Lorsque que Force Ouvrière a signé début 2008, avec trois autres organisations syndicales, l’accord interprofessionnel introduisant la rupture conventionnelle du contrat de travail, il s’agissait principalement de proposer un cadre juridique à des démissions qui laissaient un certain nombre de salariés sur la paille. L’ouverture de droits à l’Assurance chômage était un moyen de pallier cette difficulté. Le dispositif garantissant d’autre part une indemnité de départ au moins égale au montant légal appliqué en cas de licenciement. Avant sa mise en place en août 2008, seuls les salariés les plus qualifiés pouvaient négocier un départ et éventuellement s’engager dans une transaction financière.
Plusieurs arrêts de la Cour de cassation
Huit ans plus tard, le texte originel a subi quelques accrocs, notamment par des décisions de justice qui ont fait jurisprudence. Il est important de relever, déplore le secteur juridique de FO, que la volonté des partenaires sociaux a été bafouée à l’occasion, notamment, de trois arrêts en date du 29 janvier 2014.
Trois arrêts de la Cour de cassation qui ont eu de lourdes conséquences sur les garanties énoncées dans l’accord national interprofessionnel de 2008.
Quelles sont les garanties liées à la liberté de consentement du salarié ? La possibilité, lors des entretiens préalables à cette rupture, de se faire assister par une personne de son choix (membre du CE, délégué du personnel, délégué syndical ou tout autre salarié de l’entreprise). Autres garanties : l’homologation de la rupture par le directeur départemental du travail (Direccte) ; le droit de se rétracter pendant un délai de quinze jours suivant la signature de la convention ; et enfin, l’information du salarié de la possibilité de prendre les contacts nécessaires, notamment auprès de Pôle emploi, afin d’envisager la suite de son parcours professionnel avant tout consentement.
La Cour de cassation a transformé ces garanties en conditions de forme, donc avec un moindre poids que s’il s’était agi de conditions de fond. En conservant un caractère de fond, la violation éventuelle d’une de ces garanties aurait automatiquement invalidé la rupture conventionnelle en la transformant en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Des contrôles insuffisants
1,7 %
C’est le taux de ruptures conventionnelles enregitrées pour des fins de contrats à durée indéterminée.
La Haute Cour a continué sur sa lancée en 2014 et 2015 en permettant qu’une rupture conventionnelle puisse se conclure avec des salariés en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ainsi que pendant un congé maternité. Permettant ainsi aux employeurs de contourner les protections destinées aux salariés fragilisés.
Les employeurs ont-ils utilisé uniquement à leur profit la rupture conventionnelle du contrat de travail ? C’est le sentiment de Didier Porte, secrétaire confédéral FO, pour qui les patrons n’ont pas joué le jeu et n’utilisent la rupture conventionnelle que lorsqu’ils en ont besoin. Car bien souvent, l’employeur préfère une démission qui lui coûtera moins cher en indemnités. Une posture qui pourrait être confirmée par le fait que malgré la mise en place de la rupture conventionnelle, la démission demeure de loin le premier motif de rupture d’un CDI.
L’administration homologue 94 % des demandes, or, selon les chiffres de la Dares, 36 % des ruptures conventionnelles concernaient des personnes âgées de 50 à 59 ans, contre 16 % pour l’ensemble des salariés. Un moyen de faire endosser à l’Assurance chômage un dispositif qui ressemble à celui des préretraites, avant leur suppression par la réforme Fillon de 2003.
Pour contrer cette dérive, les syndicats ont proposé la mise en place d’une cotisation sur les ruptures conventionnelles des seniors, destinée à alimenter les caisses de l’Arrco et l’Agirc. Affaire à suivre donc.