Roger Legeay | Le dopage organisé n’existe plus

Le Tour Entretien

Ancien coureur puis patron des équipes Gan et Crédit agricole, Roger Legeay dirige depuis sa création, en 2007, le Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC), qui impose à ses membres des règles strictes en matière de dopage. Il nous présente une association désormais centrale dans le cyclisme.

Roger Legeay

FO HEBDO : Comment est né le MPCC ?
ROGER LEGEAY : De l’initiative de plusieurs managers d’équipes au départ du Tour 2007. Après les affaires Festina (1998) et Puerto (2006), nous étions plusieurs à vouloir aller plus loin que le règlement de l’UCI. La fédération internationale est obligée de suivre les normes de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Les managers, eux, peuvent prendre l’engagement volontaire de faire bien plus.

Combien d’équipes sont aujourd’hui adhérentes au MPCC ?
Soixante-cinq, dont dix des dix-sept formations du World Tour (1re division) et les vingt de Continental Pro (2e division). Il y a également plusieurs fédérations, dont la France ou la Belgique, des sponsors, des organisateurs, des clubs, des associations...

Concrètement, quelles sont les contraintes pour les équipes adhérentes ?
Elles sont volontaires pour être membres du MPCC, et c’est ce qui permet de faire beaucoup de choses. Nous avons ainsi adopté des règles strictes avec tout coureur contrôlé positif. Il est immédiatement mis à l’arrêt et s’il est suspendu plus de six mois, alors il est retiré de l’effectif et toutes les autres équipes s’engagent à ne pas le réembaucher à l’issue de la suspension. Autre contrainte : l’autosuspension. Si deux coureurs d’une même équipe sont contrôlés positifs en douze mois, alors celle-ci doit s’arrêter pendant une semaine – et pendant une épreuve World Tour, pour qu’il y ait une vraie conséquence. Si on dénombre trois contrôles positifs en deux ans, c’est un mois d’arrêt. Nous faisons également attention à la santé des coureurs. Ainsi, nous organisons des tests de cortisolémie, toujours sur la base du volontariat : si un coureur présente un taux anormalement bas, ce qui peut être le signe d’une prise de corticoïdes – licite ou illicite – alors il est arrêté huit jours. Nous venons ainsi en complément du règlement de l’UCI, grâce aux pouvoirs des managers d’équipes.

Cela a-t-il permis de faire changer les choses ?
Nous explorons des pistes, poussons l’AMA et l’UCI à nous suivre, et il y a des résultats. Depuis le 1er janvier 2015, les règles de l’UCI ont ainsi évolué, en reprenant en partie nos règles de l’autosuspension des équipes. Nous sommes une force de proposition : notre but est de trouver des solutions, de faire évoluer les règlements. Mais il y a des points qui seront toujours de la seule responsabilité des managers. L’UCI, par exemple, ne peut pas inscrire dans son règlement l’interdiction de réembaucher un ex-suspendu, car c’est contraire au droit. Le domaine d’intervention des managers est plus grand, et c’est important. Ne pas reprendre un coureur ou s’arrêter une semaine, c’est un acte fort, qui implique l’acceptation des managers, des médecins, des sponsors. Et qui met la pression sur les coureurs : ils savent que s’ils sont pris par la patrouille, leur carrière est finie.

Huit ans après sa création, quel bilan tirez-vous de l’action du MPCC ?
Il est très positif. Nous sommes longtemps restés minoritaires, mais l’affaire Armstrong a tout changé. Les managers ont compris qu’il fallait prouver que le cyclisme changeait. Il faut rester modeste : on n’éradiquera pas le dopage. Mais on peut penser que le dopage organisé au sein d’une équipe, ça n’existe plus. Restent les cas individuels... À chaque contrôle positif, il y a une sanction. Un coureur qui est suspendu, il n’a plus sa place. Ce sont de vraies réponses qui crédibilisent le cyclisme. Aucun autre sport ne fait ça.