dans la protection de l’enfance. Lui ne se voit pas travailler jusqu’à 64 ans. Le boulot est très fatigant, surtout psychologiquement et à 40 ans, on a déjà du mal à comprendre les jeunes, alors à 64… De son côté, sa compagne, psychologue dans l’éducation nationale, a commencé à travailler tardivement et a peu cotisé pour sa retraite. Il dénonce une réforme injuste, notamment pour les femmes.

S’il n’est pas encarté, Benjamin a grandi dans une famille très engagée dans les syndicats et la politique. En 2010, il avait déjà manifesté contre la réforme des retraites, avec ses parents. Il reprend le flambeau avec son fils. Il est hors de question de perdre nos acquis sociaux, j’ai envie que mon fils ne soit pas résigné et dise non, prévient-il.

Un peu plus loin, Angelina, 34 ans, garde un œil sur ses deux garçons, âgés de 3 et 6 ans. Comme le 11 février dernier, cette enseignante-chercheuse à la fac, non syndiquée, est venue défiler avec son compagnon, professeur des écoles et militant FO. On ne va pas pouvoir rester très longtemps, le petit peut dormir dans la poussette mais le grand s’ennuie et fatigue vite, explique-t-elle. Mais il a une classe qui ferme dans son école, lui aussi est touché par des décisions du gouvernement, ça l’a motivé pour venir. La jeune femme est également très investie dans la lutte contre les 187 fermetures de classes programmées à Paris pour la prochaine rentrée scolaire. Si elle estime que la réforme des retraites ne changerait pas grand-chose pour sa situation personnelle, elle manifeste pour l’avenir de ses enfants. Le système n’est déjà pas très juste, surtout pour les femmes, qui se retrouvent en précarité en fin de vie, témoigne-t-elle. Nous devons aider ma mère et ma belle-mère qui n’ont plus d’argent. Ça ne va déjà pas et on réserve encore pire à nos enfants.
Elle est également remontée contre la méthode du gouvernement, qui avait dégainé au Sénat le 10 mars l’arme constitutionnelle du vote bloqué. Faire passer de force une loi dont personne ne veut, c’est inacceptable, j’espère qu’on va le faire reculer.

On est au pays de l’absurdie

Isabelle, chasuble FO 92 sur le dos, est gestionnaire de sinistres dans l’assistance pour une filiale de la CNP a été de toutes les manifestations contre la réforme. Elle relativise aussi l’apparente baisse de mobilisation ce 11 mars. J’ai plein de camarades qui manifestent localement, sur des piquets de grève, des ronds-points bloqués, explique-t-elle.

Christine, 52 ans, professeur de français et représentante FO dans un collège du Val d’Oise, en est elle aussi à sa septième journée de manifestation contre la réforme des retraits. Je les ferai toutes, ce n’est pas un plaisir mais je serais encore plus mal si je ne venais pas, explique-t-elle. Elle s’est fabriqué une pancarte jaune mettant en scène des Shadocks. On est au pays de l’absurdie, poursuit-elle. Dans la même idée, on peut dire que s’il n’y a pas de solution, il n’y a pas de problème. Et que s’il n’y a pas d’argent pour les retraites, il n’y a plus besoin de retraite. Elle a commencé à travailler à 29 ans. Mon bureau va me servir de cercueil, lance la militante. C’est aussi pour les jeunes que je ne lâche rien. Quel avenir on leur réserve ? Ils me disent déjà qu’avec Parcoursup, c’est un algorithme qui va choisir leur filière à leur place, qu’ils ne feront pas ce qu’ils veulent.

Alors que le président de la République avait refusé la veille de la manifestation de recevoir l’intersyndicale, renvoyant les interlocuteurs sociaux vers le ministre du Travail, Olivier Dussopt, le secrétaire général de FO Frédéric Souillot a souligné depuis le carré de tête de la manifestation parisienne que la mobilisation reste massive et déterminée. La situation se tend partout, selon les remontées que j’ai, les militants disent que si le gouvernement veut en découdre, ils vont bloquer les ronds-points, comme à Cahors, où la manifestation a été délocalisée à la sortie de la ville.

Dans un communiqué rendu public dans la soirée du 11 mars, l’intersyndicale a appelé le président de la République à organiser une consultation citoyenne sur le sujet de la réforme des retraites dans les plus brefs délais, en prenant appui sur la pétition qui a recueilli plus d’un million de signatures. Elle soutient et encourage tous les secteurs professionnels à poursuivre et amplifier le mouvement pour obtenir le retrait de ce projet de loi. Une prochaine journée de grèves et de manifestations mobilisation est prévue le 15 mars, jour de la commission mixte paritaire.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération